LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, Thierry Breton, a salué la décision des Caisses d'épargne, qu'il considère comme une « bonne nouvelle ». Il vaut mieux remettre les choses à leur place. On nous dit qu'en moyenne les Français ont 1 000 à 2 000 euros sur leur compte ; une rémunération à 0,5 % leur ferait gagner 5 à 10 euros par an. Supposons que la mesure les encourage à déposer plus d'argent, par exemple le double, ou 4 000 euros en moyenne. Leur gain serait de 20 euros par an.
Les comptes courants doivent être rémunérés parce que l'argent qui n'est pas dépensé est épargné. Ne le serait-il qu'un jour que ce jour compte. Bien entendu, l'épargnant peut placer ses économies d'une autre manière, livret A ou autre. Jusqu'à 15 000 euros, on peut toucher 2,25 % dans un Codevi défiscalisé. Et chaque fois qu'on dispose d'un excédent, on peut toujours le déposer dans un compte traditionnellement rémunéré, comme le PEP ou l'assurance-vie. En outre, de cette manière, on place des fonds à un taux d'intérêt quand même plus élevé que celui que s'apprêtent à offrir les Caisses d'épargne.
Une arme lourde.
Néanmoins, elles ont trouvé une arme lourde contre les banques : elles ne compenseront pas la rémunération en faisant payer les chèques.
S'il est peu probable que les Français se ruent pour ouvrir des comptes courants dans les Caisses d'épargne, celles-ci ont amorcé la mise en place d'un système concurrentiel qui va contraindre le réseau bancaire à réviser sa stratégie. Or la concurrence est le seul moyen de rappeler aux banques qu'elles doivent aussi penser aux intérêts de leurs clients. Elles ne le font plus : pas un jour ne se passe sans qu'elles ne proposent un nouveau produit présenté comme indispensable, sans qu'elles ne facturent un service naguère gratuit, sans qu'elles ne vous incitent à faire un nouveau placement. Il se peut, bien sûr, que vous aimiez avoir une carte monétique dans la poche ou que certains investissements vous paraissent irrésistibles. Il demeure que toute opération que vous faites rapporte de l'argent aux banques, ce qui est logique. Mais pour elles, le profit est immédiat et certain. Pour vous, il est éloigné et risqué.
CE N'EST PAS LA RÉMUNÉRATION QUI COMPTE, C'EST LE TAUX DE RÉMUNÉRATION
L'autre vérité, c'est que si en moyenne le niveau des comptes courants est bas, les banques ne tiennent aucun compte des sommes importantes laissées en compte courant par les clients qui ont un revenu élevé. Ces clients paient tous les services de la banque, et si les banques réagissent très vite et sommairement à un découvert, elles ne récompensent jamais celui qui a 100 000 euros sur son compte pendant un an ou plus. Elles ne tiennent pas compte non plus du portefeuille de leurs clients qui paient pour les relevés, pour les droits de garde, pour les virements, pour les consultations du compte par Internet ou par téléphone. Pourtant, les banques placent les sommes inscrites sur les comptes courants à des taux relativement élevés et en tirent donc un bénéfice.
Au taux du marché.
La rémunération n'a pas d'autre but que de rétablir un peu de justice entre la banque et le client. Certes, payer 0,5 % à tous les dépôts peut coûter très cher aux banques (des milliards d'euros) sans pour autant enrichir le consommateur. Mais ce n'est pas la meilleure approche de la question. Il ne s'agit pas de donner une obole à celui dont le compte est excédentaire. Il s'agit de le rémunérer au taux du marché : on sait ce qui se passe avec un découvert, c'est un cataclysme financier et moral ; pourtant un fort excédent ne rapporte rien, même pas les remerciements des banques. Elles devraient rémunérer à un taux raisonnable (par exemple celui du livret A) le montant du dépôt en dessous duquel le client n'est pas descendu dans l'année : si, par exemple, il y a toujours eu 25 000 euros sur le compte, il doit être rémunéré à 2,25 %, parce que la durée du dépôt garantit à la banque la possibilité de prêter cet argent à un taux encore plus élevé, par exemple 4 ou 5 %, et il n'y a aucune raison qu'elle puisse prélever sur le marché de l'argent à taux zéro.
De toute façon, les banques n'ont pas le droit de dire que les chèques gratuits suffisent à les autoriser à ne pas rémunérer les comptes. Chaque chose a son prix et il faut comparer les prix. Il se trouve par ailleurs qu'elles affichent toutes des résultats excellents et il est grand temps qu'elles se soumettent aux lois du marché, celles-là même qu'elles ont inventées. L'argent déposé en compte courant n'est rien d'autre que de l'argent prêté à la banque par le client ; ce prêt doit être rémunéré non pas à 0,5 % mais selon les taux actuellement en vigueur. Le client qui gagnera 2,25 % sur un compte de quelques milliers d'euros ne verra aucun inconvénient à payer ses chèques, comme il paie déjà tous les autres services bancaires à des prix fixés d'une manière totalement arbitraire, sans contrôle aucun et sans que le client sache s'il a besoin du service pour lequel il paie.
En d'autres termes, ce n'est pas la rémunération qui compte ; c'est le taux auquel un compte est rémunéré et annoncer une révolution parce que les Caisses vont payer 0,5 % est tout à fait dérisoire.
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