DANS QUELLE MESURE peut-on expliquer l'augmentation générale des cancers en France par les facteurs environnementaux ? C'est en se focalisant sur cette question que l'Inserm propose aujourd'hui une approche méthodologique du lien entre le cancer et l'environnement. L'étude se présente sous la forme d'une expertise collective réalisée en partenariat avec l'Afsse (Agence française de sécurité sanitaire environnementale) ; 200 articles et documents disponibles ont été analysés. Le point de départ est l'augmentation constatée de 60 % de l'incidence des cancers en France : de 170 000 cas en 1980, on est passé à 278 000 cas en 2000. La moitié de cette augmentation s'explique par la démographie. Pour le reste, « il faut faire une hiérarchisation par fréquence et évaluer les cancers en fonction de la contribution qu'ils apportent à l'augmentation », explique Guy Launoy (Inserm ERI 3, réseau Francim des registres du cancer). L'augmentation des cancers du sein et de la prostate explique la moitié de l'augmentation hors démographie. Pour ces deux types de cancer, l'amélioration du dépistage constitue un biais pour évaluer l'augmentation réelle de l'incidence. Aussi, les experts se sont-ils penchés plus particulièrement sur les cancers dont l'incidence et la mortalité ont augmenté, selon l'hypothèse que cette augmentation conjointe traduit une augmentation du risque liée à des facteurs dont la prévalence augmente ou a augmenté à une période compatible avec le temps de latence des cancers concernés. Ainsi, dans l'ensemble des cancers en augmentation, seuls les lymphomes malins non hodgkiniens, les cancers du poumon, du foie, du cerveau et du système nerveux central, du pancréas et les mésothéliomes de la plèvre ont présenté une augmentation conjointe de l'incidence et de la mortalité au cours des vingt dernières années.
Avec ou sans seuil de dose.
Quels sont les autres problèmes méthodologiques rencontrés lorsqu'on étudie le lien entre le cancer et l'environnement ? « Lorsqu'on interroge une personne touchée par le cancer sur ses facteurs possibles d'exposition, ses souvenirs seront plus précis que quand on pose la même question à un cas témoin », note Denis Bard (Ecole nationale de santé publique de Rennes). Il faut que les résultats soient très répétitifs pour comparer le risque chez des personnes exposées par rapport aux personnes non exposées. « Il est également utile de faire la différence entre les cancérogènes génotoxiques, qui agissent sans seuil, des autres cancérogènes pour lesquels il y a un seuil de dose », ajoute cet expert.
Enfin, il faut distinguer les cancers héréditaires, qui ne représentent que 5 % du total des cancers sporadiques. « Le cancer sporadique est le résultat des effets conjoints des facteurs environnementaux et du polymorphisme génétique c'est-à-dire de la variation d'une séquence de l'ADN », précise Simone Benhamou (épidémiologie génétique des cancers, EMI 00-06, université d'Evry). La technique du génotypage haut débit permettra de mieux quantifier ce facteur à condition d'étudier des milliers de polymorphismes. Et plus les gènes de susceptibilité seront connus, plus il sera éventuellement possible d'identifier des groupes de populations plus fragiles.
« Cancer. Approche méthodologique du lien avec l'environnement », coll. Inserm 2005, 101 p., 15 euros. Une synthèse est en ligne sur le site www.inserm.fr. L'ouvrage est disponible sur commande par téléphone au 01.44.23.60.82 ou editions@tolbiac.inserm.fr.
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