Début mars, Paulette Guinchard, ancienne secrétaire d’État chargée des personnes âgées, décidait de mettre un terme à sa vie à l’âge de 71 ans. Atteinte d’une maladie neurodégénérative incurable, elle a fait le choix de mettre fin à sa souffrance en ayant recours au suicide assisté en Suisse. Le 8 avril, une proposition de loi ouvrant le droit à une « fin de vie libre et choisie » était examinée à l’Assemblée nationale pour répondre à tous ces « appels de détresse poussés par un grand nombre de citoyens qui réclament le droit de mourir », relançant une nouvelle fois le débat.
En pleine crise sanitaire, le débat sur la fin de vie est revenu s’imposer à notre société. Début avril, l’examen d’une proposition de loi du député Olivier Falorni (Libertés et Territoires), issue de la fusion de plusieurs textes, dans le cadre d’une niche parlementaire, a suscité des débats animés. L’article 1er du texte, instaurant une « aide active à mourir » pour les malades en phase terminale, a été voté par la majorité des députés (83 %).
Le texte accorde, dans cet accompagnement vers la fin de vie, une place importante au médecin traitant. Il instaure la possibilité pour lui d’apporter l’assistance médicalisée active à mourir après que la demande du malade a été étudiée par un collège de médecins. Concrètement, le médecin pourrait administrer la dose létale. La proposition de loi prévoit également une clause de conscience pour tous les professionnels qui ne souhaiteraient pas concourir à cet acte.
« Le serment d’Hippocrate doit être adapté au 21e siècle »
Mais le sujet divise le corps médical et ce, au sein même du Palais Bourbon. Intervenue lors des débats pour exprimer son refus « de donner la mort en tant que médecin », la députée et médecin de formation Anne Genetet (LREM) confie : « Je me reconnais pleinement dans le serment d’Hippocrate dans lequel on nous demande de ne pas donner la mort. En tant que médecin, mon rôle est de me battre et de proposer à mes patients des outils pour qu’ils vivent dans les meilleures conditions possibles. »
Pour le Pr Jean-Louis Touraine, au contraire, aider quelqu’un à partir est un « acte d’amour ». Selon lui, le médecin « ne donne par la mort mais délivre d’une souffrance insoutenable ». Ce député insiste par ailleurs sur la « nécessité » de prendre du recul sur le serment d’Hippocrate : « Ce texte a été rédigé il a 2 500 ans et est issu d’une tradition orale. Il prévoyait que les médecins n’aient pas le droit de donner la mort, que les médecins ne puissent pas faire d’IVG ou soigner la lithiase de la vessie. Naturellement, il a depuis été adapté au 21e siècle. »
Appliquer la loi actuelle avant de légiférer sur une autre loi ?
À l’occasion de l’examen du texte, Olivier Véran a annoncé le lancement d’un cinquième plan national de développement des soins palliatifs. Est-ce la preuve que le gouvernement n’est guère enclin à légiférer dans le sens d’une légalisation de l’euthanasie comme l’a fait très dernièrement l’Espagne ?
Pour le Dr Olivier Mermet, médecin généraliste fraîchement nommé copilote du plan, « il serait en tout cas déraisonnable de légaliser l’euthanasie dans le cadre d’une niche parlementaire sans avoir concerté les médecins au préalable ». Il ajoute par ailleurs « qu’il n’est pas envisageable de se retrouver avec une loi votée par défaut parce qu’on n’a pas donné les moyens suffisants pour accompagner les malades correctement. » La priorité, selon lui, doit être donnée au développement de la couverture des soins palliatifs sur l’ensemble du territoire. Mais le défi est de taille pour le gouvernement. En effet, après quatre plans de développement de soins palliatifs, 26 départements français sont encore dépourvus d’unité dédiée.
Autre cheval de bataille pour les généralistes, l’ouverture de l’accès au midazolam dans les pharmacies d’officine. Cette molécule de la famille des benzodiazépines est un sédatif utilisé en soins palliatifs (notamment dans les cas de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMJD)) disponible uniquement dans les pharmacies hospitalières. Les généralistes disposent pour l’instant uniquement de rivotril® ou de valium®. L’année dernière, Agnès Buzyn, alors ministre de la Santé, avait fait la promesse d’ouvrir l’accès de cette molécule aux généralistes. Mais pour le Dr Jean-Paul Hamon, qui milite depuis longtemps pour rendre le midazolam accessible, « c’est beaucoup trop long. » Début avril, Olivier Veran s’y est réengagé en promettant d’ouvrir son utilisation aux généralistes dès « la fin de l’année ». Depuis un an, les stocks de midazolam sont sous-tension en services de réanimation, ce qui pourrait expliquer ce statu quo.