L’AVC est la première cause de handicap acquis de l’adulte, la deuxième cause de démence après la maladie d’Alzheimer (30 % des démences sont entièrement ou en partie dues à des AVC) et la troisième cause de mortalité en France.
En juin dernier, la HAS a actualisé ses recommandations de prévention après un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire (AIT). Elles ont pour objectif d'améliorer la prise en charge des facteurs de risque et la mise en place un traitement spécifique, en fonction de l’étiologie, en vue d’éviter les risques de récidives, d'infarctus du myocarde ou de décès d’origine vasculaire. La Société française neuro-vasculaire rappelle que l’AVC reste une maladie dont les principaux facteurs de risque sont évitables.
AVC : DE QUOI PARLE-T-ON ?
Les événements vasculaires cérébraux correspondent à plusieurs entités distinctes :
– Un infarctus cérébral correspond à un déficit neurologique focal d’installation brutale durant plus de 24 heures, pour lequel la neuro-imagerie (scanner ou IRM) exclut toute autre cause potentielle et notamment une hémorragie cérébrale.
– Un AIT est un déficit neurologique focal transitoire d’installation brutale, d’origine ischémique, c’est-à-dire pour lequel la neuro-imagerie exclut une autre cause aux troubles neurologiques.
– Un hématome cérébral se traduit par un déficit neurologique focal d’installation brutale, pour lequel la neuro-imagerie (scanner ou IRM) met en évidence une hémorragie récente congruente avec les signes cliniques.
– L’AVC est de mécanisme indéterminé si aucune imagerie cérébrale n’est réalisée.
Le fardeau des séquelles d’AVC
Les plus fréquentes sont :
- les troubles de l’équilibre (50 % des personnes),
- les troubles de mémoire (42 %),
- les paralysies et parésies (37 %),
- les hémiplégies (31 %),
- les troubles du langage (34 %) et de la vision (23 %).
45 % des personnes avec séquelles ont déclaré avoir des difficultés pour au moins une activité de la vie quotidienne (contre 3,6 % dans la population sans antécédent d’AVC) et 11 % vivent en institution.
AGIR SUR LES FACTEURS DE RISQUE APRÈS UN AVC ISCHÉMIQUE
Après un premier infarctus cérébral, le risque de récidive est important : 10 % la première année et 20 % à 30 % à cinq ans. Ce risque est plus élevé que celui d’un premier infarctus cérébral dans la même population, après appariement sur l’âge et le sexe. Il est maximal immédiatement après l’infarctus.
Plus de 90 % des récidives d’AVC sont des infarctus cérébraux. Les trois principales causes sont l’athérosclérose des artères cervicales, intracrâniennes ou de l’aorte ; les embolies d’origine cardiaque et les maladies des petites artères cérébrales, responsables d’infarctus lacunaires.
L’infarctus cérébral est associé non seulement à un risque de récidive mais également un risque d’infarctus du myocarde et de décès d’origine vasculaire. Après un infarctus cérébral, le risque annuel d’infarctus du myocarde a été estimé à 2,1 % et celui de décès d’origine vasculaire à 2,2 %.
► La prévention vasculaire après un infarctus cérébral ou un AIT comporte non seulement un traitement spécifique en fonction de l’étiologie de l’infarctus cérébral ou de l’AIT, mais également le contrôle des facteurs de risque vasculaires. Une partie des facteurs de risque est commune à toutes les maladies cardiovasculaires (HTA, diabète, dyslipidémie, tabac, sédentarité, mauvaises habitudes alimentaires) et est accessible à la prévention. Des études ont montré que le contrôle strict de l’HTA et du diabète de type 2 réduit le risque d’AVC mortels et non mortels de 44 %.
Contrôle de l’HTA
Un traitement hypotenseur est recommandé chez tout hypertendu après un infarctus cérébral ou un AIT, avec un objectif de pression artérielle en dessous de 140/90 mmHg. Il est recommandé de s’assurer du contrôle de la pression artérielle, notamment par l’auto-mesure ou la MAPA.
En cas de diabète ou d’insuffisance rénale associés, il est recommandé d’abaisser la pression artérielle en dessous de 130/80 mmHg.
La réduction de la pression artérielle de 10 mmHg pour la systolique et de 5 mmHg pour la diastolique est associée à une réduction du risque vasculaire quel que soit le niveau initial de pression artérielle. Par conséquent, le traitement des sujets normotendus (pression artérielle < 140/90 mmHg) peut être envisagé (grade B).
► Le traitement par diurétiques thiazidiques ou par leur association avec des inhibiteurs de l’enzyme de conversion est d’efficacité démontrée. Les autres classes médicamenteuses peuvent être choisies en fonction des comorbidités ou du niveau tensionnel visé.
► Une diminution des apports en sel en dessous de six grammes par jour est recommandée pour aider à réduire la pression artérielle chez l’hypertendu.
