Ségolène Royal, première candidate PS à l’Elysée

Un signal stimulant pour les actrices de la Santé

Publié le 19/11/2006
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PRÈS DE QUATRE médecins français sur dix (39,2 %) sont des femmes. Le pourcentage est plus élevé à l’hôpital (autour de 47 %), où les spécialités représentées sont particulièrement prisées par les femmes, qu’en ville (28 % environ). Galopante depuis quelques années, la féminisation de la profession est écrasante chez les étudiants en médecine – 65 % d’entre eux sont aujourd’hui… des étudiantes. Pour autant, dans le secteur sanitaire, les postes de responsabilité n’échoient pas – pour ne pas dire pas du tout – aux femmes à due proportion de leur représentation dans la profession. Combien de femmes chefs de service à l’hôpital ? Combien de présidentes de CME ? Combien de femmes dans les bureaux des syndicats médicaux ? Combien de femmes directrices d’hôpital ou d’ARH (agences régionales de l’hospitalisation) ? Combien de femmes dans les conseils ordinaux… ?

Les statistiques n’existent pas toujours, mais on peut, en exagérant un tout petit peu, estimer que les réponses additionnées à toutes ces questions se comptent sur les doigts d’une main. Sur les 26 ARH… une seule est pilotée par une femme. A l’hôpital, sans parler de postes de responsabilité, un praticien hospitalier sur six seulement serait « une » PH (le taux de féminisation étant bien plus élevé parmi les assistants ou les attachés). Plutôt en pointe en termes de féminisation, les grands hôpitaux parisiens ne comptent qu’une centaine de chefs de service femmes sur un total de 750. Au Conseil national de l’Ordre des médecins ne siège qu’une conseillère. Aucune femme parmi les présidents des syndicats de médecins libéraux…

Quand il s’agit de représenter la profession ou de la piloter, les femmes du secteur de la santé restent ultraminoritaires.

Mettant de côté leurs opinions politiques, quelques-unes réagissent pour « le Quotidien » à la désignation haut la main – 60,62 % des militants l’ont choisie – de Ségolène Royal comme candidate du PS dans la course à l’Elysée. Pour la première fois, une femme pourrait devenir présidente de la République française. «Une révolution», ont commenté les médias étrangers. Un stimulus et un encouragement, disent pour leur part les femmes médecins que nous avons interrogées.

DrMarie-Claude Tesson-Millet, présidente de l’ONG Equilibres et Populations et fondatrice du «Quotidien du Médecin»:

«Désormais, on vote pour une personne et non plus pour un camp, car les enjeux du monde d’aujourd’hui dépassent complètement le clivage national droite-gauche. Ce qui m’intéresse chez Ségolène Royal, ce n’est pas qu’elle soit une femme. C’est sa nouveauté, sa fraîcheur dans le monde politique. Elle utilise un langage tellement nouveau qu’elle se fait traiter d’iconoclaste.

Cela apparaît comme une banalité d’avoir une femme chef d’Etat dans d’autres pays comme le Chili, le Liberia, le Bangladesh, la Turquie ou l’Inde… Pas en France. Il faut croire qu’il reste un vieux fond machiste dans notre pays!»

DrElisabeth Rousselot-Marche, membre du bureau de la Csmf (Confédération des syndicats médicaux français):

«Débordée de boulot, je ne fais pas de politique et ne m’intéresse qu’à la médecine! Mais je suis très contente qu’une femme puisse peut-être accéder à la présidence de la République, qui est jusqu’à présent réservée aux hommes. Les femmes sont capables de faire la même chose qu’eux.»

DrNicole Bez, conseillère nationale de MGFrance:

«Ma réaction est très positive. C’est très bien pour la condition féminine qu’une femme se présente à l’élection présidentielle à la tête d’un parti qui a de réelles chances. Cela va peut-être pousser les femmes à s’engager un peu plus, sachant qu’il est possible de concilier leur vie familiale avec des responsabilités politiques ou syndicales. En tant que présidente de la République, si elle est élue, elle peut apporter beaucoup, car les femmes n’ont pas la même approche du pouvoir. Plus concrètes et obligées de gérer plusieurs choses en même temps, elles ont l’habitude d’aller droit au but. Ces qualités-là peuvent servir à un pays.»

