À peine bouclée la réforme du régime de base, les regards se tournent vers les deux autres piliers de la retraite des médecins. L’affaire est importante, puisqu’à eux deux ils pèsent pour près de 80 % de la retraite du médecin libéral. Concernant le régime complémentaire, la CARMF doit encore fixer l’âge de la retraite à taux plein, mais le régime est équilibré. La situation est plus sérieuse pour l’Avantage Social Vieillesse (ASV) que guette le déficit. Le 21 avril, des négociations se sont ouvertes au ministère de la Santé sur ce dernier régime. Et Xavier Bertrand se fait fort de régler le dossier avant l’élection présidentielle, un deuxième rendez-vous étant programmé le 19 mai. Les discussions conventionnelles ne pourront pas non plus faire l’impasse sur la participation des caisses. Et, de son côté, Gérard Maudrux annonce que la CARMF compte donner la parole aux médecins à l’automne prochain.
En dépit de toutes ces initiatives, s’agissant de la retraite des médecins, faire des choix s’apparente parfois à la quadrature du cercle. Non que la situation démographique soit chez les médecins plus catastrophique qu’ailleurs. Mais la plupart des curseurs sur lesquels on joue habituellement sont d’un maniement délicat. Pas si simple, par exemple, d’allonger la durée de cotisation alors que les médecins ne veulent pas jouer les prolongations. Et difficile de baisser les pensions alors que leurs retraites sont déjà chiches. Enfin, il est bien délicat de se mettre d’accord sur une hausse des cotisations alors que décideurs et contributeurs sont nombreux
Trop-plein d’interlocuteurs
Qui s’occupe de vos retraites ? Tout le monde ! Par rapport à la réforme des retraites des salariés et des fonctionnaires, celle des professionnels de santé est donc plus compliquée à piloter. La réforme de l’automne n’a touché que le régime de base des libéraux. Pour le régime complémentaire, c’est la CARMF qui est décisionnaire. Pour l’ASV, c’est l’état, mais aussi la convention médicale. L’inconnue de l’équation est la participation de l’Assurance-maladie aux cotisations : en moyenne près de 3 000 euros par généraliste et par an, rien que pour l’ASV. Une facture de plus en plus lourde pour la CNAMTS qui, si l’on ajoute le risque maladie et la famille, paie environ 13 000 euros par an et par praticien. Par le passé, celle-ci a émis l’idée de moduler sa participation en fonction du lieu d’installation d’un médecin. La question pourrait, bien sûr, revenir sur le tapis, par exemple à l’occasion des discussions conventionnelles entre médecins et caisses.
L’ASV est un régime mal géré
La gestion passée de l’ASV qui pèse pour 39 % de la retraite des médecins concentre aujourd’hui toutes les critiques. « L’ASV a été pillée à la façon Madoff ?»,?dénonçait?récemment?Claude Leicher, le président de MG France. Il est vrai que les chiffres sont éloquents. En 1980, les cotisations ASV offraient un rendement imbattable de près de 60 %. Les réformes successives l’ont fait diminuer de moitié au milieu des années 1980, puis passer à à peine 10 % dans les années 2000. Dans les années 1970, la CARMF était assise sur un véritable magot, disposant de jusqu’à 24 années de réserves. « L’absence d’outils effectifs de pilotage de ces régimes en points (le montant des cotisations et le niveau de prestations étant jusqu’en 2006 indexés sur les lettres clés) a conduit au maintien de rendements excessifs, notait en 2009 la direction de la Sécurité sociale dans une note au Conseil d’orientation des retraites. Dès lors, le départ massif des professionnels en retraite, dégradant les ratios démographiques, engendre une augmentation très importante du nombre de points à servir. » Les belles années sont passées. Mais Gérard Maudrux accuse l’état.?Et ne lui pardonne pas sa légèreté
…
• Un taux de remplacement très bas
La moyenne des pensions de retraites des médecins est aujourd’hui de 2?572 euros toutes spécialités confondues pour un revenu moyen mensuel d’un peu plus de 7 000 euros, soit un taux de remplacement parmi les plus bas de tous les actifs : autour de 40 % contre 50 à 60 % en moyenne pour les travailleurs salariés. à l’âge de la retraite, un médecin voit son revenu fondre quasiment des deux tiers. Difficile dans ce contexte de toucher au montant des retraites. C’est pourquoi, par exemple, la proposition de fermer le régime de l’ASV fait très peu recette au sein de vos syndicats.
Les médecins ne veulent pas travailler plus longtemps
L’âge légal de la retraite pour les médecins est passé à 62 ans au lieu de 60 et cela dans les trois régimes, puisque la CARMF a décidé en janvier d’aligner le régime complémentaire et l’ASV sur la condition d’âge du régime de base. Cela ne change pas grand-chose puisque la retraite des médecins était de facto à 65 ans en raison des décotes pratiquées, qui coûtent chères avant cet âge. La réforme des retraites a également institué le passage à 67 ans dans le régime de base pour le droit à une retraite à taux plein. Pour les autres régimes, l’incertitude demeure. Mais les réticences de la profession à jouer les prolongations expliquent les hésitations de la CARMF à trancher sur le régime complémentaire. Quant à l’ASV, un amendement de Denis Jacquat au dernier PLFSS a tenté de repousser le curseur de 2 ans. Un échec face au tollé de vos syndicats.
Actifs trop vieux, retraités trop jeunes
Avec le départ massif à la retraite des baby-boomers en blouse blanche d’ici à 2020 et l’arrivée sur le marché du travail médical des classes creuses du numerus clausus, les prochaines années vont être tendues en ce qui concerne le rapport démographique. En tout cas, plus qu’aujourd’hui. La CARMF compte 126 000 médecins cotisants pour 40 000 retraités, soit un ratio de trois cotisants pour un retraité, plus favorable que celui du reste de la population active (deux cotisants pour un retraité). Mais d’ici 30 ans, tous les régimes devraient converger vers un rapport de l’ordre de un pour un. Pour les médecins, les difficultés vont néanmoins se concentrer sur les dix prochaines années car les cotisants sont relativement âgés (53 ans de moyenne d’âge) et les retraités relativement jeunes (74 ans). Le rapport devrait s’améliorer un peu avec l’arrivée au travail des classes issues de l’augmentation du numerus clausus au milieu des années 2000. Autre difficulté démographique immédiate : le poids des retraites des pensions de reversions. Aujourd’hui, 17 600 conjoints survivants retraités perçoivent une pension de réversion d’un montant moyen trimestriel de 3 440 euros. Mais leur « poids » a vocation à diminuer dans les prochaines années.
L’épée de Damoclès du salariat
Une autre source d’inquiétude est l’attrait irrésistible du salariat auprès des jeunes générations. Selon le Conseil national de l’Ordre des médecins, pour l’année 2009, seuls 32,5 % des nouveaux inscrits au tableau de l’Ordre exercent une activité libérale qui entraîne une affiliation à la CARMF, soit en s’installant (8,6 %), soit en exerçant sous forme de remplacement (23,6 %). Ce n’est pas tant l’installation tardive des jeunes générations qui posent problème (38 ans en moyenne) qu’un autre phénomène plus récent : un temps de salariat avant le saut dans le libéral. Un phénomène sans doute accéléré par la féminisation de la profession en raison des difficultés liées aux congés maternité dans l’exercice libéral. D’une manière générale, le salariat des médecins se développe via les transformations de l’exercice – médecin coordinateur, centres de santé – et même si le nombre de postes de salariés n’est pas extensible à l’infini.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature