L’infection urinaire est particulièrement fréquente, environ 3 millions par an en France dont la grande majorité sont des cystites. Une femme sur deux est concernée et 30 % d’entre elles ont des cystites récidivantes. Ces infections entraînent une forte consommation d’antibiotiques avec leur risque d’augmentation des résistances bactériennes et leurs effets secondaires, mycosiques notamment. Initialement parée de toutes les vertus anti-infectieuses, la canneberge s’est vue très vite portée au pinacle car les études peinaient à prouver son efficacité.
En 2011, l’Anses restait très circonspecte sur la question (7). La récente 3e mise à jour de la revue Cochrane (2) sur la prévention des infections urinaires par la canneberge contredit ses précédentes conclusions positives. L’analyse indique que le jus de ce fruit, dans les conditions de la vie courante, ne peut plus être considéré comme un moyen fiable et donc recommandable pour prévenir la récidive de l'infection urinaire sous toutes ses formes cliniques. La méta-analyse précise cependant que les autres préparations, notamment sous forme de poudres doivent être analysées pour s’assurer d’une concentration suffisante en principe actif avant d’entreprendre d’autres études cliniques.
Alors faut-il ou non prescrire de la canneberge en prévention des infections urinaires récidivantes ?
TOUTES LES CANNEBERGES NE SONT PAS ÉQUIVALENTES
› Les extraits de canneberge agissent par l'intermédiaire des proanthocyanidines de type A ou PAC A qui ne sont que des tanins condensés. Seuls les PAC A sont actifs en s'opposant à l'adhésion de l’E.Coli à l'uro-épithélium. Or cette adhésion est la première et nécessaire phase de l'infection urinaire. Ces PAC A sont très spécifiques de Vaccinium Macrocarpon, nom latin de la canneberge nord américaine. Les autres canneberges, notamment européennes, n'en contiennent guère. Les autres fruits n'ont pas ces PAC A même s'ils contiennent d'autres PAC mais qui sont sans effet antiadhésif sur E. Coli. Seuls ces PAC A qui existent sous différentes formes – monomères et polymères – sont oxydables et thermolabiles. Les plus puissants en terme d'anti-adhésion sont les monomères, les dimères et les petites molécules (3).
› La richesse en molécules particulièrement actives varie en fonction de la préparation de canneberge dont le produit commercial est extrait : un jus concentré sera riche en PAC très actifs alors qu'un produit extrait des résidus obtenus après pression et extraction du jus ne contiendra que des produits peu voire guère actifs. « Nous ne savons pas doser les PAC dans les urines; alors dire qu'il y a 36 mg (dose journalière recommandée) dans une gélule n'a strictement aucun sens scientifique compte tenu de toutes ces remarques préliminaires. Il faut donc trouver un "surrogate", un substitut, pour pouvoir apprécier la réelle bio-activité », explique le Pr Botto. Seule la mesure de l'effet anti-adhesion d’E.coli issus d’urines obtenues après ingestion de canneberge permet de répondre à cette question . Il existe cinq méthodes de dosage des PAC A. La méthode BL-DMAC est la référence selon les autorités internationales et la DGCCRF. « Donc une bonne gélule de canneberge, c'est une gélule faite à partir du jus concentre de canneberge vaccinium macorcapon, contenant 36 mg de PAC A (mesuré par la méthode BL-DMAC) et donc la bio-activité a été contrôlée par mesure de l'effet anti-adhésion des colibacilles d'urines post-ingestion de la dite gélule, explique le Pr Botto. Aujourd'hui, à ma connaissance, seule la marque Urell satisfait à ces pré-requis. »
LA CANNEBERGE POUR QUI ?
› La canneberge est essentiellement indiquée en prophylaxie de l'infection urinaire récidivante. Dans la méta-analyse Cochrane, les résultats de quatre études randomisées ont constaté que les produits de canneberges entraînaient une baisse significative de l’incidence des IVU (RR, 0,66; IC à 95 %, 0,47- 0,92), par comparaison avec un placebo ou les résultats d’un groupe témoin. Elle est prescrite à raison d’une gélule de 36 mg par jour pour une durée de trois mois minimum qui peut être étendue. Néanmoins dans certaines situations il peut être intéressant de démarrer par une gélule matin et soir pendant 8 à10 jours, notamment en cas de signes prémonitoires de cystite ; l’effet est alors très souvent remarquable empêchant l'éclosion de la cystite. Chez les patients porteurs de vessies de remplacement faites à base d'iléum et avec un recul de 3 ans et demi, une étude montre un effet préventif de plus de 90%°°sur la récidive de l'infection urinaire (6). L’emploi de la canneberge est très répandu chez les patients ayant une vessie neurologique mais les études cliniques sont plus délicates à mener, le critère n’étant pas seulement bactériologique mais aussi clinique.
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