Elisabeth Hubert, ancienne ministre de la Santé publique et de l’Assurance-maladie sous le gouvernement Juppé, présidente de la Fnehad (Fédération nationale des établissements d’hospitalisation à domicile):

«Comme beaucoup de femmes, j’ai observé la désignation de Ségolène Royal avec beaucoup d’intérêt. La France arrive enfin à l’âge adulte en ce qui concerne la place des femmes. Elle est en retard sur ce sujet, mais n’oublions pas que nous sommes l’un des pays où le droit de vote a été accordé aux femmes le plus tardivement. Ségolène Royal a su intelligemment capitaliser sur le fait d’être une femme, mais elle doit avoir conscience qu’elle va être observée de près. Elle porte une très lourde responsabilité car on ne lui pardonnera rien. Il y a toutefois en France un tel appétit pour le changement et les nouveaux comportements que les gens se disent: “Peut-être qu’une femme va mieux comprendre et qu’elle n’aura pas tous les vieux réflexes des hommes politiques.” Malgré tout, je crois que sa candidature est une chance pour les femmes, si elle sait faire de sa féminité un atout, et non une arme.»

DrRachel Bocher, chef de service, présidente de l’Inph (Intersyndicat national des praticiens hospitaliers):

«Je considérais, même avant la parité, que les femmes avaient leur place dans le paysage professionnel, syndical et politique français. L’évolution de la société –je pense notamment aux 35heures, dont, soit dit en passant, je constate à l’hôpital que les hommes les ont peut-être un peu plus intégrées que les femmes!– leur a permis de dégager du temps et de prendre toute la mesure de leur responsabilité. Nouvelle étape: une femme est en position d’accéder à la présidence de la République. C’est un atout. La société est mixte, les hommes et les femmes doivent y avoir les mêmes chances, toutes compétences égales, par ailleurs. Or, à mon sens, aujourd’hui, les femmes doivent toujours faire preuve d’un petit peu plus de compétence. Pour cette raison, heureusement que Ségolène Royal a été choisie par les militants socialistes avec un score écrasant, sinon, il y aurait eu des doutes sur sa légitimité.»

DrIrène Kahn-Bensaude, seule femme à siéger au Conseil national de l’Ordre des médecins:

«En règle générale, ceux qui ont des compétences font du bon boulot. Ségolène Royal est quelqu’un d’intelligent, de travailleur, de compétent. Je ne vous dirai pas pour qui je compte voter, mais je ne fais pas de différence entre elle et un homme, car une femme peut tout à fait avoir toutes les qualités d’un homme.»

DrDominique Jeulin-Flamme, présidente du Syndicat national des médecins homéopathes français (Snmhf) et présidente du SML (Syndicat des médecins libéraux) de l’union régionale des médecins libéraux de Languedoc-Roussillon:

«On trouve de plus en plus de femmes à des postes de responsabilité comme Laurence Parisot au Medef, mais voir que, dans un grand parti politique, on accepte l’idée que les femmes puissent être une source de changement est une avancée de fond importante. Les femmes sont recherchées car elles ont un plus grand sens de la discussion et une certaine capacité à faire cohabiter les gens de différentes tendances. Pour autant, les femmes qui souhaitent accéder aux plus hautes sphères du pouvoir sont souvent l’objet de coups bas et doivent éviter les peaux de banane, à l’image d’Edith Cresson [éphémère Premier ministre de François Mitterrand, ndlr] . Si elles veulent réussir, les femmes doivent parfois savoir se comporter en hommes, à l’instar de ce qu’a pu faire Martine Aubry au ministère de l’Emploi et de la Solidarité.»

