EN PRÉSENTANT son plan Démographie médicale en janvier dernier, le ministre de la Santé avait souhaité que les partenaires conventionnels négocient rapidement une hausse de 20 % du montant du C pour les médecins exerçant en cabinet de groupe dans une zone déficitaire en offre de soins. Une hausse qui ne serait évidemment pas à la charge du patient, mais à celle de l’assurance-maladie.
Neuf mois plus tard, alors que les partenaires conventionnels ne se sont toujours pas réunis pour négocier cette hausse, le ministre de la Santé hausse le ton et s’impatiente. La raison de cette grogne ministérielle est double.
Selon certains de ses proches, Xavier Bertrand estime que les partenaires conventionnels en font un peu à leur aise et qu’ils auraient pu trouver le temps de négocier cette hausse entre deux réunions sur le C ou sur le V.
Le ministre de la Santé estimerait également que le travail de cartographie de ces zones déficitaires, effectué par les missions régionales de Santé (MRS), laisse parfois à désirer. Xavier Bertrand juge cette cartographie parfois imprécise, et regretterait notamment qu’elle ne prenne pas suffisamment en compte l’âge des médecins en exercice. De fait, quel sens y a-t-il à dire qu’un canton dispose de sept médecins généralistes si on ne précise pas que, parmi eux, six ont plus de 60 ans, et sont donc proches de la retraite ? De plus, un certain nombre «d’incohérences» auraient été décelées, jetant la suspicion sur l’ensemble de la cartographie.
Le ministre de la Santé est d’autant chagrin qu’il estimerait que, en ce qui le concerne, il a fait son travail, puisque les textes réglementaires nécessaires à l’entrée en vigueur des mesures de son plan Démographie ont été publiés (à l’exception toutefois du texte autorisant la hausse d’un tiers du plafond du cumul emploi-retraite pour les médecins retraités désirant poursuivre une activité et dont la parution se fait attendre). Il souhaite donc que les partenaires conventionnels en fassent autant.
En outre, le ministre de la Santé a demandé que le travail de cartographie des zones sous-médicalisées soit refait avec un plus grand souci de précision, et que le nombre de zones déficitaires soit revu à la hausse, en tenant compte, notamment, des départs à la retraite des prochaines années.
Toutefois, le reproche adressé par Xavier Bertrand aux MRS peut sembler sévère, si l’on se réfère à la circulaire Dhos-Uncam du 14 janvier 2005, qui fixait les principaux critères à retenir pour l’élaboration de cette cartographie. Ce texte précise en effet que la loi laisse à la convenance des MRS «le soin de déterminer les critères à prendre en compte pour déterminer les zones déficitaires». Certes, la circulaire invite ensuite à retenir comme «principaux critères, dans les territoires définis, la densité et l’activité médicales», mais,dans la pratique, chaque mission régionale de santé a pu choisir ses propres critères d’éligibilité d’un territoire au statut de zone déficitaire (« le Quotidien » du 25 janvier 2006).
Au ministère de la Santé, on ne souhaite pas, apparemment, jeter de l’huile sur le feu, et on précise que «les MRS ont fait un premier travail qui, forcément, n’est pas parfait, puisque c’est une première. Les MRS, qui continueront à effectuer ce travail, ont reçu pour consigne d’actualiser une fois par an leur zonage, et la première actualisation devra être achevée avant la fin de cette année».
Dans certaines MRS, les commentaires vont bon train. Une responsable d’Urcam qui préfère garder l’anonymat ne s’étonne guère de la mauvaise humeur ministérielle : «La circulaire nous laissait la bride sur le cou pour le choix des critères d’éligibilité. Pas étonnant que les résultats ne soient pas homogènes. Nous allons donc recevoir une nouvelle circulaire nous demandant de ne retenir comme critères que la démographie, l’activité et l’âge des praticiens. Le travail ne sera pas long à faire, mais les critères retenus ne seront pas assez affinés.»
Zizanie.
S’agissant des majorations d’honoraires, cette responsable est dubitative : «On va semer la zizanie entre les médecins qui vont toucher les majorations et les autres. J’en entends déjà qui me disent que, si leur secteur n’est pas classé en zone déficitaire, ils refuseront de faire leurs gardes. Quant aux maires de petite commune, ils ont déjà tendance à considérer les médecins comme des nantis, et cette mesure ne va rien arranger. Les médecins qui travaillent en zones sous-médicalisées font par définition beaucoup d’actes. On aurait mieux fait de dire que, dans ces zones déficitaires, les médecins pourraient obtenir des aides substantielles pour créer un cabinet de groupe, puisque c’est manifestement la solution d’avenir dans les zones rurales.»
Du côté des syndicats médicaux, si on comprend la grogne ministérielle, on fait remarquer que l’actualité a été riche ces derniers mois, avec notamment la campagne pour l’élection des représentants aux Urml. Sans compter les autres négociations en cours, notamment sur la valeur du C et du V.
A la Csmf, Michel Chassang précise que si aucune date n’a encore été fixée avec l’Uncam pour ces négociations conventionnelles, «ça sera réglé avant la fin de l’année, car c’est un dossier qui nous tient à coeur». Et Michel Chassang ajoute que la Csmf sera très ferme sur un point au cours de cette négociation : substituer à la notion de «médecin exerçant en cabinet de groupe» celle de «médecin travaillant en groupe», mais pas nécessairement sous le même toit professionnel. Ce qui aurait pour conséquence de permettre à davantage de médecins de bénéficier des majorations d’honoraires prévues, selon les textes, pour les seuls praticiens exerçant en cabinet de groupe.
Reste à savoir si l’Uncam, qui n’est pas en mesure d’indiquer une date pour ces négociations et ne paraît pas pressée de mettre en place la mesure, que Xavier Bertrand avait lui-même chiffrée à 20 millions d’euros, sera sensible à cette subtilité sémantique qui pourrait bien élargir le champ d’attribution du bonus.
Les missions régionales de santé
Créées par la loi du 13 août 2004 relative à l’assurance-maladie, et constituées entre les agences régionales de l’hospitalisation (ARH) et les unions régionales des caisses d’assurance-maladie (Urcam), les missions régionales de santé (MRS) sont notamment chargées d’établir des propositions d’organisation du dispositif de permanence des soins (PDS) ; elles sont aussi chargées de déterminer les orientations concernant la répartition des professionnels de santé libéraux et des centres de santé, en particulier dans les zones rurales ou urbaines difficiles, en tenant compte du Schéma régional d’organisation sanitaire (Sros). D’où le mandat qui leur a été confié dans le cadre de la démographie médicale.
Les MRS sont dirigées alternativement par le directeur de l’ARH et le directeur de l’Urcam.
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