DE HAUTS PANNEAUX de verre dépoli qui pivotent sur eux-mêmes, recomposant sans cesse l'espace, des costumes très simples et harmonieux qui permettent de reconnaître les Grecs d'un côté, les Troyens de l'autre, une manière de dire le texte, de jouer qui est d'un naturel étonnant et que l'on accepte immédiatement tant est jubilatoire l'adaptation de Bernard Pautrat, enfin un mouvement de la mise en scène très vif, très clair. C'est un très grand travail, épuré et puissant que propose ici Bernard Sobel.
Ne faisons pas le docte : on ne voit jamais montée cette pièce étonnante qu'est « Troïlus et Cressida », aussi y a-t-il un bonheur extraordinaire à l'écouter, à en suivre l'action. Ce n'est pas comme « Hamlet » ou « le Roi Lear » qu'à force on connaît très bien, dont on connaît même des pans entiers par cœur. Et puis ici, les personnages se nomment Hector, Achille, Hélène, Ajax, Enée, Agamemnon, Ulysse, Pâris, Patrocle, Nestor, Priam... pour les citer dans le plus grand désordre...
La scène est au siège de Troie. Il y a sept ans que les Grecs assiègent la ville. Achille, qui ne respecte plus le commandement grec, s'est retiré sous sa tente et file le parfait amour avec Patrocle. Ulysse est sur son quant à soi. Ajax est un écervelé. Etc... On ne peut pas dire que Shakespeare manifeste le moindre respect pour les héros...
Mais il ne s'agit pas de farce, de bouffonnerie. Il se moque de ces grands guerriers, il en montre les faiblesses, mais il analyse autre chose, et c'est très clair dans l'histoire qui donne son titre à la pièce, l'histoire de Troïlus qui vient à bout de la résistance de Cressida. Mais cette dernière va être échangée et doit rejoindre son père dans le camp grec. Elle cédera au pressant Diomède, au grand désespoir de Troïlus... Et il y a dans la manière dont Shakespeare saisit cette tragédie là, toute l'amertume, le désenchantement de la jeunesse devant un monde qui « sort de ses gongs », littéralement.
Formidable histoire, formidable langue, acteurs excellentissimes qui disent bien leurs textes très longs, pour la plupart des douze garçons et deux filles - et jouent avec précision, ardeur, humour, émotion. Il faudrait les citer tous. Le mieux est d'aller les applaudir d'urgence. Le spectacle est long, mais passe comme un souffle.
C'est le travail d'un grand artiste que celui que nous propose Bernard Sobel, un metteur en scène au sommet de son savoir et de sa générosité pour les jeunes, aussi.
Théâtre de Gennevilliers, à 19 h 30 du mardi au samedi, à 16 h le dimanche (01.41.32.26.26). Durée : 4 h entracte compris, 2 h, entracte, 1 h 40. Jusqu'au 23 avril.
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