La clinique
Classiquement, le diagnostic de méningite repose sur la triade fièvre, raideur de la nuque et altération de la conscience. En réalité, même chez l’adulte, où la symptomatologie est la plus franche, la sensibilité de cette triade n’est que de 45 %. Les classiques signes de Kernig et de Brudzinsky, et la raideur de la nuque ont une mauvaise sensibilité.
- Chez l’enfant de plus de 2 ans et chez l’adulte, le diagnostic de méningite est hautement probable en cas d’association de fièvre, raideur de la nuque et soit céphalées, soit troubles de conscience ou en cas d’association de fièvre et de purpura. Toutefois, ce diagnostic doit être évoqué devant l’association de fièvre et de céphalées.
- Chez le nourrisson, les signes dominants sont ceux d’une infection grave : fièvre élevée, modification du teint, extrémités froides, douleurs des jambes, rash aspécifique, troubles de la réactivité, perte du sourire. Avant 3 mois, la raideur de la nuque est généralement absente et les indications d’évaluation en milieu hospitalier doivent être larges devant un syndrome infectieux mal toléré, un comportement anormal, une tachycardie, une cyanose, une fontanelle bombée, une hypotonie, une convulsion, situations imposant la pratique d’une ponction lombaire (PL).
La ponction lombaire
Elle est indispensable au diagnostic
- Le liquide cérébrospinal (LCS) est habituellement trouble ou purulent.
- Examen chimique : la protéinorachie est habituellement › à 1 g/l. Un rapport glycorachie/glycémie < 0,4 est en faveur d’une MB. En cas de discussion entre MB ou virale, un taux de lactate inférieur à 3,2 mmol/l dans le LCS rend très improbable le diagnostic de MB.
- Examen cytologique : le taux de globules blancs (N < 5 éléments/mm3) est habituellement supérieur à 500 éléments/mm3 et la formule cytologique à forte prédominance de polynucléaires. Toutefois, une méningite virale peut à la phase initiale présenter une telle formule.
- Examens microbiologiques : ils sont essentiels. Un examen direct positif du LCS permet en moins de 30 mn d’affirmer le diagnostic de MB et pratiquement d’identifier le germe selon qu’il a la forme d’un bacille ou d’un cocci et qu’il prend ou non le colorant de Gram. La culture qui demande 24 à 48 heures est indispensable pour identifier le germe et étudier sa sensibilité aux antibiotiques (demande 24 heures supplémentaires) et de déterminer la concentration minimale inhibitrice (CMI) du germe vis-à-vis des antibiotiques utiles.
Le test Binax Now peut permettre d’identifier un pneumocoque lorsque l’examen direct est négatif.
Une PCR réalisée sur le LCS peut permettre le diagnostic d’une infection à méningocoque en cas de culture stérile, notamment lorsqu’une antibiothérapie a été initiée avant la PL.
Une PCR entérovirus est recommandée en cas de bactériologie négative et permet d’arrêter rapidement un traitement antibiotique initié dans le doute.
Autres examens utiles
- Microbiologiques : l’hémoculture est nécessaire car elle peut permettre le diagnostic bactériologique lorsque le LCS ne pousse pas. En cas de suspicion de méningocoque (purpura) il est recommandé de prélever du sang pour PCR. La biopsie d’un élément purpurique peut permettre le diagnostic d’une infection à méningocoque, notamment en cas de purpura fulminans où l’hémoculture est souvent négative, la PL contre-indiquée et où une antibiothérapie a été instituée avant l’admission.
- Autres examens de laboratoire : l’hémogramme révèle habituellement une leucocytose à polynucléaires. La protéine C réactive (CRP) est habituellement fortement augmentée mais peut être prise en défaut pour distinguer MB et méningite virale. La procalcitonine sérique (ProCT) est plus discriminante : un taux inférieur à 0,5 ng/ml rend très improbable le diagnostic de MB.
L’ionogramme recherche une hyponatrémie fréquente qui peut avoir des effets néfastes. Le bilan d’hémostase est nécessaire dans les formes graves, à la recherche d’un syndrome de CIVD.
Le diagnostic différentiel
L’interprétation des résultats de la PL peut parfois prêter à discussion.
- Les suppurations intra-crâniennes (abcès du cerveau, empyèmes extra- ou sous-duraux) peuvent entraîner un syndrome méningé et des anomalies du LCS. Les signes neurologiques associés amènent à recourir à l’imagerie (scanner/IRM) qui permettra le diagnostic.
