Vaccin monovalent au lieu du vaccin trivalent

Un espoir de parvenir à éradiquer la polio en Inde

Publié le 16/11/2006
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LA POLIOMYÉLITE, très contagieuse, affecte en premier lieu les enfants de moins de 3 ans, et la paralysie qui apparaît dans une minorité de cas est permanente et peut être mortelle.

En 1988, date du lancement de l’Initiative mondiale d’éradication de la polio, cette maladie paralysait encore plus de 1 000 enfants chaque jour. Depuis, les campagnes de vaccination à grande échelle ont fait disparaître la polio en Amérique, en Chine, dans le Pacifique et en Europe. Et le nombre de nouveaux cas de polio survenu dans le monde en 2006 n’était plus que de 1 500.

Inde, Pakistan, Afghanistan, Nigeria.

Toutefois, la maladie reste endémique dans quatre pays – Inde, Pakistan, Afghanistan et Nigeria – qui peuvent être à l’origine d’infections exportées. La difficulté à éliminer ces derniers réservoirs de transmission du poliovirus a conduit certains experts à s’interroger sur la possibilité d’une éradication. Certains ont même proposé récemment qu’il serait préférable de concentrer les efforts sur la maladie elle-même (« Science », 12 mai 2006, Arita et coll.).

La situation est particulièrement préoccupante en Inde, où la transmission persiste dans le Nord-Est, dans les Etats de Bihar et de l’Uttar Pradesh, malgré une couverture par de multiples doses vaccinales.

Une étude dirigée par le Dr Nicholas Grassly, du College Imperial de Londres, et cosignée par certains experts de l’OMS dirigeant l’Initiative d’éradication, a cherché à comprendre les causes de la persistance de la polio en Inde.

Ils ont analysé les données portant sur plus de 96 400 cas de paralysie flasque aiguë rapportés en Inde depuis 1997, et ont utilisé un modèle informatique pour établir les conditions qui influencent le plus fortement la persistance en Inde.

Mauvaises conditions sanitaires.

Leur analyse circonscrit l’endémicité aux régions de Bihar et de l’Uttar Pradesh, où la forte densité de la population et les mauvaises conditions sanitaires facilitent la transmission oro-fécale du poliovirus.

Toutefois, ces régions sont ciblées par des stratégies supplémentaires de vaccination et, à la fin de 2005, les enfants de moins de 5 ans avaient reçu en moyenne 15 doses de vaccin antipoliomyélite oral trivalent (VPOt). Comme cette couverture vaccinale est élevée, les chercheurs ont été amenés à évaluer l’efficacité du vaccin trivalent ; leurs résultats montrent qu’elle est sévèrement réduite dans ces régions. L’efficacité protectrice du VPOt contre le poliovirus de type 1 (la souche dominante en Inde) était seulement de 9 % par dose, par rapport à 21 % par dose dans le reste de l’Inde.

«La forte densité de la population et les mauvaises conditions sanitaires facilitent la transmission non seulement du poliovirus, mais aussi d’autres entérovirus et la diarrhée, qui interfèrent avec le vaccin oral vivant-atténué», expliquent-ils.

«Par conséquent, nous estimons que seulement 71% des enfants de moins de 5ans dans ces régions de Bihar et de l’Uttar Pradesh étaient immunisés avec succès contre le poliovirus de type1 au début de 2005, par rapport à 85% dans le reste de l’Inde.»

L’éradication globale du poliovirus de type 2 et l’élimination des cas de polio de type 3 en Inde, à l’exception de quelques districts de l’Uttar Pradesh, ont motivé l’introduction du vaccin monovalent contre le type 1 (VPO1m) dans certains Etats depuis avril 2005. Le vaccin monovalent serait de deux à deux fois et demie plus efficace que le vaccin trivalent, du fait de l’absence d’interférence avec les deux autres souches atténuées du vaccin.

«Avec de nouvelles stratégies vaccinales fondées sur l’utilisation prudente du vaccin monovalent dans les districts à forte densité de population et hygiène médiocre, nos analyses suggèrent que le poliovirus sauvage pourrait bientôt être éliminé en Inde», notent les auteurs.

Un message positif.

«Notre étude contient un message positif. Elle identifie le problème avec le vaccin standard trivalent dans ces régions particulières, mais suggère aussi que le nouveau vaccin monovalent sera très efficace, pourvu qu’une très forte proportion d’enfants de toutes les couches de la population soit vaccinée à chaque campagne», observe dans un communiqué le Dr Grassly.

«Le programme d’éradication est proche du but. Il est très important de l’achever. Il a représenté un investissement de 4milliards de dollars et il a un objectif bien déterminé, sauver les enfants de la paralysie et permettre aux pays de placer les ressources qu’ils auraient utilisées pour la prévention et le traitement de la maladie dans d’autres programmes de santé», souligne-t-il.

Grassly et coll. « Science », 17 novembre 2006, p. 1150.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8053