ON CONNA[235]T bien « les Aventures du brave soldat Chveïk » de Jaroslav Hasek, écrivain de Prague qui inventa son personnage à l'orée de la Première Guerre mondiale et dont il fit un héros populaire qui réplique à la sévérité du monde par la sagesse des peuples, cette sagesse qui s'exprime en dictons, fables, histoires drôles. Et Schweyk - ainsi que le nomme Brecht - ne cesse de répondre aux cruautés du monde, aux bêtises ou méchancetés des hommes, aux incertitudes du destin, par des formules, des anecdotes, des récits drolatiques qui n'ont rien à voir avec la gravité des moments. Cela donne une cascade de bonnes histoires, qui sont pour la plupart très éloignées des situations, cela traduit l'ambivalence fondamentale de Schweyk, qui n'est ni un héros ni un lâche, ni un collaborateur ni un rebelle, ni un courageux ni un pleutre.
Il va sa vie. Il rencontre sur son chemin les grands de ce monde, à commencer par Hitler.
Une production ample.
Brecht écrivit cette version de 1943 que traduit Louis-Charles Sirjacq avec un style fruité qui est idéal, après avoir vu « le Dictateur » de Charlie Chaplin (le film date de 1940) lors de son exil aux Etats-Unis. Hanns Eisler composa une musique aujourd'hui ravivée par Rodolphe Burger. Elle est interprétée en direct par les quatre membres du Meteor Band qui sont sur le plateau.
Le rideau brechtien est une carte de l'Europe, de la bataille de Stalingrad, qui est l'horizon de cette odyssée qui part d'une auberge de Prague, « le Calice » avec son petit monde, sa patronne qui chante si bien (Anna Kopecka est jouée par Elise Caron), son éternel affamé (Baloum, formidable Grégoire Oestermann).
Au centre de cette production ample (les musiciens, trois chanteurs qui donnent voix aux grandes figures du nazisme, Hitler, Goering, Himmler, Goebbels, notamment et onze comédiens), Jean-Pierre Bacri qui revient au théâtre en s'imposant ce parcours très long, très lourd - il ne quitte guère la scène, Schweyk, et ne cesse de parler ou de chanter ou de bouger ! - et qui s'en tire très, très bien, à l'aise et modeste, enfant de troupe qui mène ses camarades avec une fermeté de grand frère. C'est bien.
C'est le type même de spectacle qui gagne en vitalité, en souplesse, avec le temps. De représentation en représentation, les bonnes formules dessinées par Martinelli vont s'épanouir. De la belle ouvrage, un grand travail de troupe. Et qui donne à penser sur notre monde aussi...
Théâtre de Nanterre-Amandiers, à 20 h 30 du mardi au samedi, à 15 h 30 le dimanche. Durée : 2 h 30 sans entracte. Jusqu'au 26 juin. La traduction de Louis-Charles Sirjacq est publiée par L'Arche (10 euros).
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