De notre correspondante
à New York
« L'ETUDE MONTRE que l'on peut produire des cellules souches qui sont spécifiques aux patients, quel que soit leur âge ou leur sexe, et que ces cellules souches correspondent à l'identité génétique du patient-donneur », commente le Pr Gérald Schatten, directeur du centre de développement de Pittsburgh (Pennsylvanie), qui, ayant aidé à analyser, à interpréter et à rédiger les résultats, cosigne les travaux de l'équipe coréenne. « Si ces cellules peuvent être utilisées sans risque en transplantation, la promesse d'un traitement efficace, voire d'une cure, pour des maladies et traumatismes dévastateurs serait à portée de main. »
L'équipe dirigée par le Pr Woo Suk-hwang de l'université nationale de Séoul avait annoncé l'année dernière le premier clonage réussi d'une lignée de cellules souches embryonnaires humaines (CSEh) (« Sciencexpress » et «le Quotidien » du 12 février 2004). Cette lignée de CSEh avait été obtenue en transférant le noyau d'une cellule somatique (cellule du cumulus entourant l'ovocyte) d'une femme dans son propre ovocyte énucléé. Cependant, la parthénogenèse n'était pas totalement exclue. De plus, il restait à savoir si des lignées de CSEh peuvent être obtenues en transférant le noyau d'une cellule somatique d'individus masculins, de filles prépubertaires ou de femmes ménopausées, et par fusion d'un noyau et d'un ovule de deux personnes différentes.
Suk-hwang et coll. ont, depuis, perfectionné leur technique de transfert nucléaire (TN), et ont accompli un étonnant progrès.
Diabète, déficit immunitaire, traumatisme médullaire.
Pour les cellules somatiques, les chercheurs ont recruté 11 donneurs des deux sexes, âgés de 2 à 56 ans, qui souffraient de diabète juvénile, d'un déficit immun génétique (hypogammaglobulinémie congénitale) ou d'un traumatisme médullaire. Ces patients-donneurs consentaient à participer à cette recherche (pour les mineurs, les deux parents ont dû signer le consentement éclairé) et leurs cellules cutanées ont été obtenues par une minime biopsie de peau.
Par ailleurs, 185 ovules ont été recueillis auprès de 18 femmes fertiles volontaires, qui consentaient à donner leurs ovules, de façon bénévole, uniquement pour cette recherche de clonage thérapeutique. Cent vingt-cinq de ces ovules ont été donnés par 10 femmes âgées de moins de 30 ans.
A partir des 185 ovocytes dont le noyau a été remplacé par celui d'une cellule cutanée d'un patient, 31 blastocytes se sont développés (embryons préimplantatoires de 4 jours), à partir desquels ont été établies 11 lignées de CSEh, chacune correspondant à l'un des 11 patients.
L'efficacité de l'approche serait ainsi 10 fois supérieure à celle d'il y a un an. Parmi les autres améliorations, la procédure utilise moins de produits animaux. De plus, les chercheurs démontrent que les antigènes HLA des cellules souches sont identiques à ceux des cellules somatiques des patients donneurs, ce qui constitue une preuve supplémentaire qu'une parthénogenèse n'est pas survenue et qui laisse entrevoir qu'une transplantation de ces cellules souches serait tolérée.
Ces cellules souches, comme l'ont vérifié les chercheurs, contiennent des chromosomes normaux et sont bien autorenouvelables et pluripotentes.
Des recherches précliniques supplémentaires sont nécessaires, avant de réaliser l'objectif d'une utilisation thérapeutique.
La procédure devra éliminer les composants animaux résiduels.
Apprendre à diriger la différenciation.
Les chercheurs devront apprendre à diriger de façon fiable la différenciation des cellules souches vers le type souhaité de cellules.
Enfin, il faudra démontrer en préclinique que la transplantation des cellules différenciées dérivées de ces cellules souches est sûre, efficace et bien tolérée.
En attendant, ces lignées cellulaires pourront permettre d'évaluer leur stabilité génétique et épigénétique. De telles lignées de CSEh obtenues par TN pourraient être utiles pour découvrir les processus de développement humain, et les causes de nombreuses maladies complexes.
Des questions éthiques et politiques.
Enfin, cette avancée soulève des questions éthiques et politiques que discutent, dans un article associé, les Drs Magnus et Cho de l'université de Stanford (Palo Alto, Californie). Trois points sont abordés : la surveillance éthique des collaborations entre chercheurs dont les pays ont des législations différentes ; la protection des donneuses d'ovocytes ; et le soin à prendre pour bien faire comprendre aux patients donneurs qu'ils ne bénéficieront probablement pas directement de leur contribution, un usage thérapeutique étant à plusieurs années, voire des décennies, de distance.
« Sciencexpress », 19 mai 2005, Hwang et coll., Magnus et coll.
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