► Les mesures générales de la prise en charge du risque vasculaire s’appliquent (activité physique, mesures hygiéno-diététiques).
Les dyslipidémies
Un traitement par statine est recommandé pour les patients ayant un infarctus cérébral ou un AIT non cardio-embolique et ayant un LDL-cholestérol ≥ 2,6 mmol/l (1 g/l). La cible de LDL-cholestérol recommandée est < 2,6 mmol/l (1 g/l).
Chez les patients diabétiques ou ayant un antécédent coronarien, un traitement par statine est recommandé quel que soit le taux de LDL-cholestérol. La prescription d’une statine peut être envisagée chez les patients ayant un LDL-cholestérol < 2,6 mmol/l (1 g/l) et un infarctus cérébral ou un AIT associé à une maladie athéroscléreuse symptomatique.
► Il est recommandé d’utiliser une statine ayant démontré une réduction des événements vasculaires. Ces patients en prévention secondaire d’AVC d’origine ischémique sont considérés à haut risque CV.
Chez les patients au-delà de 80 ans, il est recommandé de débuter le traitement à dose faible et de contrôler le LDL-cholestérol pour arriver progressivement à la cible.
En l’absence de données spécifiques au-delà de 80 ans, compte tenu du risque croissant avec l’âge d’hémorragie cérébrale et d’une plus grande fréquence des effets indésirables, l’utilisation de posologies modérées de statines apparaît souhaitable chez les sujets âgés.
Le diabète
Pour les patients diabétiques de type 2 avec un antécédent d’AVC ischémique (infarctus ou AIT) récent de moins de six mois, un objectif d’HbA1c inférieur ou égal à 8 % est recommandé. Au-delà de six mois, un objectif d’HbA1c inférieur ou égal à 7 % est recommandé.
Les données concernant le contrôle glycémique ne permettent pas de conclure qu’un taux d’HbA1C < 6,5 % présente un bénéfice en prévention secondaire de l’AVC.
Les résultats des essais randomisés sont en faveur d’un traitement de l’HTA similaire chez les patients diabétiques ou non.
Le tabac
La consommation de tabac est un facteur de risque indépendant d’infarctus cérébral, dans les deux sexes, à tout âge et quelle que soit l’origine ethnique. Et le risque augmente avec la quantité consommée : le risque relatif (RR) est de 2,02 chez un fumeur de moins de 20 cigarettes/j. Il passe à 2,52 au-delà de 20 cig/j.
Des études d’observation ont montré que le risque d’infarctus cérébral redevient équivalent à celui d’un non-fumeur cinq ans après l’arrêt de la consommation de tabac. Il existe des arguments faisant du tabagisme passif un facteur de risque d’infarctus cérébral.
Concernant la cigarette électronique, en raison de l’insuffisance de données sur la preuve de leur efficacité et de leur innocuité, il n’est pas actuellement possible de recommander les cigarettes électroniques dans le sevrage tabagique ou la réduction du tabac.
Alcool
Les hommes consommant plus de trois verres de boisson alcoolisée par jour (3 unités d’alcool ou 30 g/j) et les femmes consommant plus de deux verres par jour (2 unités d’alcool ou 20 g/j) doivent réduire ou interrompre leur consommation. Après un infarctus cérébral, les patients alcoolodépendants doivent bénéficier des méthodes de sevrage appropriées et d’une prise en charge spécifique.
TRAITEMENT SPÉCIFIQUE EN CAS D’AFFECTION CARDIAQUE EMBOLIGÈNE
Fibrillation atriale non valvulaire
Un traitement anticoagulant oral est recommandé chez les patients ayant présenté un infarctus cérébral ou un AIT associé à une fibrillation atriale non valvulaire, paroxystique ou permanente. Lors de son instauration, un AVK ou un AOD peut être prescrit en première intention.
Le choix entre ces deux familles d’anticoagulants se fait au cas par cas en tenant compte notamment du risque hémorragique, de l’âge et du poids, de la fonction rénale, de la qualité prévisible de l’observance, de la capacité du patient à suivre le degré d’anticoagulation pour les AVK, de la préférence du patient après une information adaptée.
► Sous dabigatran, rivaroxaban ou apixaban, une estimation de la clairance de la créatinine par la formule de Cockcroft est recommandée préalablement, puis annuellement, et plus fréquemment en cas d’insuffisance rénale modérée entre 30 et 60 ml/min ou de situations susceptibles d’altérer temporairement la fonction rénale. Le manque de données chez les patients les plus âgés et polypathologiques incite à la prudence.
Il est recommandé de maintenir le traitement anticoagulant au long cours même en cas de retour en rythme sinusal.
Infarctus du myocarde
Un AVC ischémique compliquant un infarctus du myocarde justifie un traitement anticoagulant en cas de fibrillation auriculaire associée ou de thrombus intracardiaque (ne pas associer AVK et antiagrégant plaquettaire).
