LE Dr JEAN-PHILIPPE ZERMATI (nutritionniste, Paris) a beau ne pas «critiquer» le Pnns, le Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids), qu’il préside, balaye les propositions de santé publique les unes après les autres. «Comment obtenir une diversification de l’alimentation? Certainement pas par un message d’Etat prônant la consommation de fruits et légumes ou de laitages!» Une assertion qui fait l’effet d’une bombe. Depuis sa création en 1999, le Gros lutte contre le «manichéisme» de la pensée nutritionnelle qui sépare, un peu rapidement, les aliments entre «les bons et les mauvais».
La cible de cette association de nutritionnistes et de psychiatres ? La vision «erronée» des politiques de santé publique : «Inciter à manger moins d’aliments gras ou sucrés et à augmenter les dépenses énergétiques n’améliore pas la situation, au contraire», poursuit J.-P. Zermati. En France, les indicateurs de santé dérapent : 5,3 millions d’individus sont obèses et 14,4 millions en surpoids. Avec l’obésité infantile galopante – on estime que 10 à 13 % des 5-12 ans sont obèses –, le scénario catastrophe américain pourrait se reproduire dans l’Hexagone. «En vingt ans, la consommation de graisse est passée de 42 à 38% aux Etats-Unis et, pourtant, dans le même temps, l’obésité a doublé», étaye J.-Ph. Zermati. A en croire le sondage de l’Institut d’études de marché et d’opinion effectué en 2004, le Gros est dans le vrai. Quatre Français sur dix sont en surpoids et 80 % d’entre eux affirment pourtant avoir une alimentation équilibrée. Le Pnns se tromperait-il de cible ?
«Le vrai facteur de régulation, c’est le goût, pas la diabolisation de certains aliments. Bien sûr, la faim est l’instinct de base. Mais entre la faim et l’aliment, il y a tout le champ du désir. Lorsque le manque se fait ressentir, c’est là que tout peut déraper et c’est précisément à ce moment que le sens gustatif intervient», insiste Bernard Waysfeld, psychiatre et nutritionniste (Paris). L’obésité court-circuite donc la sphère oro-pharyngée : «On s’est rendu compte que les obèses ne goûtaient pas les aliments mais qu’ils les avalaient», poursuit-il. C’est précisément sur ces points que le Gros et le Pnns divergent. Ce dernier prône une alimentation où la part des fruits et légumes, des laitages... équilibre l’apport en calcium et en glucides, contrecarrant un taux de lipides à la baisse.
Manger avec insouciance.
Le viatique du Gros est tout autre : «Manger selon sa faim.» En toile de fond, c’est la médicalisation à outrance de la nourriture qu’il attaque, l’information scientifique de l’étiquetage. «Quand vous regardez l’emballage d’un produit, on vous indique sa teneur en vitamines, en nutriments... Est-ce vraiment utile pour le consommateur? Faites-vous le total en vitamineC de vos achats au supermarché?», fait mine de s’interroger J.-Ph. Zermati. La surveillance alimentaire ne passe donc pas par de l’information nutritionnelle mais par un retour au «sens». «Il faut promouvoir les savoir-faire alimentaires, retourner derrière les fourneaux pour faire la cuisine. L’idée de contentement est essentielle. La satisfaction nutritionnelle est à la fois physiologique et psychologique», dit le Dr Gérard Apfeldorfer (hôpital Bichat, Paris). A un moment où les régimes jouent la carte d’un «contrôle mental intenable sur la durée», le Gros mise sur «la sensation de manger avec insouciance». Des propositions encore théoriques puisque l’association n’a pas encore établi de groupes témoins.
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