Pédiatrie

Bégaiement de l'enfant : agir très tôt

Publié le 27/01/2012
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La mère de Cédric consulte car elle s'inquiète du bégaiement de son fils de 3 ans, ayant débuté il y a un mois. Il a parlé précocement à 20 mois et s'est mis à bégayer alors qu'il parlait très bien. Mis à part ce problème, Cédric va bien, il est né à terme, son développement staturo-pondéral est normal. Il est gai et très éveillé. Son grand-père est bègue léger.

Le bégaiement désigne un syndrome clinique associant des dysfluences anormales et persistantes de la parole et des troubles affectifs, comportementaux et cognitifs spécifiques (1). Un enfant qui bégaie se bagarre avec les mots, il lutte avec sa parole face aux autres. Il est tendu quand il veut s'adresser à quelqu'un, fait des efforts pour essayer de parler, mais les mots restent coincés dans sa gorge. Certains enfants, lorsqu’ils se mettent à parler, répètent les mots sans lutter : ceci est normal et ne constitue pas un bégaiement. Pour l'Association Parole-Bégaiement, « le bégaiement est un trouble de la communication affectant la parole, mettant plus ou moins gravement le sujet qui en souffre en situation de handicap » (1). La majorité des enfants commencent à bégayer entre vingt mois et quatre ans, et 85 % avant 3,5 ans (2).

› Le bégayage (répétitions, blocages et prolongations affectant la fluence) ne se produit que dans la relation verbale à autrui, l'enfant ne bégaie pas quand il parle à ses jouets ou quand il se raconte des histoires. Ainsi, le bégaiement est avant tout un problème de relation à autrui qui se manifeste à travers le langage. Il faut être deux pour bégayer.

› Le bégaiement est un appel au secours de l'enfant. Il est faux de croire qu'il suffit d'attendre pour que le trouble passe. Cependant, sur quatre enfants qui commencent à bégayer, trois ne seront plus bègues à l'adolescence ; le quatrième restera handicapé sans que l'on sache prédire quel sera cet enfant parmi les quatre (1).

Pourquoi consulter précocement ?

Un des messages principaux est l'absolue nécessité d'une intervention la plus précoce possible, dès l'âge de 2 ans (1). Cette maman a eu raison de venir consulter rapidement, car elle donne ainsi à son fils toutes les chances de voir disparaître son bégaiement. En effet, "quand l'enfant bégaie, il apprend à son cerveau à bégayer et plus il bégaie plus il accentue son risque de rester bègue". Il est indispensable d'enrayer la construction d'une identité bègue où le bégaiement chronique, devenu un écran entre soi et les autres, est un handicap social qui gâche la vie.

Le bégaiement connaît des moments de rémission, qui trompent les parents et ne consultent pas, pensant que le trouble va s’amender. Mais la réapparition du bégaiement s’accompagne d’une accentuation des troubles.

Dès l'âge de trois ans (1), les autres enfants savent parfaitement repérer un enfant qui bégaie. Plus tard, ils se moquent de lui, l'imitent, refusent de jouer avec lui.

Pourquoi un enfant bégaie t-il ?

La génétique joue un rôle puisque le risque de bégayer est multiplié par 3 lorsqu'un des parents est bègue, mais elle n'est qu'un facteur prédisposant.

Un facteur explicatif causal d'ordre émotionnel est fréquemment avancé par les parents, mais là encore, il n'explique pas le bégaiement. L'événement a certes précipité le bégaiement, mais il n'en est pas la cause.

On estime en fait que plusieurs facteurs sont certainement impliqués.

Comment aider l'enfant ?

› Une consultation auprès d'un orthophoniste spécialement formé à la prise en charge du bégaiement est indispensable. Avant l'âge de 4,5 ans, les séances ne se font qu'avec les parents, il n'existe pas de rééducation du langage avant cet âge (sauf en cas de trouble associé).

› Il faut expliquer aux parents que ce qui importe est d'écouter ce que dit l'enfant et non comment il parle. Il importe de ne pas les culpabiliser, de ne pas leur donner de « recettes » et de leur faire reprendre conscience de la souffrance de l'enfant. Les conseils que tous les parents donnent à l'enfant pour diminuer son bégaiement (« souffle », « détends-toi », « répète », « pense à ce que tu vas dire »…) sont nocifs !

› La prise en charge consiste à discuter longuement avec les parents afin de comprendre les surcharges qui pèsent sur l'enfant, le mettent sous pression et le font bégayer. Ces surcharges sont de quatre ordres.

- Surcharge motrice où l'on demande à l'enfant des efforts physiques trop importants pour son âge (promenade épuisante, courses trop longues) : la fatigue est un des éléments promoteurs des bégayages avec le stress et l’excitation.

- Surcharges linguistiques : langage trop rapide ou trop élaboré par rapport au langage de l'enfant qui ne peut pas se représenter de quoi on lui parle. La communication n'a alors pas de sens pour l'enfant, et devient impossible.

- Surcharges cognitives où l'on demande à l'enfant des apprentissages que son développement cérébral ne peut supporter (par exemple une grande sœur au cours préparatoire qui joue à la maîtresse en essayant d'apprendre à lire à l'enfant).

- Surcharges affectives où l'on ne tient pas assez compte de la fragilité du petit, rigidité excessive des parents. « Le lâcher prise est nécessaire. »

Avant 4,5 ans, en levant les surcharges par des changements apportés au niveau de l'environnement familial, le symptôme bégaiement disparaît plus de 9 fois sur 10.

Dr Emmanuel Cuzin, rédacteur, legeneraliste@fmc

Source : Le Généraliste: 2589