Mais compte tenu du peu d’études réalisées dans l’insuffisance cardiaque en rythme sinusal, il n’est pas possible d’établir une recommandation dans cette population.
Anomalies du septum inter-auriculaire
La présence d’un foramen ovale perméable (FOP) nécessite un traitement antithrombotique. Les antiplaquettaires sont indiqués en première intention. Un anticoagulant oral se justifie en cas de pathologie thromboembolique veineuse concomitante.
La fermeture chirurgicale du FOP peut être envisagée après concertation neuro-cardiologique.
Prothèses valvulaires mécaniques
Les AVK sont le seul traitement anticoagulant oral pouvant être prescrit. L’INR cible varie selon la thrombogénicité de la prothèse et les facteurs de risque liés au patient.
Valvulopathies
Les anticoagulants oraux (AVK) sont recommandés après un infarctus cérébral ou un AIT compliquant un rétrécissement mitral rhumatismal. Chez un sujet porteur d’un prolapsus de la valve mitrale isolé ou de calcifications valvulaires, un traitement par antiagrégant plaquettaire est recommandé.
EN CAS DE PATHOLOGIE ATHÉROMATEUSE
Traitement antithrombotique dans tous les cas.
Si l’origine de l’infarctus cérébral ou de l’AIT n’est pas cardio-embolique, l’utilisation d’un traitement antiagrégant plaquettaire est recommandée pour réduire le risque de récidive d’AVC. Soit l’aspirine à la dose de 75-325 mg/j ou le clopidogrel 75 mg/j.
L’association clopidogrel + aspirine en prévention secondaire à distance de la phase aiguë des infarctus cérébraux n’est pas recommandée.
L’anticoagulation orale par AVK n’a pas sa place et les AOD n’ayant pas été évalués dans cette indication ne sont pas recommandés.
Sténose athéroscléreuse symptomatique de la carotide interne
L’endartériectomie carotidienne (EC) est recommandée chez les patients avec un infarctus cérébral non invalidant ou un AIT de moins de six mois, avec une sténose athéroscléreuse symptomatique de la carotide interne comprise entre 70 et 99 % (critères NASCET).
Elle peut être indiquée chez les patients avec une sténose carotidienne comprise entre 50 et 69 % en prenant en considération certaines caractéristiques du patient et de l’accident ischémique cérébral (sexe masculin, âge > 75 ans et symptômes hémisphériques). Il n’y a pas d’indication chirurgicale pour les sténoses < 50 %.
Le bénéfice de l’endartériectomie est d’autant plus important que le geste est réalisé précocement (dans les 15 jours après l’accident). Le recours à un stent doit faire l’objet d’une consultation pluridisciplinaire.
Sténose athéroscléreuse de l’artère vertébrale extracrânienne
Un traitement endovasculaire ou chirurgical peut être considéré après concertation pluridisciplinaire, chez les patients présentant des récidives malgré un traitement médical maximal.
Sténose athéroscléreuse intracrânienne
La prévention de la récidive s’appuie sur le traitement antithrombotique par antiagrégants plaquettaires. Les anticoagulants ne sont pas indiqués.
Athérosclérose de la crosse de l’aorte
Après un infarctus cérébral ou un AIT associé à une athérosclérose ≥ 4 mm d’épaisseur de la crosse de l’aorte, le traitement recommandé repose sur les antiagrégants plaquettaires. En cas d’athérosclérose sévère avec élément mobile et/ou thrombus, un traitement anticoagulant par AVK de plusieurs semaines peut être envisagé.
Maladie des petites artères
La recommandation générale pour les infarctus cérébraux non cardio-emboliques s’applique aux infarctus liés à la maladie des petites artères.
Infarctus cérébral cryptogénique du sujet jeune
Il n’existe pas de données spécifiques récentes sur la prévention secondaire de l’infarctus cérébral cryptogénique.
EN CAS DE DISSECTION ARTÉRIELLE CERVICALE OU INTRACRÂNIENNE
Chez des patients ayant un infarctus cérébral ou un AIT secondaire à une dissection artérielle cervicale, la prescription d’un traitement antithrombotique est recommandée. Il pourra être arrêté après recanalisation de l’artère.
Bibliographie
1- HAS. Prévention vasculaire après un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire. Recommandation de bonne pratique. Actualisation juin 2018. https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-09/av…
13-08-18_537.pdf
2- HAS. Prévention vasculaire après un infarctus cérébral ou un accident ischémique transitoire. Recommandation de bonne pratique. Argumentaire scientifique. Actualisation juin 2018 https://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/2014-09/av…
Etude et Pratique
Prophylaxie post-TVP : AOD pleine dose ou demi-dose ?
Recommandations
La borréliose de Lyme
Mise au point
Palpitations : orientation diagnostique
En 5 points
Obésité : suivi d’un patient sous aGLP-1