A L'ISSUE de la réunion de crise organisée dimanche au ministère de la Santé sur la violence à l'hôpital et la sécurisation des hôpitaux, Philippe Douste-Blazy déclarait : « Je demande un moratoire immédiat sur les fermetures de lits en hôpital psychiatrique. La seule manière de répondre à ce que nous avons vécu, c'est le grand plan de santé mentale que j'allais présenter le 15 février et que je présenterai plus tôt, dans les prochaines semaines. »
Ce plan sera doté de 200 millions d'euros, a précisé le ministre le soir-même sur France 2. « Dans ce pays, on sait que ça fait vingt ans qu'il y a un problème psychiatrique et vingt ans qu'il y a des rapports et que rien n'a été mis en place », a-t-il déclaré. Philippe Douste-Blazy promet du changement. Il présentera un plan de santé mental, sur lequel il dit travailler depuis cinq mois, entre le 1er et le 15 février 2005. L'actualité brûlante l'a contraint à en dévoiler les grandes lignes le week-end dernier.
Sur le plan sécuritaire, Philippe Douste-Blazy « ne mettra pas des policiers dans les services », mais il envisage la possibilité, pour les services d'urgences et de psychiatrie qui en feront la demande, d'être reliés directement au commissariat de leur commune. Une décision prise en accord avec le ministre de l'Intérieur, Dominique de Villepin. Lundi sur Europe 1, le ministre de la Santé a également évoqué « le port d'un badge, un bip qui permettrait d'appuyer immédiatement sans faire de numéro de téléphone » pour « alerter un commissariat ».
Deuxième série de mesures annoncées : celles qui concernent l'offre de soins en psychiatrie. Philippe Douste-Blazy s'est prononcé en faveur d'un moratoire immédiat, pour que l'on « arrête la fermeture de tout lit psychiatrique » (50 000 au cours des vingt dernières années). En parallèle, il souhaite que soient renforcées les alternatives à l'hospitalisation : les centres médico-psychologiques pourraient être amenés à élargir leurs horaires d'ouverture. « Je vais demander à les laisser ouverts jusqu'à 20 heures (au lieu de 17 heures) et tous les week-ends », a dit Philippe Douste-Blazy, insistant sur la nécessité d'assurer la permanence des soins pour les patients en crise. De même que leurs horaires, les missions des CMP pourraient être étendues.
Pour résoudre la crise de la démographie médicale - 800 postes de psychiatres hospitaliers sont vacants à ce jour ; on enregistrera une baisse de 40 % du nombre des psychiatres privés et publics en 2020 si rien n'est fait -, le ministre de la Santé, conscient des enjeux, attend un renfort des psychologues. Les délais d'attente pour une consultation en psychiatrie ne cessent de s'allonger ; il n'est pas rare d'attendre deux ou trois mois pour un premier rendez-vous, si bien que, souvent, la personne en souffrance s'adresse directement à son généraliste ou aux urgences. « Il faut revoir cela peut-être avec les psychologues », suggère le ministre, pas opposé à l'idée d'autoriser ces derniers à pratiquer, à titre expérimental, des psychothérapies remboursées par la Sécurité sociale.
Mais ce transfert de compétences n'est pas du goût des syndicats de psychiatres. « Nous ne sommes pas contre les psychologues, mais ils font un autre métier que le nôtre. Ce qui fait la spécificité de la psychiatrie, c'est l'intrication indissociable à nos yeux de l'acte médical et de l'acte de soins relationnel. On ne peut pas dissocier les deux », estimait le Dr Jean-Jacques Laboutière, président du Syndicat national des psychiatres privés (Snpp), dans nos colonnes le 14 octobre dernier.
Le plan de santé mental ne règle pas un autre problème de taille : celui de la répartition très inégale des psychiatres sur le territoire français (88 pour 100 000 habitants à Paris, moins de 18 dans la moitié des départements).
Le soutien de Chirac
Le président Jacques Chirac a exprimé en Conseil des ministres son « indignation » après le double homicide à l'hôpital psychiatrique de Pau et a demandé « de profondes évolutions » du système psychiatrique, a déclaré le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé. A propos des grandes orientations d'un plan de santé mentale présentées par le ministre de la Santé dimanche, Jacques Chirac a dit, toujours selon Jean-François Copé : « Je les approuve entièrement. Il faut en effet plus de coordination, plus de suivi des malades et plus de sécurité dans les établissements. C'est un impératif majeur. »
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