TOUT LE MONDE se posait la question, mais personne n'osait la formuler tout haut : au fait, le coaching, c'est quoi exactement ? Cela tombe bien, deux enseignants de l'université Paris-VIII (qui propose opportunément un diplôme d'études supérieures universitaires dans ce domaine) ont pris le problème à bras-le-corps en publiant un « Que sais-je ? » sur le sujet. Pierre Angel, psychiatre et professeur des universités, et Patrick Amar, psychologue clinicien racontent le coaching depuis ses origines jusqu'à ses multiples applications. Un exercice difficile dans un domaine en plein développement, caractérisé par sa diversité et par l'absence de cadre précis, dans la théorie comme dans la pratique.
Facilitateur de changement.
Le terme anglais coaching ( to coach, entraîner) serait issu du français coche (et avant cela, du hongrois), cette grande voiture à cheval véhiculant les voyageurs d'un lieu à l'autre. Guider, accompagner, tels sont les maîtres mots que l'on en retient. Dans les années 1980 ou 1990, en France, le coaching migre du domaine sportif vers le monde de l'entreprise « confronté à des enjeux similaires en termes de compétition, de recherche d'excellence et d'amélioration des performances », expliquent les auteurs. Dans tous les cas, l'idée est d'accompagner une personne ou un groupe d'individus afin de les aider à développer leur potentiel et améliorer leurs performances.
Issu de diverses écoles théoriques, le coaching bénéficie de la prise de conscience (par les employeurs tout du moins) qu'un employé heureux est souvent plus efficace. Le sociologue Maslow avait ainsi identifié cinq séries de besoins fondamentaux à satisfaire dans cet ordre : besoins physiologiques, de sécurité, d'appartenance, de reconnaissance et d'accompagnement personnel. Le coaching puise son cadre théorique dans la sociologie, mais aussi dans la psychologie et la thérapeutique : psychanalyse, approche cognitive, théories humanistes, approche systémique, thérapies brèves, Gestalt, analyse transactionnelle, programmation neurolinguistique, sont autant de sources d'outils pour concilier « savoir-faire » et « savoir-être ». « Un des postulats est que le coaché a, en lui, les compétences et le potentiel pour trouver ses propres solutions et que le coach agit comme un catalyseur, un facilitateur de changement en mobilisant ses énergies », expliquent Pierre Angel et Patrick Amar.
Pour autant, les auteurs mettent en garde contre la tentation d'un « éclectisme hasardeux » qui pousserait le coach à accoler « des concepts et des outils qui ne révèlent leur efficacité que dans la logique de leur système d'origine ». Ils rappellent que le coaching n'est pas du conseil, car le coach n'est pas supposé connaître mieux que le coaché son domaine professionnel, ni de la thérapie, car il s'agit d'une recherche ponctuelle de performance. Qu'il s'agisse de coaching « individuel » ou « d'équipe », un contrat détaille le cadre de l'intervention, les objectifs, le rôle du coach, etc., y compris les engagements déontologiques - par exemple, en entreprise, de ne faire de reporting qu'au coaché, ou à son supérieur, mais avec l'accord et en présence de l'intéressé. La séance comprendra typiquement une définition du problème du client, une analyse de la demande, l'établissement du contrat et une « exploration résolutoire ». Les indications pourront être, toujours selon les auteurs, une intervention sur une problématique ponctuelle (par exemple la gestion d'un conflit), un coaching plus global de développement (gestion du stress), une problématique personnelle, « voire parathérapeutique » (augmentation de la confiance en soi), relationnelle (entente avec les collègues) ou d'équipe (optimisation des compétences d'un groupe, conduite du changement). Classiquement, le contrat portera sur six à dix séances « de une à trois heures sur une période de trois à neuf mois », à raison, pour une entreprise, de 250 à 400 euros de l'heure, ou 80 à 150 pour les particuliers.
De nombreuses questions.
Au total, le marché du coaching professionnel représenterait, selon la SFCoach, un volume de l'ordre de 120 millions d'euros en 2003, dont 60 % en Ile-de-France, principalement dans les grosses sociétés (plus de 1 000 salariés). Il y aurait environ 3 000 professionnels, les trois quarts exerçant en libéral.
Pour limiter les dérives de ce juteux marché, les associations professionnelles développent des systèmes d'accréditation. Sont notamment évalués la « maturité personnelle et professionnelle » du coach, son expérience, sa formation, son « travail sur soi », sa capacité à faire superviser sa pratique par un coach tiers, ainsi que son respect de la déontologie (une charte existe sur le site de la SFCoach). Pierre Angel et Patrick Amar voient le coaching comme un « espace de construction du sens » dans une société où se délitent les valeurs et dans laquelle « le travail s'arroge une place essentielle, voire centrale dans la définition identitaire de l'individu ». On peut contester cette analyse qui ne prend pas en compte l'évolution des travailleurs vers l'organisation d'un temps libre qui augmente à mesure que se réduit le temps de travail. Une tendance confirmée aux Etats-Unis avec l'essor du life coaching, qui, selon les auteurs « renvoie à une demande d'aide dans une société de plus en plus complexe, compétitive et individualiste où l'individu se sent démuni alors qu'il doit souvent faire face à une injonction de mieux faire ou de mieux être ».
Pour les auteurs, « l'évolution et le changement sont au cœur de l'intervention de coaching ». Il s'agit de faire le deuil, pour le coaché, « d'investissements ou d'attachements professionnels passés », et pour le coach « de sa volonté de faire changer le coaché à tout prix » et « de sa propre toute-puissance ». Quelques questions restent alors en suspens, parfois abordées par les auteurs, parfois éludées. Comment peut-on, par définition, « aider » quelqu'un à devenir plus autonome ? Comment concilier éthiquement la demande de performance de l'entreprise payeuse et le respect des intérêts du salarié coaché ? Comment prôner le respect de l'intégrité et l'utilisation d'outils psychothérapeutiques dans le cadre professionnel ? Comment critiquer le « tout-performance » et travailler dans le sens de l'amélioration de ces performances, y compris dans la vie privée ? Les tenants du coaching devront rester extrêmement vigilants sur le cadre de leur pratique afin de ne pas instrumentaliser les « coachés » en les adaptant aux besoins du système. On veut croire qu'ils appliqueront les principes déontologiques qu'ils prônent.
Pour en savoir plus :
Pierre Angel, Patrick Amar, « Que sais-je ? », « le Coaching », éd. PUF, avril 2005, 130 p.
Société Française de Coaching (SFCoach), tél. 01.42.81.96.70, fax 01.42.65.17.09, sfcoach@wanadoo.fr, www.sfcoach.org.
International Coach Federation France (Icff), tél. 06.81.96.51.94, info@icffrance.org, www.icffrance.org.
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