LE risque d'effets indésirables des médicaments chez les sujets âgés (SA) faits que toute prescription nécessite une réflexion fondée sur le terrain, les pathologies associées source de polymédication, l'automédication fréquente ainsi que le pronostic vital et fonctionnel.
Ainsi, avant toute prescription médicamenteuse, la clairance de la créatinine doit être calculée selon la méthode de Cockcroft, le poids, l'albuminémie évalués et surtout les traitements des différents prescripteurs précisés. En cas de traitement au long cours ou d'introduction de nouvelles molécules, ces différents paramètres seront régulièrement réévalués.
Les antalgiques. - Le paracétamol est l'antalgique de choix chez le SA, car ne nécessitant pas d'adaptation posologique, avec cependant, à la dose maximale de 4 g par jour, un risque accru d'intolérance digestive ; il y a également peu d'interactions médicamenteuses notamment avec les antivitamines K. Pour les antalgiques de niveau 2 en raison de leur action centrale, on débute par des doses plus faibles. Quand aux opioïdes forts, ils sont utilisables dans les douleurs rhumatologiques du sujet âgé. On commence par 10 mg de sulfate de morphine à libération prolongée administrée per os deux fois par jour, en prescrivant des compléments antalgiques de niveau 1, voire 3 à libération immédiate, jusqu'à obtention de la dose efficace. La prévention de la constipation et des nausées doit être systématique, de même que la prise en compte des autres médicaments à action centrale (hypnotiques, anxiolytiques).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (Ains). - L'âge est un des facteurs principaux d'effets secondaires digestifs des Ains, au même titre que les antécédents d'ulcères, l'infection à Helicobacter pylori, les coprescriptions : aspirine ou anticoagulant. Si l'augmentation de fréquence des ulcères endoscopiques avec l'âge semble relativement faible, leur sévérité s'accroît en raison des comorbidités. Il a été montré une réduction de 67 % des complications gastriques sévères entre 1992 et 2002, qui n'était liée ni avec l'âge ou le niveau des risques digestifs, mais qui est la conséquence d'une modification des prescriptions : dose plus faible d'Ains, association fréquente des inhibiteurs de la pompe à proton (IPP) ou utilisation des coxibs. Ces derniers auraient comme autre intérêt la diminution des risques digestifs bas souvent sévères chez le sujet âgé. L'emploi concomitant d'aspirine faible dose augmentant le risque d'ulcères sous coxibs, la coprescription d'IPP semble souhaitable dans les populations à risque. Pour les coxibs, reste le problème de leur tolérance cardio-vasculaire, qui doit inciter à la prudence d'utilisation chez les patients porteurs de pathologie cardio-vasculaire ou à risque d'en développer. Les Ains sont donc utilisables si nécessaire chez le sujet âgé toujours avec prudence et en cure brève.
Les corticoïdes. - Ils sont bien sûr employés à juste titre dans la pseudo-polyarthrite rhizomélique et la polyarthrite oedémateuse du sujet âgé, et à faibles doses (de 5 à 15 mg/j de prednisone), ils sont considérés par beaucoup d'auteurs comme le premier traitement de fond de la polyarthrite rhumatoïde du sujet âgé. En fait, leur efficacité serait même supérieure dans les formes séronégatives ; dans les formes séropositives, le recours à un autre traitement de fond est le plus souvent nécessaire.
Leur utilisation au long cours chez les SA pose des problèmes en raison de leur retentissement sur l'oeil, le système nerveux, la peau, la glycémie, la pression artérielle et, bien sûr, l'os. La prévention de l'ostéoporose doit être systématique en assurant l'apport optimal de calcium et de vitamine D, et en recourant à des drogues antirésorptives.
Les traitements de fond de la polyarthrite rhumatoïde. - Tous les traitements de fond sont a priori utilisables chez les SA avec une efficacité sensiblement comparable aux sujets jeunes et une tolérance satisfaisante. Le méthotrexate, comme chez les sujets plus jeunes, reste le traitement de fond de choix en raison de son très bon rapport efficacité/tolérance. Le dosage du MTX n'est pas à adapter en fonction de l'âge, mais selon la clairance de la créatinine, de même toute introduction de médicaments pouvant retentir sur la fonction rénale doit faire adapter la posologie. La coprescription d'acide folique ou folinique est utile pour traiter la carence en acide folique, mais aussi l'hyperhomocystéinémie induite par celle-ci dont on connaît les risques cardio-vasculaires.
Quant aux biothérapies, il semble qu'il n'y ait pas de nécessité d'adaptation posologique chez le SA. Les études prémarketing des trois produits actuellement disponibles et la métaanalyse récente sur l'étanercept n'ont retrouvé aucune différence en termes d'efficacité ou de tolérance par rapport à une population plus jeune. Deux points à prendre en considération : le risque peut-être accru de tuberculose et les difficultés diagnostiques liées à l'anergie tuberculinique ; d'autre part, la fréquence non négligeable de pathologies cardio-vasculaires, notamment d'insuffisance cardiaque chez le SA, qui nécessite un bilan cardio-vasculaire avant tout traitement.
* Hôpital Paul-Brousse, Villejuif.
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