L'immunothérapie, déjà utilisée avec succès dans le cancer avancé du poumon, pourrait offrir une arme prometteuse pour le cancer débutant, selon des chercheurs. Leur étude du microenvironnement immunitaire des tumeurs pulmonaires a identifié dès le stade I de nombreuses dysfonctions immunitaires qui peuvent être ciblées.
L'immunothérapie a surtout été utilisée jusqu'ici au stade avancé ou métastatique du cancer du poumon. Son bénéfice au stade précoce reste inconnu. Le traitement standard du cancer du poumon débutant repose sur l'ablation chirurgicale de la tumeur, parfois avec une chimiothérapie et/ou une radiothérapie. Toutefois, même traité au stade débutant, la guérison est loin d'être acquise. Ainsi, pour les cancers bronchiques non à petites cellules (CBNPC), les plus fréquents (85 %), la survie à 5 ans des patients diagnostiqués au stade précoce IA et IB est seulement de 83 % et 71 % respectivement, et pour un cancer diagnostiqué au stade II la survie à 5 ans chute à 50 %.
Des données préliminaires ont suggéré l'efficacité remarquable d'une immunothérapie néoadjuvante (inhibiteurs de PD-1) chez un petit nombre de patients opérés d'un CBNPC débutant. L'équipe multidisciplinaire du Dr Miriam Merad a cherché à mieux comprendre le microenvironnement immunitaire de ces tumeurs débutantes pour mieux guider ces approches d'immunothérapie. « Nous avons découvert que les cellules immunitaires s'accumulent déjà dans les tumeurs pulmonaires débutantes et ces cellules apparaissent très dysfonctionnelles par rapport aux cellules immunitaires présentes dans les tissus pulmonaires sains adjacents », explique au « Quotidien » le Dr Merad (Icahn School of Medicine au Mount Sinai, New York) qui a dirigé l'étude publiée dans la revue « Cell ». L'équipe a « identifié de nombreuses modifications immunosuppressives qui pourraient être ciblées afin d'induire une attaque immune et une réponse immunitaire secondaire contre ces petites tumeurs, et nous évaluons actuellement cela dans des modèles animaux, précise-t-elle. Je pense qu'il est crucial de renverser l'immunosuppression au tout début du développement tumoral afin de transformer la prise en charge de ce cancer. »
Cytométrie de masse et imagerie tissulaire
Une vingtaine de patients opérés d'un adénocarcinome du poumon (2/3 des CBNPC) ont été inclus. L'écosystème immunitaire de la tumeur a été comparé à celui du tissu pulmonaire sain adjacent et celui du sang de chaque patient. L'équipe a développé une méthode de code-barre pour analyser simultanément les cellules des 3 types d'échantillons et distinguer les signatures immunes propres aux tumeurs. Combinant cela à la cytométrie de masse (CyTOF) et une imagerie tissulaire évaluant la distribution spatiale des cellules, ils ont créé un atlas détaillé des cellules immunitaires infiltrant les tumeurs pulmonaires débutantes.
Cette étude révèle que les tumeurs de stade I hébergent déjà de nombreuses anomalies : diminution des cellules T CD8+ cytotoxiques, avec augmentation des cellules Treg favorisant la tolérance ; diminution des cellules NK qui sont insuffisamment cytolytiques ; diminution de certaines cellules dendritiques (CD CD141+) ; augmentation de certains macrophages précancéreux (exprimant PPARgamma et produisant l'IL-6) ; et groupements de macrophages PD-L1+ en marge des tumeurs.
Ces résultats suggèrent l'intérêt thérapeutique de certains inhibiteurs des « points de contrôle » (checkpoint), en particulier les inhibiteurs ciblant les protéines PD-1 et PD-L1 qui protègent le cancer du système immunitaire. La prochaine étape de l'équipe du Dr Merad : débuter des études cliniques dans ce cancer précoce et évaluer si l'activation du système immunitaire à ce stade peut transformer l'évolution tumorale.
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