Une guérison possible sous traitement

Un nouveau gène dans le syndrome néphrotique de l’enfant

Publié le 07/11/2006
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

«CHEZ LES ENFANTS souffrant d’un syndrome néphrotique infantile, il sera important d’effectuer une analyse mutationnelle (www.renalgenes.org) du gène PLCE1, afin d’identifier ceux pour lesquels une tentative de traitement pourrait être justifiée», souligne au « Quotidien » le Pr Friedhelm Hildebrandt, pédiatre à l’université du Michigan (Ann Arbor), qui a dirigé ce travail.

Notre rein contient environ 1 million de glomérules qui filtrent le sang, en laissant passer l’eau et les petites molécules, et en retenant la plupart des protéines, dont l’albumine.

Le syndrome néphrotique est la conséquence d’une anomalie (anatomique ou fonctionnelle) du glomérule, qui laisse passer les protéines dans les urines ; il se traduit par une protéinurie, une hypoprotidémie et des oedèmes.

Le syndrome néphrotique peut être corticosensible ou corticorésistant, et le syndrome néphrotique infantile est souvent corticorésistant. Le pronostic est alors extrêmement péjoratif car il n’y a aucune option thérapeutique. Le syndrome néphrotique corticorésistant, souvent lié à une glomérulosclérose segmentaire et focale, progresse habituellement vers l’insuffisance rénale terminale, avec la nécessité d’une dialyse ou d’une transplantation rénale.

Plusieurs causes génétiques de syndrome néphrotique corticorésistant ont été identifiées. Elles comprennent les mutations des gènes récessifs NPHS1 (néphrine), NPHS2 (podocine) et LAMB2 (laminine-bêta 2), et des gènes dominants WT1 (Wilms Tumor Suppressor Gene 1), ACTN4 (actinine alpha-4) et TRCPC6 (Canonical Transient Receptor Potential 6 ion Channel). Dans toutes ces formes de syndrome néphrotique corticorésistant, les cellules épithéliales glomérulaires, appelées podocytes, sont au coeur des mécanismes de la maladie. Mais on ignore encore quelle est la cause moléculaire de plus de 70 % des syndromes néphrotiques corticorésistants.

Un consortium international de chercheurs.

Afin d’identifier d’autres gènes responsables de la forme corticorésistante, un consortium international de chercheurs, dirigé par le Pr Hildebrandt, a entrepris une étude génomique de liaison.

Leur étude porte sur 26 familles consanguines, venant de divers coins du monde, qui comportaient un enfant (n = 22 familles) ou deux enfants (n = 4 familles) présentant un syndrome néphrotique d’apparition précoce (entre 0 et 4 ans). Aucun de ces enfants ne portait de mutation de NPHS1, NPHS2, LAMB2 ou WT1.

«Nous avons découvert que des mutations récessives d’un gène appelé PLCE1 (ou NPHS3) sont responsables d’une forme sévère de syndrome néphrotique qui commence dans la petite enfance», explique au « Quotidien » le Pr Hildebrandt.

«Nous montrons que la protéine PLCE1 est importante pour le bon développement des unités de filtration du rein (les glomérules). »

Douze enfants étaient porteurs homozygotes de mutations tronquantes de PLCE1 (héritées des deux parents). Tous avaient présenté une protéinurie avant l’âge de 4 ans (entre 2 mois et 4 ans ; en moyenne à l’âge de 10 mois) et cinq d’entre eux avaient progressé vers l’insuffisance rénale terminale avant l’âge de 5 ans.

Cependant, «alors que l’on suppose actuellement que le syndrome néphrotique infantile ne répond à aucun traitement, nous avons découvert que deux des douze enfants porteurs de mutations PLCE1 ont répondu à un traitement standard pour le syndrome néphrotique».

L’un, traité précocement par ciclosporine A (administrée pendant deux ans et demi), est maintenant âgé de 13 ans et demeure sans protéinurie ; l’autre, traité par corticoïde (pendant huit mois), reste asymptomatique à l’âge de 6 ans.

«Ces enfants ont eu de la chance, explique le Pr Hildebrandt. Leurs médecins (en Israël et en Turquie) ont décidé qu’il n’y avait rien à perdre à essayer un traitement. »

«Nous pensons maintenant qu’il pourrait y avoir une période cruciale durant laquelle un traitement par glucocorticoïdes ou ciclosporineA pourrait surmonter une anomalie du développement glomérulaire imposé par la perte de fonction PLCE1, notent les chercheurs. Cela pourrait survenir, par exemple, grâce à l’induction d’un mécanisme redondant, comme l’activité d’une autre phospholipaseC. »

Cela reste toutefois une hypothèse ; aussi les futures études devront déterminer comment le traitement lève l’arrêt du développement glomérulaire causé par les mutations de PLCE1.

Les chercheurs disposent déjà d’un précieux outil. Ils ont créé un modèle animal, en inactivant chez le poisson zèbre les deux copies du gène Plce1 (Plce1 KO). Ce modèle pourrait aussi être utilisé pour identifier de nouvelles thérapies capables de faire rétrocéder les lésions podocytaires et glomérulaires causées par cette maladie.

«En utilisant le modèle poisson zèbre, nous pouvons conduire un dépistage à haut débit de nombreux candidats pharmacologiques possibles pour cette forme de syndrome néphrotique», déclare le Pr Hildebrand.

« Nature Genetics », 5 novembre 2006, Hinkes et coll., DOI : 10.1038/ng1918.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8046