Développement de la télémédecine

Un manque de financements pérennes

Publié le 17/03/2016
Article réservé aux abonnés

« Aujourd’hui, tout le monde reconnaît que la télémédecine est une voie d’avenir qui doit être développée. La loi HPST et le décret du 19 octobre 2010 ont encadré de manière précise le périmètre d’action de la télémédecine. Le problème est qu’aujourd’hui, il n’y a pas de financement pérenne pour assurer le déploiement des projets de la télémédecine », estime le Dr Frédéric Le Guillou, secrétaire général du Syndicat de l’Appareil Respiratoire.

La télémédecine permet de pratiquer la médecine à distance en utilisant des technologies de l’information et de la communication. Le code de la santé publique définit cinq types d’actes médicaux : la téléconsultation, la télé-expertise, la télésurveillance médicale, la téléassistance médicale et la réponse médicale apportée par la régulation du SAMU centre 15.

Selon le Dr Le Guillou, il conviendrait d’abord d’opérer une certaine simplification pour permettre un développement plus fluide de la télémédecine. « En France, les débats sont animés concernant la réglementation de la télémédecine. Est-elle excessive ? Est-elle un frein au développement de l’innovation ? Il existe beaucoup de normes d’origines diverses (ASIP Santé, CNIL, ARS, HAS…) dont l’empilement (un véritable millefeuille) porte atteinte à leur clarté et leur compréhension. Cela constitue une entrave au déploiement de projets pérennes et met en évidence la nécessité d’adapter un cadre réglementaire plus homogène », estime-t-il.

Mais c’est surtout la question du financement qui pose problème, selon le Dr Le Guillou. « Les pouvoirs publics ne cessent de vanter l’intérêt de la télémédecine mais il suffit de regarder les chiffres pour constater que les investissements restent relativement modestes. En 2013, les dépenses nationales d’Assurance-maladie s’élevaient à 247 milliards d’euros (11,7 % du PIB). Dans le même temps, les investissements de l’État pour la télémédecine s’élevaient à environ quelques dizaines de millions d’euros », indique le Dr Le Guillou. « Les fonds ont été dédiés notamment à travers les Migac ou des enveloppes fléchées par les ARS via le FIR. Ils ont permis de financer un certain nombre de projets pilotes intéressants, essentiellement hospitaliers. L’article 36 de la LFSS 2014 prévoit également le financement d’actes de télémédecine dans des régions pilotes et vise à définir des tarifs préfigurateurs des actes de télémédecine et leur inscription à la CCAM après avis de la HAS. Actuellement, seul le cahier des charges des plaies chroniques et complexes est paru au journal officiel. En 2014, le gouvernement a aussi financé à hauteur de 80 millions d’euros des projets dans 5 régions dans le cadre du programme "Territoire de soins numériques". Mais le problème majeur est qu’ensuite, il n’existe pas de financement pérenne pour prendre le relais et assurer le déploiement des projets ».

Frilosité

Le Dr Le Guillou déplore le manque d’engagement de l’assurance-maladie sur ce dossier. « Elle reste prudente voire frileuse, vis-à-vis de la télémédecine. Cette pratique est loin d’être pleinement intégrée dans sa tarification. Actuellement elle finance seulement deux actes, à savoir la rétinopathie diabétique et l’insuffisance rénale chronique. L’Assurance-maladie, conforme à sa culture de la fraude et de la chasse au fraudeur, reste hostile à la télémédecine. Il semble indispensable qu’elle aborde la télémédecine sous un angle médicoéconomique, un financement pérenne pouvant à terme permettre une gestion plus efficiente des ressources. La télémédecine permet en effet d’améliorer l’efficience de la prise en charge des maladies chroniques, en prenant en compte le temps médical économisé, l’amélioration et le suivi de la qualité de la prise en charge, les consultations médicales et les coûts de transports évités, les hospitalisations évitées et/ou les durées de séjours réduites ou encore les décès évités.

À l’heure actuelle, le faible nombre d’actes éligibles au remboursement constitue un obstacle au déploiement de ces nouvelles pratiques. Ce problème met nettement en évidence les limites du modèle de rémunération des actes médicaux pour la télémédecine en France. Ce manque de visibilité sur le financement du déploiement de la télémédecine est un facteur de blocage majeur pour les industriels – souvent des start-up, créatrices d’emplois –, et leur chance d’accès à un marché national, faute de positionnement des acteurs publics », souligne le Dr Le Guillou. « Comme dans les autres pays européens, il faudra un passage d’un financement ad hoc de l’expérimentation à un financement intégré de la télémédecine dans le système de santé. La télémédecine devra entrer dans les nomenclatures et les paniers de soins officiels (CCAM, T2A, forfaits…), devenant ainsi une prestation médicale ordinaire aux côtés des autres, partie intégrante de l’offre de soins ».

D’après un entretien avec le Dr Frédéric Le Guillou, secrétaire général du Syndicat de l’Appareil Respiratoire
Antoine Dalat

Source : Bilan spécialiste