DrMarie-Pascale Quirin, présidente de l’Association des anesthésiologistes libéraux (AAL) et vice-présidente de la FMF-spécialistes (Fédération des médecins de France):

«Je suis très contente qu’il y ait des gens qui ont osé voter pour elle. Quelque part, le fait même que des militants puissent imaginer une femme au sommet de l’Etat, cela montre que les mentalités changent. C’est bien, parce que la France est sociologiquement en retard par rapport à d’autres pays. Même en politique, je pense que les femmes sont plus honnêtes que les hommes en général, parce qu’elles agissent moins par ambition personnelle que par ambition collective. Les hommes font plus de carriérisme.»

PrCatherine Buffet, chef du service hépato-gastro-entérologie à l’hôpital du Kremlin-Bicêtre:

«En France, l’événement paraît un peu extraordinaire parce qu’on est un pays un peu latin et un peu machiste. Cette fois, on se rapproche des pays nordiques! Après il faudra que cela rentre dans l’ordre des choses, que cela paraisse naturel!»

Santé, Sécu : la candidate socialiste n’est pas une bleue

Dans les domaines de la santé et de la Sécurité sociale, la candidate socialiste n’avance pas en pas terra incognita. Ses maroquins successifs (elle était ministre de l’Environnement entre 1992 et 1993, déléguée à l’Enseignement scolaire de 1997 à 2000, puis, de 2000 à 2001, à la Famille et à l’Enfance) l’ont conduite à s’intéresser de près ou de loin aux questions sanitaires et sociales. Toxicomanie, rôle des infirmières scolaires, pilule du lendemain, congé de paternité, accouchement sous X, allocation d’éducation spéciale (pour les parents d’enfants handicapés), rénovation des Cotorep... font, dans le désordre et sans exhaustivité, partie de ses sujets de prédilection.

Durant les années 1990, elle s’est régulièrement exprimée dans nos colonnes (sur le handicap ou la médecine scolaire, par exemple). En outre, depuis mars 2004, à la tête de la région Poitou-Charentes, elle a pris des initiatives en matière de santé (ce que ne font pas tous les présidents de région), en créant en particulier un fonds social régional pour assurer la gratuité d’accès à la contraception des jeunes filles des lycées professionnels et des centres de formation des apprentis.

Mais Ségolène Royal a fait ses armes sanitaires et sociales bien avant d’occuper le devant de la scène politique. A ses tout débuts, chargée de mission à l’Elysée, c’est en effet de santé, d’environnement et de jeunesse qu’elle s’occupe auprès de François Mitterrand, entre 1982 et 1988. Députée des Deux-Sèvres (1988-1992, 1993-1997, puis depuis 2002), elle siègera régulièrement à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, en s’y manifestant notamment lors des ordonnances Juppé en 1996. Au sein du PS, on lui reconnaît de longue date des compétences sur les dossiers de la santé publique, mais aussi de la Sécu. Pour cette raison, c’est elle qui est envoyée au feu, au printemps 2004, pour contrer Philippe Douste-Blazy, alors ministre de la Santé, qui défend sa future réforme de l’assurance-maladie dans le cadre de l’émission télévisée « Cent minutes pour convaincre ». A l’époque, Ségolène Royal – qui reconnaîtra par la suite n’avoir pas suffisamment préparé l’exercice – se fait piéger. «Vous connaissez l’augmentation des chiffres de l’assurance-maladie en 2000?», lui demande Philippe Douste-Blazy. Ségolène Royal hésite et répond : «La Sécurité sociale était à l’équilibre» – en fait, le régime général était légèrement excédentaire, de quelque 600 millions d’euros, en 2000. Le ministre de la Santé ne fait pas de quartier et rétorque aussitôt : «Quand on parle d’un dossier, il faut le connaître!»

DOSSIER REALISE PAR AGNES BOURGUIGNON, CHRISTOPHE GATTUSO, HENRI DE SAINT ROMAN ET KARINE PIGANEAU > K. P.

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8054