- Les méningo-encéphalites associent un syndrome méningé à des troubles de conscience et des anomalies neurologiques diverses. L’imagerie est nécessaire au diagnostic et peut orienter vers un diagnostic de méningoencéphalite herpétique. Chez l’adulte, la méningoencéphalite à Listeria monocytogenes et la méningoencéphalite tuberculeuse peuvent poser des problèmes diagnostiques difficiles. Parfois, le problème ne peut être tranché à l’admission et, dans le doute, un traitement à double visée antibactérienne et virale sera institué.
- L’élimination d’une méningite virale est souvent simple : le tableau clinique est généralement peu sévère, le LCS clair avec une formule lymphocytaire, une glycorachie normale un examen direct négatif. Toutefois, le diagnostic peut être plus difficile pour un médecin peu expérimenté ou en cas d’antibiothérapie préalable. Le dosage du lactate dans le LCS ou de la PCT sanguine peut aider. L’attitude consistant à mettre en route une antibiothérapie systématique conduit à nombre de traitements inutiles qui pourront être écourtés par la détection d’un entérovirus dans le LCS par PCR.
Évolution et complications
- L’évolution habituelle sous traitement antibiotique est habituellement favorable : normalisation de la fièvre chute vers le troisième ou quatrième jour, stérilisation du LCS au bout de 48 h et normalisation en 8 à 10 jours. Les critères essentiels de guérison sont l’amélioration de l’état général et la disparition du syndrome méningé et la normalisation de la CRP. Le contrôle du LCS entre 48 à 72 h est actuellement considéré comme inutile lorsque l’évolution est favorable et le germe sensible. La pratique d’une imagerie cérébrale est inutile en cas d’évolution simple.
Chez l’enfant, la létalité est d’environ 10 % pour les méningites à pneumocoques. Les méningites à streptocoque du groupe B et à E. coli ont des taux de létalité plus élevés (10 et 13 %). La létalité des méningites à méningocoque est plus faible (6,5 %) essentiellement liée au purpura fulminans, et plus élevée pour le sérogroupe C que pour le sérogroupe B.
Chez l’adulte, la létalité est plus élevée, de l’ordre de 20 % et particulièrement chez les personnes âgées et en cas de méningite à pneumocoque.
- Les complications. L’antibiothérapie n’a pas résolu tous les problèmes car la pénétration d’un germe dans le LCS entraîne une réaction inflammatoire qui affecte principalement les vaisseaux cérébraux avec pour conséquence un œdème cérébral et une altération des parois vasculaires, de microthromboses, provoquant des lésions ischémiques cérébrales.
La phase initiale peut être compliquée d’un choc septique qui, associé à une hypertension intracrânienne, compromet gravement la circulation cérébrale.
Les complications neurologiques sont la conséquence de l’œdème cérébral et des lésions ischémiques. Elles se traduisent par des troubles de la conscience, des convulsions ou un état de mal, des troubles neurovégétatifs, des paralysies. Il peut en résulter un engagement, annoncé par une paralysie unilatérale du III (mydriase).
Si l’hyponatrémie est fréquente, le syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique (avec oligurie, hémodilution) est rare.
Un épanchement sous-dural est fréquemment observé secondairement mais seuls doivent être pris en compte les épanchements symptomatiques entraînant une compression cérébrale avec effet de masse.
Les abcès du cerveau compliquent exceptionnellement les méningites liées aux germes habituels.
Les récidives (le plus souvent à pneumocoques) doivent faire rechercher une brèche ostéoméningée ou un déficit en fractions terminales du complément.
- Les séquelles. Les méningites à pneumocoques présentent le risque le plus élevé de séquelles. À la sortie de l’hôpital, au moins 30 % des enfants présentent des séquelles mais lorsque sont pris en compte les troubles cognitifs qui se révèlent après le début de la scolarisation, ce taux atteint 50 % [6]. Les séquelles auditives sont les plus fréquentes et concernent surtout les méningites à pneumocoques. Plus ou moins profondes, uni ou bilatérales, elles peuvent nécessiter la mise en place d’implants cochléaires. Les amputations des extrémités représentent les séquelles essentielles du purpura fulminans à méningocoque. Les autres séquelles sont l’épilepsie, l’hydrocéphalie, les paralysies, la cécité et au maximum un polyhandicap.
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