LE rhumatisme psoriasique (RP) est classé habituellement dans le groupe des spondylarthropathies puisqu'il répond aux caractéristiques de ce groupe de rhumatismes : inflammation rachidienne et sacro-iliaque, enthésopathies inflammatoires, atteinte périphérique volontiers de type oligoarticulaire et asymétrique, terrain génétique (formes axiales) et bonne sensibilité aux Ains. Seule la forme polyarticulaire bilatérale, plus ou moins symétrique, sort de ce cadre et pose un problème de diagnostic souvent difficile avec une polyarthrite rhumatoïde associée à un psoriasis.
On distingue cinq grandes formes cliniques de RP :
- les arthrites des interphalangiennes distales des mains et des pieds ;
- les arthrites mutilantes avec sacro-iliite ;
- les polyarthrites symétriques, mais négatives pour le facteur rhumatoïde ;
- les oligoarthrites asymétriques avec souvent atteintes des petites articulations ;
- la spondylarthrite ankylosante avec ou sans arthrite périphérique.
Le RP est donc polymorphe et le diagnostic repose sur un faisceau d'arguments cliniques et sur l'habituelle négativité des auto-anticorps. Il a été décrit des signes radiographiques, caractéristiques qui sont cependant tardifs et donc peu utiles pour un diagnostic précoce ; ils sont surtout situés sur les doigts et des orteils, pouvant associer des images d'érosion, d'ostéolyse, d'ankylose, de périostite ou d'ostéopériostite.
Bien qu'il existe un grand nombre de formes mono- ou oligoarticulaires tout à fait bénignes, le RP est un rhumatisme potentiellement sévère avec atteinte articulaire périphérique destructrice ou atteinte rachidienne évolutive. Des arthropathies érosives périphériques sont constatées dans 30 à 70 % des cas. Les formes polyarticulaires et les formes avec arthrites mutilantes sont habituellement celles qui auront l'évolution la plus sévère. Cette évolution destructrice articulaire potentielle rend nécessaires un diagnostic et une prise en charge précoce afin de prévenir autant que possible une dégradation articulaire ultérieure.
Traiter précocement.
La prise en charge thérapeutique du RP doit donc être précoce et il convient d'adapter la stratégie à chaque patient individuellement. Le suivi devra être très régulier, surtout au début de la maladie, afin d'adapter de façon optimale cette stratégie. La prise en charge comporte habituellement l'association de traitements médicamenteux, de rééducation fonctionnelle, de traitements locaux et parfois de gestes chirurgicaux.
Les traitements médicamenteux.
Ils sont généralement indispensables et comportent des traitements symptomatiques (Ains) et des traitements de fond dont l'objectif est de ralentir la progression de la maladie.
1) Les Ains/coxibs : ils constituent le traitement de base et sont utilisés en première intention. Ils peuvent suffire dans les formes bénignes, mono- ou pauciarticulaires, non érosives.
2) La corticothérapie générale : elle est habituellement contre-indiquée car elle expose à la déstabilisation du psoriasis cutané et à son rebond lors de la diminution de la posologie. Dans les formes rebelles et évolutives, elle est parfois proposée à petites doses ou sous forme de bolus qui semblent moins nocifs pour l'atteinte cutanée.
3) Les traitements de fond classiques : les traitements de fond sont indiqués dès lors que le rhumatisme psoriasique apparaît évolutif en dépit des Ains ou d'emblée, s'il existe des signes péjoratifs.
La sulfasalazine (SSZ), le méthotrexate (MTX) et le léflunomide (LEF) ont tous montré leur efficacité dans des études contrôlées contre placebo mais seul le MTX et le LEF (Arava) ont l'AMM dans le RP. Ces deux médicaments ont montré, outre leur efficacité sur les signes inflammatoires articulaires périphériques, un effet positif sur le psoriasis cutané. Aucun de ces médicaments n'a d'efficacité démontrée sur l'atteinte pelvi-rachidienne. La SSZ peut être proposée dans les formes modérément évolutives et non destructrices.
La ciclosporine, par analogie à son effet dans le psoriasis, est proposée dans de rares cas. Les sels d'or et la pénicillamine ne se sont jamais révélés efficaces dans des études contrôlées. Les antipaludéens de synthèse n'ont jamais non plus démontré leur efficacité et leur utilisation est controversée, en raison du risque d'extension et d'aggravation érythrodermique du psoriasis.
4) Les traitements biologiques : les 3 anti-TNF actuellement disponibles, étanercept (Enbrel), infliximab (Remicade), adalimumab (Humira), ont montré leur efficacité, dans des études contrôlées, sur les signes inflammatoires périphériques du RP mais aussi sur les signes rachidiens et sur le psoriasis cutané. Récemment, l'étanercept a été le premier médicament à montrer sa capacité à réduire la progression radiologique périphérique du RP. A ce jour, l'étanercept et l'infliximab ont l'AMM dans le RP actif et réfractaire ; l'adalimumab devrait l'obtenir courant 2005. Des recommandations d'utilisation des anti-TNF dans le RP ont été proposées par le CRI et la Société française de rhumatologie (Pham T. et coll. « Rev. Rhum. », sous presse). Schématiquement, il est proposé de retenir l'indication d'un anti-TNF si le diagnostic est certain, si la maladie est active sur des critères objectifs et si elle est réfractaire à au moins un traitement de fond classique, dont le MTX et le LEF (ou si atteinte axiale pure, en cas d'échec au moins à trois Ains).
Les autres armes thérapeutiques :
Les traitements locaux médicamenteux consistent en l'injection de corticoïdes intra- ou périarticulaires, ou de synoviorthèses isotopiques. L'indication est retenue lorsqu'il s'agit de synovites chroniques ou d'enthésiopathies rebelles et dans des formes pauciarticulaires.
La rééducation fonctionnelle est indiquée en cas de formes axiales ou d'atteintes articulaires périphériques. Elle vise à éviter les attitudes vicieuses, à réduire l'ankylose rachidienne et la limitation articulaire chronique. Des appareillages peuvent être proposés, en particulier pour les mains et les pieds. Des interventions chirurgicales peuvent être indiquées dans des formes périphériques de façon similaire à la polyarthrite rhumatoïde et consistent soit en des synovectomies préventives, soit en des arthroplasties ou arthrodèses palliatives.
Le RP est un rhumatisme inflammatoire très polymorphe dans sa présentation clinique et potentiellement évolutif. Le pronostic est plus réservé que ce qui était considéré habituellement, et, dans environ la moitié des cas, il y a un risque de développement de lésions destructrices articulaires ou d'ankylose vertébrale. Ceci justifie une prise en charge précoce, surtout dans les formes évolutives et potentiellement sévères.Les anti-TNF alpha sont efficaces à la fois sur les atteintes périphériques et axiales et sur les signes cutanés, mais qui seront réservés, compte tenu de leur coût et de leurs effets secondaires potentiellement graves, aux formes les plus évolutives et sévères.
* Service d'immuno-rhumatologie, CHU Lapeyronie, Montpellier.
b-combe@chu-montpellier.fr.
Fournié B. Le rhumatisme psoriasique. Rev. 2002; 69: 601-604.
Mease P, Goff BS. Diagnosis and treatment of psoriatic arthritis. « J. Ann. Acad. Dermatol ». 2005; 52: 1-19.
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