AVEC LE DECRET Bertrand, qui interdit de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, la protection des abstinents et des autres (voir encadré) devient «l’affaire de tous». «Il nous faut tout à la fois mettre fin à la cohabitation forcée entre non-fumeurs et fumeurs et aider ceux qui souhaitent s’arrêter», a expliqué le ministre de la Santé lors de la présentation de son texte à la presse, en présence de tous les représentants du monde institutionnel couvrant le champ de la santé publique.
Cent millions d’euros pour aider à décrocher.
Quelque cent millions d’euros vont être consacrés à l’aide aux fumeurs désireux d’arrêter. Sur les 13 à 15 millions de fumeurs, la moitié en mourront, alors que plus de trois sur cinq aimeraient pouvoir décrocher. «Ce n’est pas en les stigmatisant que nous ferons reculer le tabac», estime le ministre. Un bon de 50 euros sera remis à toute personne qui en fera la demande auprès d’une caisse d’assurance-maladie, afin de lui permettre de suivre un premier mois de traitement par substituts nicotiniques, dont le coût moyen mensuel est de 62 euros. Cette prise en charge se fera sur le Fonds national de prévention du régime général, pour un montant de l’ordre de 60 millions d’euros en 2007, année au cours de laquelle le gouvernement espère aider 1,2 million de fumeurs à arrêter. C’est le nombre de Français qui sont passés dans le camp des non-fumeurs entre 2003 et 2005. Les consultations de tabacologie seront multipliées, elles progresseront de 500 à 1 000, et de 8 à 260 pour les consultations de groupe. Jusqu’à présent, elles ont été fréquentées par 173 700 patients. Pour la même cause, un coup de pouce est donné aux associations de lutte contre le tabagisme : leurs subventions sont portées de 1,6 million d’euros à 3,2 millions.
Huit millions d’euros pour communiquer.
Le jour de la promulgation du décret Bertrand, le 16 novembre, le ministre de la Santé donnait également le coup d’envoi d’une campagne TV contre le tabagisme passif, mise en oeuvre par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Il s’agit d’une démarche de communication qui doit préparer les esprits à entrer dans l’ère de «la dénormalisation du tabac en informant sur les méfaits» de la fumées des autres. Jusqu’au 6 décembre, trois spots de vingt secondes chacun mettent en scène un fumeur et un non-fumeur dans les années 1970. L’un, au bureau, affirme d’un ton neutre et naturel : «En fumant dans la même pièce que lui, j’augmente le risque qu’il meure d’un cancer du poumon de 25%.» Un autre, au restaurant, lance tout aussi cyniquement: «En fumant à côté de ce serveur, on augmente de 50% le risque qu’il ait une crise cardiaque.» Et un troisième, au volant de sa voiture, sur un registre identique, déclare : «En fumant à côté de mes enfants, j’augmente de 70% le risque qu’ils aient une infection pulmonaire.» En ce temps-là, dans les années 1970, «on ne savait pas encore», confessent fumeurs et non-fumeurs, également affectés par le tabagisme passif. Il tue chaque année 4 786 fumeurs et 1 114 abstinents. La fumée des autres est surtout mortelle à domicile, avec 5 574 décès, loin devant le travail (289), et les lieux de convivialité (25). En 2006, les non-fumeurs représentent plus de 70 % de la population, et 72 % des Français se disent gênés par la fumée.
Afin d’épauler la mesure d’interdiction seront mis en place, le 27 novembre, une plate-forme téléphonique (renvoyant à Tabac Info Service, 0.825.309.310) et, le 15 décembre, un site Internet,www.tabac.gouv.fr. Du 26 décembre au 6 janvier, une campagne radio (6 spots) et Internet rappelleront les dispositifs d’aide à l’arrêt, avant et après les périodes de fêtes, souvent propices aux bonnes résolutions.
Les professionnels de santé seront appelés à la rescousse en janvier. L’Inpes ouvrira à leur intention une rubrique dans la presse spécialisée et leur adressera un courrier électronique, comprenant un mot du ministre, un « Repère pour votre pratique » sur le thème du tabac, un dépliant relatif à la nouvelle réglementation et un outil intitulé « Ouvrons le dialogue ».
Une opération d’envergure expliquera les modalités effectives du décret. Au total, le financement de la communication autour de l’interdit s’élève à 8 millions d’euros.
Lorsque le texte du 16 novembre 2006 «produira tous ses effets», se plaît à imaginer le ministre de la Santé, «peu de gens se souviendront que l’on fumait avant dans les lieux publics, comme peu de gens se souviennent que l’on fumait dans les avions, les cinémas, les amphithéâtres, ou les trains il y a encore peu de temps... Ce sont des milliers de vie qui auront été sauvées».
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