Après le cancer du sein, du côlon et du col de l’utérus, le cancer du poumon sera-t-il le prochain candidat à un dépistage de masse ? Si rien n’est pour le moment engagé dans ce sens, la question se pose avec force depuis l’annonce, fin octobre, des résultats préliminaires de l’étude NLST. Analysées en session plénière lors du récent Congrès de pneumologie de langue française, ces données montrent, pour la première fois, qu’un dépistage systématique du cancer du poumon par scanner hélicoïdal, chez le gros fumeur, pourrait permettre de sauver de nombreuses vies, avec une réduction de la mortalité de l’ordre de 20 %.
Comme l’a rappelé le Pr Antoine Flahault (directeur de l'Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique de Rennes), l’idée d’un dépistage précoce du cancer du poumon chez le fumeur n’est pas nouvelle, de nombreux arguments plaidant dans ce sens. On sait en effet que le pronostic de la maladie – qui reste globalement très péjoratif avec une survie à 5 ans autour de 15 % – dépend fortement du stade de diagnostic et de la taille des lésions initiales. Différentes études avaient donc déjà tenté d’évaluer l’intérêt et la faisabilité d’un dépistage systématique du cancer du poumon par radiographie ou scanner chez le fumeur à haut risque, mais, jusqu’à présent, aucun travail randomisé n’avait pu mettre en évidence de bénéfice en terme de survie. C’est désormais chose faite grâce à l’étude NLST.
Conduit aux Etats-Unis par le National Cancer Institute, cet essai a inclus plus de 53 000 gros fumeurs ou ex-fumeurs (tabagisme ≥ 30 PA), âgés de 55 à 74 ans. Ces derniers ont bénéficié, sur trois années consécutives, soit d’un scanner hélicoïdal bronchique annuel, soit d’une radiographie de thorax une fois par an. En accord avec ce qu’avaient déjà suggéré des études antérieures, ce screening a permis de détecter des nodules pulmonaires chez 24 % des participants du groupe scanner contre 7 % des sujets du groupe radiologie. Après 5 ans de suivi, 442 décès par cancer du poumon ont été enregistrés dans le groupe radiographie standard contre 354 dans le groupe scanner, soit « une réduction de la mortalité spécifique par cancer du poumon considérable de 20,3 % », souligne le Pr Flahault.
Ces bons résultats, qui ont conduit le National Cancer Institute à stopper l’essai prématurément, « constituent une avancée majeure », estime le Pr Etienne Lemarié (CHU de Tours) même s’ils demandent encore à être confirmés au long cours. Ils soulèvent aussi de nombreuses interrogations. La question du surtraitement notamment est sur toutes les lèvres. Ne risque-t-on pas, comme pour le cancer de la prostate, de dépister et de traiter à tort des petites tumeurs qui seraient restées sinon indolentes et asymptomatiques ? Sur ce point les données d’autopsie réalisées en « population générale » sont rassurantes estime le
Pr Flahault puisqu’elles ne retrouvent que très peu de tumeurs bronchopulmonaires indolentes. Le risque d’irradiation cumulée par scanner à répétition ne doit pas non plus être négligé même si le scanner « low dose » utilisé dans ce dépistage délivre seulement 25 % de l’irradiation d’un scanner normal.
Un fort taux de faux positifs
Par ailleurs, une surveillance rapprochée par scanner pourrait être considérée par certains fumeurs comme un « permis de fumer » même si les données de la littérature tendent à montrer le contraire.
Autre bémol majeur, le fort taux de faux positif associé au dépistage par scanner (33 % dans NLST) et le risque inhérent de gestes invasifs (ponction biopsie notamment) inutiles et potentiellement dangereux. Sur ce point, « s’il y a risque, ce risque n’obère pas beaucoup le bénéfice du dépistage?», estime le Pr Flahault, puisque dans l’étude NLST, «?non seulement la mortalité spécifique par cancer est diminuée mais aussi la mortalité toute cause ». Enfin, sur le plan économique, le coût du scanner pourrait être prohibitif.
Malgré ces réserves, les résultats de l’étude NLST marquent un point important en faveur du dépistage de masse du cancer du poumon chez les fumeurs à haut risque. Fin mars, experts américains et européens doivent d’ailleurs se réunir afin de rédiger une position commune sur le sujet et tenter de répondre à la question de fond : faut-il ou non s’engager dans une telle démarche??
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