LA PERTE d'un enfant est considérée comme l'un des événements de la vie les plus stressants. Cependant, on ne dispose que de peu d'informations sur l'impact que la mort d'un enfant a chez les parents en termes de risque ultérieur d'anxiété et de dépression ou d'autres troubles psychiatriques.
Une vaste étude épidémiologique menée par une équipe danoise fournit, en la matière, des renseignements fort instructifs.
Jiong Li et coll. ont exploité les données de deux registres danois - le registre de l'état-civil et le registre psychatrique central - afin d'étudier le lien existant entre le deuil parental et les hospitalisations psychiatriques ultérieures.
L'étude a porté sur une cohorte de plus de un million d'individus nés entre 1952 et 1999 et identifiés comme étant parents d'au moins un enfant mineur pendant la période de suivi, qui s'étalait de 1970 à 1999.
Au cours de ce suivi, plus de 17 000 de ces parents ont perdu un enfant mineur et ont donc constitué la cohorte « endeuillée ».
Les comparaisons faites entre cohortes endeuillée et non endeuillée montrent qu'il existe un risque accru de troubles psychiatriques après la perte d'un enfant.
Globalement, le risque de première hospitalisation psychiatrique chez les parents ayant perdu un enfant est supérieur de 67 % à celui qui a été observé dans la cohorte de parents non endeuillés (RR = 1,67 ; IC 95 % : 1,53-1,83).
Surtout les mères.
Les mères semblent plus vulnérables que les pères face à la perte d'un enfant. En effet, chez les mères, le risque d'hospitalisation pour un quelconque trouble psychiatrique est augmenté de 78 % par rapport à celui que courent les mères non endeuillées (RR = 1,78). En revanche, chez les pères, le risque d'hospitalisation psychiatrique n'est majoré que de 38 % par rapport à celui des pères non endeuillés (RR = 1,38).
Comme on pouvait le penser, la perte de plusieurs enfants accroît davantage le risque ultérieur de première hospitalisation psychiatrique, le risque étant trois fois plus élevé chez les mères (RR = 3,35) et deux fois plus élevé chez les pères (RR = 2,26).
La perte d'un ou de plusieurs enfants majore le risque de première hospitalisation aussi bien pour des troubles affectifs comme l'anxiété et la dépression (RR = 1,91 chez les mères et RR = 1,61 chez les pères) que pour la schizophrénie (RR = 1,89 chez les mères et RR = 1,76 chez les pères) ou l'usage de substances toxiques (RR = 2,16 chez les mères et RR = 1,43 chez les pères).
La première année.
Enfin, les risques de première hospitalisation pour chaque type de trouble psychiatrique sont surtout élevés pendant la première année du deuil, avec, par exemple, un risque de troubles affectifs près de sept fois supérieur chez la mère durant la première année de deuil (et près de six fois supérieur chez le père).
Si ces risques s'atténuent sensiblement une fois que la première année de deuil est surmontée, ils demeurent significativement élevés chez la mère jusqu'à plus de cinq ans après (RR d'hospitalisation pour troubles affectifs chez la mère de 1,86 entre un et quatre ans après la perte et de 1,33 plus de cinq ans après la perte).
Les risques de troubles psychiatriques après le décès d'un enfant ne semblent pas influencés par la maturité des parents (âge > 30 ans versus < 30 ans). En revanche, ils diminuent en fonction du plus grand nombre d'enfants dans la famille. Ainsi, les parents qui ont perdu un enfant unique présentent le risque le plus élevé d'être hospitalisés pour trouble psychiatrique.
« New Engl J Med », 24 mars 2005, p. 1190.
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