En 2002, 20 % des grippes cliniques ont été traitées par antibiotiques (contre 50 % en 1995 !), ce qui faisait dire au CREDES [23] qu’il « existe une variabilité résiduelle de prise en charge entre les médecins».
Pour mieux comprendre ces déterminants « non scientifiques » - expérientiels, relationnels et contextuels -de la prescription d’antibiotiques dans des situations cliniques qui n’en nécessitent pas, une étude [4, 7] a été menée par 30 médecins généralistes enseignants franciliens.
→ Les « situations à risque de prescriptions inappropriées d’antibiotique » sont les suivantes :
– le patient souhaite avoir des antibiotiques ;
– le patient fait référence à des expériences passées, en particulier des expériences considérées à tort ou à raison comme des échecs médicaux ;
– le traitement antibiotique a déjà été commencé ;
– le patient renvoie à des épreuves personnelles ou familiales douloureuses en cours ;
– la prescription d’antibiotiques n’est pas le principal problème de la consultation ;
– plusieurs médecins sont implicitement ou explicitement mis en concurrence ;
– il s’agit du deuxième ou du troisième contact pour le même épisode ;
– le patient paraît fatigué ;
– le malade est perçu comme « à risque » particulier : antécédents ORL, maladies graves anciennes, difficultés personnelles, troubles psychiques et/ou de la personnalité doute du médecin quant à l’origine virale de l’infection ;
– la conviction du médecin est forte et opposée aux recommandations.
→ On note aussi des causes « psychosociales » : patient agressif ou anxieux ; accompagné d’un tiers ; ne parvenant pas à comprendre les explications par manque de connaissances ; patient de passage. Enfin, d’autres causes sont liées au contexte d’exercice : fatigue du médecin, surcharge de travail, retard, problèmes multiples au sein d’une même consultation, premier contact, remplacement du médecin habituel, expériences passées communes négatives, etc. En moyenne, chaque cas s’accompagnait de 2,48 de ces « situations critiques ».
→ Les auteurs ont relevé des stratégies efficaces pour ne pas prescrire inutilement : repérer précocement que la non-prescription va poser problème, s’appuyer sur les craintes du patient, écouter attentivement, expliquer (virus vs bactéries, mode d’action des antibiotiques et leurs effets secondaires…), réaliser un examen clinique précis et commenté (voire théâtral) dès le début de la consultation (utilisation du TDR notamment), proposer une étiologie « de rechange » non infectieuse (tabagisme…), une alternative thérapeutique et un suivi .
Les médecins ont prescrit d’autant moins d’antibiotiques qu’ils mettaient en place un plus grand nombre de stratégies de non-prescription. Logiquement, la participation à la FMC [15] diminuait les prescriptions non conformes (p < 0,05).
→ Les habitudes culturelles françaises sont ancrées [8, 9] avec notamment le « pèlerinage » du patient du cabinet médical à la pharmacie, l’ordonnance comme matérialisation (et finalisation) de la consultation (une ordonnance française comporte en moyenne 4,5 médicaments contre 0,8 dans les pays nordiques ; 80 % des consultations se terminent par une ordonnance [24]) et réponse obligée au paiement à l’acte.
Certains médecins expriment aussi le risque de [perdre la confiance du patient en donnant des médicaments perçus comme moins forts], dans une logique de clientélisme. À noter que les médecins généralistes surestiment l’attente de prescription des patients : dans une étude [15], 56 % des généralistes déclaraient avoir perçu une demande d’antibiotiques de la part des patients alors que 41 % de ces derniers s’attendaient à une telle prescription.
→ Il faut rapidement et engager un processus de rupture avec les mauvaises habitudes. Notre expertise médicale se doit d’être réflexive et de valoriser avec pédagogie le diagnostic de bénignité. Cela est chronophage, bien sûr.
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