De notre correspondante
à New York
« NOUS POUVONS donner une seule dose de cet anticorps, même tardivement - jusqu'à cinq jours après l'infection, lorsque le virus du Nil a déjà pénétré dans le cerveau - et l'on peut encore guérir les souris. Cet anticorps protège également les souris du décès », souligne le Dr Michael Diamond, qui a dirigé ce travail a l'université de Washington à St Louis (Missouri). « A ma connaissance, c'est la première fois qu'il est démontré qu'un anticorps humanisé est efficace après une infection virale », précise-t-il au « Quotidien ». « Cela suggère que des thérapies par anticorps pourraient avoir une utilité plus grande, en particulier dans le traitement des infections du système nerveux cérébral, au cours desquelles il est important d'avoir une réponse humorale efficace pour limiter la dissémination du virus et la destruction neuronale.
« Bien que nous soyons optimistes, ces résultats sont issus d'un modèle murin et des études supplémentaires sont nécessaires avant de pouvoir envisager la possibilité d'une utilisation chez l'homme », prévient-il, toutefois.
Le virus du Nil occidental, comme le virus de la dengue, appartient à la famille des flavivirus ; il est transmis a l'homme par piqûre de moustique infecté. Isolé initialement en Afrique en 1937, il s'est répandu, via les oiseaux migrateurs, au Moyen-Orient, en Europe et en Asie, puis est apparu aux Etats-Unis en 1999, puis le virus s'est disséminé jusqu'à la côte Ouest, provoquant une morbidité chez plus de 16 000 Américains et plus de 600 décès.
Encéphalite parfois mortelle.
En effet, si la majorité des personnes infectées par le virus du Nil sont asymptomatiques ou ont simplement un syndrome grippal bénin, certaines personnes âgées ou immunocompromises peuvent développer une encéphalite (avec paralysie et coma) parfois fatale. Il n'existe à l'heure actuelle aucun traitement spécifique ou vaccin.
Deux équipes ont récemment montré que des gammaglobulines polyclonales dérivées du sang des patients convalescents de la fièvre du Nil peuvent guérir et améliorer la survie des souris infectées par le virus. Sur la base de ces résultats, un essai clinique avec des gammaglobulines a été entrepris par le NIH. Toutefois, l'utilisation d'anticorps polyclonaux dérivés du sang humain présente pour inconvénients : une faible activité neutralisante spécifique, une efficacité variable (anticorps dérivés de donneurs immuns et non immuns) et le risque de transmettre des agents infectieux.
Oliphant, Diamond et coll. ont donc cherché à développer un anticorps monoclonal neutralisant qui devrait, en théorie, posséder un meilleur profil de sécurité et une plus grande efficacité.
Les chercheurs ont d'abord développé une batterie de quarante-six anticorps monoclonaux de souris dirigés contre la protéine d'enveloppe (E) du virus du Nil. Des tests supplémentaires ont montré que douze de ces anticorps neutralisent correctement le virus, in vitro et chez la souris.
Les chercheurs ont également constaté que la majorité de ces anticorps neutralisants se fixent à une région bien précise (un épitope composé de quatre acides aminés) du domaine III de la protéine d'enveloppe. Cet épitope est également reconnu par les anticorps convalescents de patients guéris de la fièvre du Nil.
Même cinq jours après l'infection.
Un de ces anticorps monoclonaux, appelé E16, neutralise in vitro 10 souches différentes du virus du Nil et présente une efficacité thérapeutique chez la souris, même lorsqu'il est administré en dose unique cinq jours après l'infection. Il améliore considérablement la survie des souris (elle passe de 10 % sans traitement, à 90 % avec l'immunothérapie passive) et éradique complètement le virus du cerveau (neuf jours après l'infection) chez près de 70 % d'entre elles.
Des chercheurs de Macrogenics (Rockville, Maryland) ont cloné cet anticorps E16 en un anticorps humain. De nouveaux tests chez la souris ont confirmé que cet anticorps humanisé conserve la même efficacité thérapeutique.
Les informations apportées par ce travail de recherche auront « des répercussions pour le développement d'un vaccin pédiatrique contre le virus de la dengue », indique le Dr Daved Fremont, cosignataire de ces travaux. Selon les estimations, cent millions de cas de dengue surviennent chaque année dans le monde.
« Nature Medicine », 24 avril 2005, doi:10.1038/nm1240).
Un vaccin à l'essai aux Etats-Unis
Un nouveau candidat vaccin contre le virus du Nil occidental entre en phase d'essai chez quinze volontaires sains au NIH américain (Bethesda). Développé par des chercheurs du Niaid (branche du NIH) et de Viacal Inc. (San Diego), ce vaccin expérimental est composé d'un DNA plasmidique, circulaire, qui contient les gènes codant deux protéines de surface clés du virus. Ce vaccin est de nature à induire une réaction immunitaire cellulaire (lymphocytes T tueurs) et humorale (production d'anticorps).
Ce candidat vaccin a été développé à partir d'un vaccin expérimental qui a été testé avec succès chez l'animal (souris, chevaux, corneilles américaines).
Les volontaires (âgés de 18 à 50 ans) recevront trois injections au niveau de la partie supérieure du bras : la première à l'entrée dans l'étude, la deuxième quatre semaines plus tard et la troisième quatre semaines plus tard à nouveau. La préparation vaccinale sera administrée à l'aide d'un injecteur sans aiguille.
La surveillance des sujets vaccinés portera, d'une part, sur la tolérance et, d'autre part, sur la capacité du vaccin à provoquer l'apparition de lymphocytes T et d'anticorps spécifiques du virus. Les promoteurs de l'essai précisent que ce vaccin ne peut pas induire d'infection à virus du Nil car il ne contient pas de matériel infectieux viral.
Rappelons que deux autres candidats vaccins antivirus du Nil occidental, développés par le Niaid, sont en cours d'essais de phase I ; il s'agit de vaccins chimériques, c'est-à-dire qui combinent les gènes du virus du Nil avec ceux d'autres virus apparentés (virus de la fièvre jaune dans le vaccin développé avec Acambis ; virus de la dengue dans le cas du vaccin développé par le Niaid lui-même).
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