CONTRIBUTION - Notre collègue et ami le Pr Ronan Roussel est mort accidentellement ce week-end à l’âge de 52 ans.
Ronan Roussel était un mari, un père, un ami fidèle, un diabétologue, un chef de service, un professeur, un chercheur aimé et respecté de tous ceux qui ont croisé son chemin, à quelque titre que ce soit.
Ronan Roussel est né et a fait ses études secondaires dans le Finistère. Il a suivi les classes préparatoires des grandes écoles, interne au prestigieux lycée Louis le Grand à Paris, à l’issue desquelles il a intégré, en 1991, l’école Polytechnique.
Pendant sa formation d’ingénieur, Ronan Roussel a découvert les mystères du métabolisme intermédiaire, ce qui l’a conduit vers une thèse de science, qu’il a effectuée sous la direction de Gilles Bloch, médecin et polytechnicien actuel directeur de l’Inserm, avec qui il a débuté sa carrière de chercheur, marquée d’emblée par des publications dans des revues prestigieuses.
Ingénieur, chercheur, médecin
À l’issue de sa formation d’ingénieur, Ronan a suivi la même voie que son directeur de thèse. Souhaitant orienter sa vie vers la médecine, il a intégré la faculté de médecine de Paris-Sud, et tout naturellement c’est un internat en endocrinologie et diabétologie qu’il a choisi pour poursuivre sa formation. Pendant son internat, il a aussi parfait sa connaissance du médicament et de la pharmacologie, pressentant déjà l’importance pour sa carrière d’une connaissance approfondie du développement de nouvelles thérapeutiques.
Après son internat, Ronan Roussel a pris des fonctions de Chef de Clinique-Assistant à l’université de Paris Diderot et dans le service de diabétologie et nutrition de l’hôpital Bichat, dirigé par le Pr Michel Marre, puis a rapidement été nommé Maître de Conférences des Universités puis professeur des Universités et praticien dans ce service, dont il a pris la direction en 2018 à la retraite du Pr Michel Marre.
Citoyen engagé et praticien attentionné
Décrire ce brillant parcours hospitalo-universitaire, auquel s’ajoute une brillante carrière de chercheur, dont la direction d’une équipe de recherche Inserm (U1138, centre de recherche des Cordeliers) dédiée à la néphropathie diabétique, ne suffit pas à décrire l’homme qu’a été Ronan Roussel : un père de famille, un citoyen, un médecin, un enseignant, un ami pour beaucoup d’entre nous.
Avec son épouse, Hélène, Ronan avait trois enfants, dont il s’occupait avec beaucoup d’attention et de bienveillance, toujours soucieux d’être présent à leurs côtés. C’était un citoyen, engagé dans la vie de sa cité, un véritable médecin dont les consultations commencées à midi ne se terminaient jamais avant 20 heures. Il a très vite compris le potentiel des nouvelles technologies, de la télémédecine, pour améliorer le soin, permettre aux patients de progresser en dehors de l’hôpital.
Avec ses proches collaborateurs, Louis Potier et Boris Hansel, Ronan avait mis en place, dès le début de l’épidémie de Covid, un formidable forum permettant d’informer, de rassurer les patients diabétiques. Des séminaires hebdomadaires ont rassemblé jusqu’à plus de 1 000 patients, il en était particulièrement fier, ainsi que de l’étude nationale Coronado, qui a permis de colliger et décrire la plus grande cohorte de patients diabétiques exposés au Covid, dirigée par ses amis Bertrand Cariou, Samy Hadjadj, Pierre Gourdy et tant d’autres.
L’envie de fédérer
Ronan avait créé il y a 10 ans, avec Étienne Larger, Louis Potier et Helen Mosnier Pudar, deux diplômes de formation à la diabétologie ; il souhaitait que des médecins, infirmiers, diététiciens de tous les horizons puissent parfaire leurs connaissances en diabétologie, gage de l’amélioration globale des soins aux patients diabétiques.
Chercheur, Ronan l’était profondément ; original, créatif, avec toujours le souci de créer des conditions de travail idéales pour tous ceux qu’il dirigeait, afin que leur recherche ne soit pas entravée par des aléas matériels. Toutes les idées qui pouvaient faire avancer la recherche étaient entendues, discutées et transformées en projets et, en cela, son association avec Jean-François Gautier et Nicolas Venteclef a permis l’émergence de projets majeurs au sein de l’équipe Inserm Immediab, où Ronan exerçait une place de leader. Ronan a également permis la construction de l’Institut du diabète de l’université de Paris et de la Fédération des services de diabétologie de l’AP-HP.
Le dernier défi ambitieux que Ronan avait initié était la création d’une base de données structurée et accessible à toute la communauté de chercheurs et diabétologues, afin de permettre l’émergence de nouvelles voies thérapeutiques, et d’améliorer le soin et la prise en charge des patients diabétiques. Ce travail sera poursuivi au sein de son équipe Inserm, en collaboration avec les services de diabétologie et endocrinologie des hôpitaux parisiens.
Ainsi, avant tout, Ronan était un bâtisseur, soucieux de créer les réseaux, les bases de données, les liens entre médecins, entre chercheurs, et entre ces communautés et les industriels, pour faire avancer le soin aux patients diabétiques. C’était un leader, mais dans le sens le plus noble de ce qualificatif, prêt à donner du temps et à faire fructifier ses amitiés pour faire avancer les projets des autres.
Nous avons perdu ce week-end un ami, un maître, un leader, mais nos pensées vont avant tout à sa famille, Hélène, Solal, Lou-Anne et Simon, qui ont perdu un mari, un père. Nous nous associons à leur douleur. Avec eux, la famille diabétologique française et francophone est aujourd’hui en deuil.
Cette contribution n’a pas été rédigée par un membre de la rédaction du « Quotidien » mais par deux intervenants extérieurs. Nous publions régulièrement des textes signés par des médecins, chercheurs, intellectuels ou autres, afin d’alimenter le débat d’idées. Si vous souhaitez vous aussi envoyer une contribution ou un courrier à la rédaction, vous pouvez l’adresser à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr.
(1) Chef du service de diabétologie de l’hôpital Cochin/ Port Royal (AP-HP) et Université de Paris, Inserm U1016
(2) Chef du service de diabétologie et endocrinologie de l’hôpital Lariboisière (AP-HP) et Université de Paris