Thérapies psychanalytiques

Une formation nécessaire pour les jeunes psychiatres

Publié le 16/12/2010
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Si dès la fin du XIXe siècle Déjerine avait déjà inauguré la pratique de conversations cliniques avec les patients et que la participation aux groupes Balint faisait partie du cursus des étudiants en psychiatrie dans les années 1970, force est de constater que, aujourd’hui, les jeunes internes n’ont qu’une faible pratique de la relation médecin-patient. Pour le Pr Daniel Widlöcher, cette carence est à mettre sur le compte d’un exercice essentiellement hospitalier, limitant les consultations et donc à l’absence de suivi ainsi qu’à la standardisation de l’approche diagnostique et des programmes thérapeutiques qui mettent davantage les jeunes médecins à distance de leurs patients. Or, le décret sur le statut de psychothérapeute récemment paru permet aux psychiatres d’exercer cette fonction sans obligation aucune de formation. « Mais est-il possible d’être psychothérapeute sans en avoir appris ses savoir-faire ? Certainement pas » affirme le Pr Widlöcher. Certes dans le champ des thérapies cognitives et comportementales, il existe des centres de formation spécifique. Mais les écoles de psychanalyse n’ont en revanche « pas pensé » la question estimant que la fonction de psychothérapeute découlait de celle de l’analyste ou bien confondent ces deux pratiques.

D’où un manque cruel de possibilités d’apprentissage pour les jeunes internes qui ne se sont pas engagés personnellement très tôt dans la maîtrise parallèle de l’une ou l’autre de ces techniques.

Pourtant, à côté de la cure psychanalytique proprement dite, il existe de nombreux secteurs de la psychiatrie qui peuvent grandement bénéficier d’un abord psychanalytique. Outre la dépression, de nouveaux domaines d’application ont émergé : patients soumis à des difficultés familiales ou professionnelles ponctuelles, ou en grande précarité sociale, souffrant d’une addiction ou encore d’un trouble neurologique. Dans tous ces cas, il s’agit de mettre à profit « l’écoute associative et interprétative pour proposer des interventions à visées curatives sur des fonctions psychopathologiques ciblées », précise le Pr Widlöcher. Nos voisins européens ont d’ailleurs bien compris cette problématique comme le montre le large développement de ces apprentissages psychothérapiques précoces dans nombre de pays de l’union européenne.

Une expérience pilote.

D’où l’initiative originale de l’association Psychanalyse et psychothérapie (APEP) qui, depuis l’année dernière, a mis sur pied un séminaire de formation à la pratique de la clinique et des thérapies psychanalytiques s’adressant à des psychiatres et des psychologues ayant une expérience d’une durée minimum d’un an de pratique psychothérapique et un engagement dans un travail psychanalytique personnel. La formation qui se déroule dans le service de psychiatrie adultes du groupe Pitié-Salpêtrière comporte neuf séances annuelles de deux heures ainsi que trois séances trimestrielles d’échanges cliniques supervisés. « Animés par plusieurs enseignants-cliniciens, ces séminaires permettent de parcourir, à partir de l’étude de cas, les principales questions techniques dans un esprit d’ouverture et de débat ». Parmi les thèmes abordés, figurent ainsi l’écoute psychanalytique (savoir écouter les pensées), l’interprétation du transfert, des réactions négatives, l’entretien préliminaire ou encore la question de « quand et comment intervenir ? ».

Ni universitaire, ni orchestrée par une société de psychanalyse, cette formation a recueilli un grand succès auprès des premiers inscrits qui ont réclamé la poursuite de ce type d’enseignement et continuent l’aventure pour une deuxième année pendant que la deuxième vague d’étudiants vient de commencer le cursus 2010-2011. « Il s’agit pour nous d’une expérience pilote que nous n’entendons pas nous approprier, résume le Pr Widlöcher qui préside le comité d’enseignement du séminaire : l’idée est au contraire qu’elle suscite le développement d’autres formations à la psychothérapie en France et qu’elle fasse réfléchir les universités à l’intérêt d’un tel enseignement pour les psychiatres et les psychologues ».

D’après un entretien avec le Pr Daniel Widlöcher, qui préside le comité d’enseignement du séminaire de formation à la pratique de la clinique et des thérapies psychanalytiques de l’APEP.

Inscriptions (terminées pour l’année 2010-2011) : secrétariat de l’APEP : Katia Savary, 11 rue Albert Bayet, 75013, Paris. Tél. : 01 40 77 44 52. Katia. Savary@asm13.org

 Dr PATRICIA THELLIEZ

Source : Bilan spécialistes