LE SYNDROME des apnées obstructives du sommeil (Saos) est défini par la survenue d'obstructions de plus de 10 secondes des voies aériennes supérieures (VAS) récurrentes au cours du sommeil, induisant de véritables étouffements nocturnes. La physiopathologie des apnées obstructives s'explique par une augmentation des résistances au niveau des VAS, évoluant vers le collapsus. Seule la survenue de l'éveil bref permet la réouverture des VAS, au prix d'une déstructuration du sommeil. Cette obstruction induit une augmentation des efforts respiratoires, une désaturation en oxygène et des anomalies hémodynamiques, avec des séquences bradycardie-tachycardie et des pics tensionnels.
Il existe une augmentation de l'activité sympathique chez les patients apnéiques, ainsi qu'une diminution de la sensibilité du baroréflexe (1). Une sensibilité exagérée en réponse à un agent vasoconstricteur, l'angiotensine II, a également été mise en évidence par la même équipe en 2000. Le facteur principal de ce stress cardio-vasculaire est attribué à l'hypoxie intermittente nocturne.
Un traitement bien codifié.
Le traitement du syndrome des apnées obstructives du sommeil (Saos) fait appel à la pression positive continue (PPC ou Cpap des Anglo-Saxons) appliquée aux VAS au moyen d'un masque nasal pendant le sommeil. Son efficacité sur la somnolence et la qualité de vie a été largement démontrée, notamment par l'étude prospective randomisée contre placebo publiée en 1999 par C. Jenkinson et coll. (2). Ce traitement doit être poursuivi au long cours pour contrôler la pathologie et prévenir efficacement les récurrences des symptômes. L'adhésion des patients à la PPC est bonne, de l'ordre de 60 à 70 % à 5 ans, comme l'ont montré N. McArdle et coll. en 1999 dans une étude qui a porté sur 1 211 patients consécutifs inclus entre 1986 et 1997 (3). De plus, elle est prédictible dès les trois premiers mois de traitement, comme J. L. Pépin et coll. (Grenoble) l'ont montré.
Le traitement est réalisé, soit par une pression fixe soit par l'utilisation d'auto-PPC, permettant un ajustement de pression en fonction des événements respiratoires. Les avantages réels au long cours de ce dernier type de machines restent à démontrer, mais elles sont, en revanche, d'une grande utilité pour le choix du niveau de pression thérapeutique.
Les orthèses d'avancement mandibulaire sont une option thérapeutique envisageable dans certaines formes de Saos. La mâchoire inférieure est mise en position avancée afin de maintenir la langue et, de ce fait, assurer l'ouverture de l'espace rétrobasilingual.
Une dysfonction réversible sous traitement.
Plusieurs équipes, dont celle de M.-S. Ip (4) en 2004, ont montré que la dysfonction endothéliale, considérée comme un marqueur pronostique de l'athérosclérose et des maladies cardio-vasculaires, est altérée en cas de Saos. Fait essentiel, cette dysfonction est réversible sous traitement par Cpap. La même année, F.-J. Nieto et coll. (5) ont montré au sein d'une cohorte de plus de 1 000 patients que la gravité du Saos, appréciée d'après l'indice apnée-hypopnée, ou nombre d'épisodes d'apnée et d'hypopnée par heure de sommeil, est corrélée avec le diamètre de l'artère humérale. De la même manière, le taux d'oxyde nitrique (NO) circulant, l'un des médiateurs des altérations de la fonction endothéliale, est diminué chez les apnéiques. Le taux de fibrinogène plasmatique, facteur de risque indépendant des événements cardio-vasculaires, augmente avec la désaturation artérielle en oxygène, comme l'ont montré T.-E. Wessendorf et coll. (6). Cette constatation est également vraie pour la protéine C réactive.
L'ensemble de ces données corrobore les constatations épidémiologiques selon lesquelles il existe une relation entre les apnées du sommeil et la présence d'une hypertension artérielle (7) et exprime fortement que le Saos est un facteur de risque indépendant de morbidité cardio-vasculaire.
Dans le même esprit, R. Smith et coll. (8) ont mis en évidence en 2002 une surconsommation des biens de santé de 23 à 50 %, en raison de comorbidités dans les 5 ans précédant le diagnostic d'un Saos.
L'ensemble de ces données confirme ainsi les travaux de Yüksel Peker et coll. qui avaient montré (9) que le syndrome des apnées du sommeil constitue un facteur de risque coronaire à part entière, au même titre que le tabagisme et le diabète, devant l'hypertension artérielle et les dyslipidémies. Enfin, récemment, J. Marin et coll. ont démontré (10) l'effet de la PPC sur le contrôle de la survenue d'accidents cardio-vasculaires. Il est donc logique, comme le proposent ces auteurs, en présence d'une affection cardio-vasculaire, de rechercher un Saos et de le prendre en charge au même titre que les autres facteurs de risque pour optimiser la prévention secondaire chez ces patients et diminuer leur morbi-mortalité.
D'après un entretien avec le Dr Renaud Tamisier, laboratoire HP2 Inserm-ESPRI EA 3745, Pr Lévy, CHU de Grenoble.
(1) Carlson JT, et al. « Am J Respir Crit Care Med » 1996;154:1490-6
(2) Jenkinson C, et al. « Lancet » 1999;353:2100-2005.
(3) « Am J Respir Crit Care Med » 1999;159(4 Pt 1):1108-1114.
(4) « Am J Respir Crit Care Med » 2004 Feb 1;169(3):348-353.
(5) « Am J Respir Crit Care Med ». 2004;169(3):354-360.
(6) « Am J Respir Crit Care Med » 2000 Dec;162(6):2039-2042.
(7) « N Engl J Med » 2000 May 11;342(19):1378-1384.
(8) « Chest » 2002;12:164-172.
(9) « Eur Respir J » 1999;14:179-184.
(10) « Lancet » 2005;365:1046-1053.
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