De notre correspondante
à New York
« EN REFLECHISSANT à l'asthme, les scientifiques se sont généralement intéressés aux processus qui provoquent une constriction active des voies aériennes ou entraînent une inflammation », explique le Pr Jonathan Stamler, qui a dirigé cette recherche à l'université de Duke à Durham (Caroline du Nord). « Nous n'avons pas prêté une grande attention à la façon dont les voies aériennes sont normalement maintenues ouvertes. Nos résultats suggèrent que l'asthme pourrait provenir d'un déficit du bronchodilatateur endogène qui relaxe normalement les voies aériennes. »
La compréhension actuelle de l'asthme allergique, caractérisée par une hyperréactivité bronchique et l'inflammation chronique des voies aériennes, se concentre sur le rôle joué par les substances bronchoconstrictives et les médiateurs de l'inflammation. Toutefois, les mécanismes qui, à l'opposé, protègent contre l'asthme restent mal compris.
De précédentes études ont montré que le monoxyde (NO) est produit dans les voies aériennes, et il a été suggéré qu'il pourrait avoir une activité bronchodilatatrice.
Par ailleurs, des taux élevés de NO dans l'air expiré constituent une signature d'asthme, attribuée en partie à l'activation par les cytokines d'une enzyme synthétisant le NO (iNOS, ou inducible NO synthase). Toutefois, les animaux déficients en enzymes synthétisant le NO (NO synthases) présentent la même hyperréactivité bronchique aux allergènes. Le rôle du NO dans l'asthme reste donc incertain.
Molécules transportant le NO.
Plus récemment, des travaux du Pr Stamler et de son équipe ont indiqué que la bioactivité du NO pourrait être médiée dans l'organisme par une famille de molécules transportant le NO, appelées S-nitrosothiols (SNO).
Parmi ces molécules, le S-nitrosoglutathione (Gsno) est principalement responsable de l'activité bronchodilatatrice du NO.
Or les taux de Gsno sont considérablement abaissés dans les voies aériennes des patients asthmatiques, ce qui fait soupçonner un rôle protecteur pour ce bronchodilatateur endogène.
Dans la nouvelle étude, publiée dans la revue en ligne de « Science », l'équipe du Dr Stamler a comparé aux souris normales, la souris knockout en enzyme Gsno réductase, qui dégrade le Gsno. L'équipe avait précédemment montré que cette enzyme gouverne les taux de Gsno (et indirectement de SNO) dans de nombreux tissus, y compris les poumons.
Leurs résultats sont les suivants. Les souris normales développent, après exposition aux allergènes, une hyperréactivité bronchique et présentent dans leurs voies aériennes des taux accrus de l'enzyme Gsnor, avec une chute des taux pulmonaires de Gsno et SNO.
En revanche, les souris knockout déficientes en Gsnor (Gsnor -/- présentent, après exposition aux allergènes, une augmentation des taux pulmonaires de SNO et sont protégées de l'hyperréactivité bronchique malgré le développement d'une inflammation.
« Nos résultats indiquent que l'enzyme Gsno réductase joue un rôle crucial dans la régulation du tonus des voies aériennes, tant dans les circonstances normales qu'en réponse à l'exposition aux allergènes, et qu'un déséquilibre du Gsno, et peut-être d'autres S-nitrosothiols, pourrait contribuer fondamentalement à l'asthme », souligne le Pr Stamler.
« Ils suggèrent en outre que le déficit en Gsno observé chez les patients asthmatiques pourrait résulter d'une activité accrue de la Gsno réductase, ajoute-t-il. L'enzyme pourrait donc offrir une nouvelle cible pour les thérapies visant à soulager l'obstruction des voies aériennes. »
Une autre implication concerne la stratégie envisagée pour améliorer l'hyperréactivité bronchique qui consiste à inhiber la NO synthase d'oxyde nitrique ; à la lumière de cette étude, cette approche pourrait abaisser, de façon délétère, les SNO et, de ce fait, exacerber l'asthme.
Choc septique.
L'année dernière, l'équipe montrait que les SNO jouent un rôle crucial dans le choc septique, une cause fréquente de décès dans les unités de soins intensifs. Il y a quelques mois, ils ont également observé un déficit en SNO dans le sang des patients affectés de drépanocytose. Le lien rapporté maintenant entre le déficit en SNO et l'asthme renforce l'idée que les SNO pourraient jouer un rôle protecteur dans de nombreuses maladies.
Convaincu de cette voie prometteuse, le Pr Stamler a cofondé il y a un an la compagnie de biotechnologie Nitrox LLC, qui s'attache à découvrir et à développer des stratégies innovantes axées sur l'oxyde nitrique afin de traiter divers troubles de délivrance d'oxygène (maladies du poumon, du coeur et du sang).
« Sciencexpress », 27 mai 2005, Liu et coll.
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