La stimulation multisite

Un progrès décisif dans l'insuffisance cardiaque

Publié le 24/03/2005
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AMERICAN COLLEGE OF CARDIOLOGY
Orlando, 6-9 mars 2005

LES PATIENTS ayant une insuffisance cardiaque systolique avancée peuvent avoir des délais de conduction inter- et/ou intraventriculaires prolongés. Ces délais ont alors un effet négatif sur la contraction synchrone des deux ventricules et donc sur la fonction pompe du myocarde. La contraction ventriculaire retardée entre les deux ventricules est appelée asynchronisme interventriculaire et au sein d'un même ventricule, asynchronisme intraventriculaire. L'asynchronisme peut être diagnostiqué grâce à l'électrocardiogramme, lorsque celui-ci enregistre une durée du QRS supérieure à 150 ms (avec un aspect typique de bloc de branche gauche à QRS large) ou au moyen de l'échocardiographie chez les patients ayant une durée de QRS comprise entre 120 et 150 ms.

Une technique innovante.
La stimulation biventriculaire ou atrio-biventriculaire, aussi appelée stimulation multisite ou resynchronisation ventriculaire, a été proposée par une équipe française (Serge Cazeau, Paris) comme un moyen possible de corriger l'asynchronisme ventriculaire, en implantant des sondes sur divers sites cardiaques afin de resynchroniser l'activation et la contraction ventriculaire.
Depuis, cette technique a été progressivement évaluée dans des essais de court et moyen terme et il a été démontré qu'elle permet d'améliorer les paramètres hémodynamiques, la qualité de vie et la capacité d'exercice des insuffisants cardiaques de stade III et IV de la Nyha, en rythme sinusal et ayant un asynchronisme à l'état de base. Cependant, l'effet de cette technique sur le pronostic en terme de morbi-mortalité à long terme n'était pas connu.

L'étude Care-HF.
L'étude européenne Care-HF a donc été conçue pour évaluer l'effet sur la mortalité totale ou les hospitalisations non programmées de la resynchronisation atrio-biventriculaire chez des insuffisants cardiaques recevant par ailleurs un traitement médical adapté comprenant des diurétiques, des IEC et des bêtabloquants (s'ils toléraient ces traitements). Les critères d'inclusion étaient une insuffisance cardiaque de classe III ou IV de la Nyha, une fraction d'éjection ventriculaire gauche inférieure à 35 %, un diamètre télédiastolique du ventricule gauche supérieur à 55 mm, une durée du QRS supérieure à 150 ms ou supérieure à 120 ms avec des paramètres échographiques d'asynchronisme.
Un total de 813 patients a été inclus dans cet essai et suivi en moyenne pendant 29,4 mois. Les événements ont été évalués par un comité indépendant n'ayant pas connaissance du groupe dans lequel les patients étaient randomisés. Un événement du critère primaire est survenu chez 159 patients du groupe resynchronisation et chez 224 patients du groupe contrôle, soit une réduction significative de 39 % de l'incidence des hospitalisations totales et des décès totaux (incidence respective de 39 et 55 % ; risque relatif [RR] : 0,63 ; IC 95 % : 0,51-0,77 ; p < 0,001). Il y a eu 82 décès dans le groupe resynchronisation et 120 dans le groupe contrôle, soit une réduction significative de 36 % (incidence respective de 20 et 30 % ; RR : 0,64 ; IC 95 % : 0,48-0,85 ; p < 0,002).
De plus, comparativement au seul traitement médical, il a été constaté, chez les patients ayant eu une resynchonisation, une diminution des délais de conduction interventriculaire, du volume télésystolique, de la surface mitrale régurgitante, une augmentation de la fraction d'éjection ventriculaire gauche et une amélioration de la qualité de vie (p < 0,001 pour toutes les comparaisons).

Implications et perspectives.
A l'heure ou le traitement pharmacologique de l'insuffisance cardiaque semble marquer le pas, sans progrès décisif depuis la validation du bénéfice majeur des bêtabloquants, l'étude Care-HF démontre que l'approche technologique permet d'obtenir un progrès important qui doit conduire, chez l'insuffisant cardiaque de stade III ou IV, à rechercher un asynchronisme afin de lui proposer une stimulation multisite : l'étude Care-HF valide ainsi cette méthode et démontre qu'elle peut tout à la fois améliorer la qualité de vie et le pronostic de cette pathologie.
La stimulation multisite devient donc indiquée chez les patients en rythme sinusal, ayant un asynchronisme et déjà sous traitement médical adapté. Les étapes ultérieures consisteront à juger si cette technique peut prévenir l'évolution de l'insuffisance cardiaque chez des patients en stade moins avancé, à juger des modalités spécifiques d'implantation des sondes permettant d'améliorer le bénéfice et à juger de la conduite pratique à tenir chez les patients en arythmie par fibrillation auriculaire.

D'après la communication de John G. F. Cleland (Kingston upon Hull, Royaume-Uni).




&gt; Dr FFRANÇOIS DIEVART

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7716