Accouchement de jumeaux par voie basse

Un simulateur très réaliste pour entraîner les futurs médecins

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Publié le 11/02/2019
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Crédit photo : Pr Luton

Les accouchements de jumeaux peuvent nécessiter la réalisation d'une manœuvre spécifique sur le deuxième jumeau afin de procéder à une naissance par le siège. Des équipes de l'AP-HP et du centre de simulation Ilumens (Paris) ont mis au point un outil très réaliste sous la forme de mannequins pour permettre aux étudiants de se familiariser avec cette technique. Ce système est décrit dans « European Journal of Obstetrics & Gynecology and Reproductive Biology ».

Bien que l'accouchement par voie basse soit accepté en cas de grossesse gémellaire (sauf cas particuliers), trop de césariennes sont encore réalisées. Selon les auteurs, les dernières estimations datant de 2008 montrent que la césarienne représente jusqu'à 75 % des accouchements.

« En cas de grossesse gémellaire, une fois le premier bébé sorti, deux cas de figure se présentent : soit le second se présente par la tête et aucune manœuvre spécifique n'est requise, soit il se présente la tête haute ou en oblique et une manœuvre spécifique est nécessaire pour le sortir par le siège », explique au « Quotidien » le Pr Dominique Luton, gynécologue obstétricien et auteur senior de l'étude.

Des mannequins à taille réelle

Avec son équipe, ils ont conçu un modèle de simulation pour permettre aux étudiants en médecine de s'entraîner à réaliser ce geste de manière virtuelle avant de devoir l'effectuer en vie réelle. Ils ont élaboré une poche amniotique à l'aide d'un sac plastique fin rempli d'eau à 37 °C dans lequel ils ont placé un modèle de fœtus. L'ensemble a été positionné dans la cavité abdominale d'un mannequin réaliste à taille humaine appelé SimMom, un simulateur déjà utilisé pour des manœuvres obstétricales.

Dix internes en gynécologie obstétrique ont pu ainsi réaliser cette manœuvre dite de « version interne ». « Le but est de leur permettre d'aller chercher le pied du fœtus et de le retourner afin de le faire sortir par le siège », détaille le Pr Luton, précisant que l'objectif est « jamais la première fois sur une patiente ».

Les étudiants ont été amenés à répéter le geste deux fois à 1 mois d'intervalle. Ils ont été plus rapides à réaliser la manœuvre la seconde fois (112,2 secondes versus 81,8 secondes). « L'idée est actuellement de faire en sorte que le délai de naissance entre les deux bébés soit relativement court, ces résultats sont donc intéressants », estime le gynécologue obstétricien.

Améliorer la confiance des médecins

Surtout, ce système a permis d'améliorer la confiance des étudiants face à la réalisation de ce geste. « En obstétrique, le poids du médicolégal et de l'émotionnel intervient. Si un médecin ne maîtrise pas la manœuvre de version interne, il va privilégier un accouchement par césarienne plutôt que par voie basse », regrette le Pr Luton. Avec le risque de voir disparaître un savoir-faire qui permet d'éviter les risques de la césarienne aux femmes.

« Aujourd'hui, notre système est surtout destiné à l'apprentissage des internes, mais on peut imaginer qu'il soit déployé dans le cadre de la formation continue », avance le Pr Luton.

J. Lepage et al., Eur J Obstet Gynecol Reprod Biol doi: 10.1016/j.ejogrb.2018.12.038, 2019

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin: 9723