LES OREILLES des biologistes doivent siffler : en effet le rapport de l’Inspection des affaires sociales que vient d’achever la mission conduite par le Dr Françoise Lalande (1) est particulièrement sévère à leur égard.
Même si les rapporteurs reconnaissent que les biologistes ont été les premiers, parmi les professionnels de santé, «à se préoccuper de la qualité» et que «la qualité en biologie fait l’objet d’un cadre juridique, d’une organisation de formation et de normes internationales qui constituent un cadre cohérent sans équivalent parmi les professions de santé», c’est aussitôt pour regretter que bien des biologistes ne fassent guère d’efforts pour appliquer les critères de qualité définis et que rien ne soit fait pour contraindre les fautifs à «modifier leurs pratiques». L’Igas estime qu’en matière de qualité «200 à 500 laboratoires ont un fonctionnement à risque» et que 1 300 à 1 500 laboratoires, «souvent petits et dirigés par un seul biologiste, ne sont pas en mesure de remplir les conditions de qualité» Pour les rapporteurs, «l’évolution de la démographie devrait permettre de résoudre ce problème dans les cinq à huit ans à venir, en les obligeant à se rapprocher d’un autre laboratoire ou en les conduisant à fermer si leur directeur atteint l’âge de la retraite».
La norme ISO.
Afin de résoudre ce problème essentiel de la qualité, la mission recommande fermement aux pouvoirs publics de rendre obligatoire, dans un délai de cinq ans, la norme internationale des laboratoires d’analyse (ISO 15189) et d’imposer, en attendant, le Guide de bonne exécution des analyses médicales (Gbea), mis en place par la profession, qui comporte des obligations concernant «la qualité et la transparence la traçabilité» des analyses. Tout manquement pourrait se traduire par la suspension ou le retrait de l’autorisation d’exercer, voire des sanctions pénales.
La forte hausse de l’activité des laboratoires d’analyses médicales au cours des dernières années s’est traduite, toujours selon l’Igas, par une progression importante mais inégale des revenus des biologistes qui auraient augmenté en moyenne de 57 % entre 1997 et 2004. Mais il existe des disparités géographiques profondes puisque les revenus varient de 66 000 euros pour un biologiste corse à 414 000 euros pour son confrère de la Haute-Loire. La rentabilité du secteur est bonne et, selon l’Igas, si les biologistes ont une position aussi favorable, c’est qu’ils ont «su inspirer à la tutelle un cadre juridique et économique qui les a longtemps protégés». Dans ce cadre, l’Igas estime qu’il faut tout mettre en oeuvre pour renforcer «l’efficacité de la tutelle», en désignant notamment, au sein de l’administration, un seul chef de file qui pourrait être la Dhos (Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins) et en réduisant le nombre des commissions chargées de ce secteur.
Un « B » fluctuant.
Mesure quelque peu provocante : afin de maîtriser l’évolution des dépenses de biologie, l’Igas se prononce pour une action sur la lettre clé B, dont la valeur pourrait tenir compte de la rentabilité de laboratoires. La baisse du B pourrait être calculée en fonction de l’augmentation, sur quelques années, de cette rentabilité. Et, pour l’Igas, ce critère pourrait être mis en application immédiatement : si cette rentabilité a atteint 25 % entre 1999 et 2004, la baisse du B pourrait être de 15 à 20 %. La baisse de la valeur du B devrait aller de pair avec une révision de la nomenclature. En attendant, et en alternative à une baisse du B, l’Igas se prononce pour une baisse des onze examens les plus fréquents. L’expérimentation d’un financement forfaitaire pourrait être lancée pour une période donnée sur un ensemble d’analyses, préconise également l’Igas.
Enfin, et c’était attendu, ce rapport estime nécessaire une évolution vers le regroupement de laboratoires en termes de ressources humaines, de plateaux techniques et de moyens financiers. «C’est dans les structures ayant une certaine dimension, explique l’Igas, qu’il est réaliste de faire un projet médical, un projet qualité et d’organiser le développement de l’informatique.» Une éventualité qui inquiète, on le sait, un certain nombre de biologistes et de syndicats de la profession qui craignent la mise en place d’une biologie industrielle remplaçant une biologie, dite de proximité. Même s’il est vrai, comme le note l’Igas, qu’un certain nombre de biologistes et de directeurs de laboratoires souhaitent un changement.
Des syndicats remontés.
Pour la profession, ce rapport est inacceptable. Le Dr Claude Cohen, président du Syndicat national des médecins biologistes (Snmb), estime que «tout ce qui est excessif est insignifiant». La charge de l’Igas est «si outrancière, si partiale, si virulente, si arbitraire, qu’elle en devient suspecte», insiste le Dr Cohen, qui ne décolère pas non plus au sujet des baisses de nomenclature (voir encadré) qui vient d’être publié au « Journal officiel ».
Même courroux, plus contenu peut-être, chez Jean Benoît, président du syndicat des biologistes (SDB) qui s’insurge cependant contre les accusations qui concernent les contrôles de qualité des analyses. «Peu de professions ont mis autant d’énergie, ont fait autant d’efforts que la nôtre pour améliorer la qualité de ses prestations. C’est un mauvais procès qui nous est fait, d’autant plus injuste que la biologie française est sans doute l’une des plus performantes.» Pour le reste, Jean Benoît reconnaît qu’il faut adapter la profession aux réalités . «Nous avons déjà fait des propositions en ce sens et nous sommes prêts à en discuter. Encore faut-il qu’on veuille bien nous écouter.»
(1) On se souvient que le Dr Françoise Lalande avait coordonné les travaux de la mission d’information sur la canicule de l’été 2003. Ce rapport dénonçait les « carences de la présence médicale libérale », lors de cette crise sanitaire. Ce qui avait provoqué le courroux des syndicats médicaux et de l’Ordre.
Baisse des tarifs de certains actes
L’Union nationale des caisses d’assurance-maladie (Uncam) a confirmé sa décision de faire «96 millions d’euros d’économies (en année pleine) pour les actes de biologie» (« le Quotidien » des 14 avril et 19 mai) . Cette baisse de tarifs qui concerne 20 actes de biologie a été publiée au « Journal officiel » du 4 juin, le ministre de la Santé ayant donné son accord.
L’Uncam justifie sa décision par le fait que «les honoraires des laboratoires de biologie avaient augmenté de 63% entre 1994 à 2004 et que des rapports de la Cour des comptes et de l’Igas avaient recommandé une baisse des tarifs de biologie». L’Uncam cite «la numération de la formule sanguine dont les volumes ont fortement progressé ces dernières années et pour lesquels des économies d’échelle ont été obtenues grâce à une très large automatisation». Alors que le Syndicat national des médecins biologistes (Snmb) s’insurge contre «le retour de la maîtrise comptable», l’Uncam fait valoir qu’ «une grande partie de ces baisses de prix avait été discutée avec les représentants de la profession lors de groupes de travail».
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature