Éric, 47 ans, consulte pour des brûlures au niveau des pieds. Ces troubles sont apparus 2 semaines plus tôt.
En fait, notre patient a été expulsé de son logement et il n’a pas cessé d’errer pour rechercher un abri où passer ses nuits. Il dit transpirer énormément depuis qu’il est jeune, un facteur qui serait à l’origine de nombreux problèmes locaux (ampoules, plaies… ).
L’odeur est effectivement très forte lorsqu’Éric quitte ses chaussures et nous remarquons la présence d’un enduit blanchâtre au niveau de la plante des pieds.
En y regardant de plus près, ce placard blanc et malodorant est ponctuée de petites ulcérations cutanées (voir photo) sur l’avant-pied.
UNE INFECTION À CORYNEBACTÉRIES
La kératolyse ponctuée est une entité décrite pour la première fois en 1925. À cette époque, elle portait le nom de « lividité symétrique des plantes ». Cette pathologie, touche près de 19 % des adultes jeunes. Il s’agit en fait d’une surinfection superficielle de la plante des pieds par des Corynebactéries.
› Les Corynebactéries sont des bacilles gram négatifs saprophytes que l’on rencontre au niveau des plis. Cependant, leur développement peut s’accélérer dans certains cas (diabète, humidité, obésité notamment).
Trois aspects cliniques sont décrits en fonction de la localisation de cette prolifération :
– l’érythrasma (intertrigo retrouvé dans les plis) ;
– la kératolyse ponctuée (au niveau des pieds) ;
– la trichobactériose (engainement blanc des poils axillaires).
L’hyperhidrose est un des éléments le plus souvent incriminé.
› Plusieurs modifications cutanées peuvent être observées au décours de l’hyperhidrose :
– La macération. La peau au niveau de la plante des pieds devient molle et sa couleur devient blanche. On peut remarquer des sillons. Le patient se plaint de douleurs lors de la marche, et des ampoules surviennent fréquemment du fait d’une fragilité de l’épiderme.
– Les lividités symétriques. Ces zones prennent un aspect érythémateux ou bleuté. Elles sont la conséquence de troubles circulatoires générés par l’hyperhidrose.
- La bromhidrose est secondaire à la prolifération des bactéries ; lesquelles favorisent une dégradation de la sueur. La pullulation bactérienne entraîne une odeur forte des pieds, et aussi des chaussures et des chaussettes.
– La kératolyse ponctuée qui se développe le plus souvent à la suite des stades précédents décrits, et qui est secondaire à une prolifération bactérienne.
En parallèle à l’hyperhidrose, d’autres facteurs sont également responsables de cette pathologie : le port de chaussures de mauvaise qualité, l’occlusion répétée des pieds dans les chaussures, le défaut d’hygiène.
ÉLÉMENTS D’ORIENTATION
Le patient décrit plusieurs symptômes qui nous orientent vers cette pathologie : l’hyperhidrose dans 96 % des cas ; l’odeur forte et incommodante dans 88 % des cas ; la viscosité de l’enduit qui « colle » aux chaussettes dans 69 % des cas ; une gêne (comme des brûlures), ou un prurit dans 10 % des cas.
Le praticien doit cliniquement objectiver la présence de placards hyperkératosiques de couleur blanche, limités. Le plus souvent l’atteinte est symétrique.
Ces zones se caractérisent par des lésions en forme de petits cratères ou puits (d’où le nom de pit en anglais) d’un diamètre de 1 à 8 mm. Elles sont plus ou moins coalescentes, et peuvent être bordées d’une frange de couleur rouge-bleu.
En fait ces dépressions correspondent à une destruction limitée de la couche cornée par les Corynebactéries. Ces dernières prolifèrent souvent dans ces puits, et les protéases de ces bactéries favorisent la lyse de la kératine contenue dans la couche cornée.
Si nous effectuons une analyse histologique de ces formations, nous retrouvons de nombreuses bactéries.
La kératolyse prédomine au niveau des points de pression (avant-pied notamment). Elle peut diffuser vers la pulpe des orteils, mais aussi au niveau des espaces interdigitaux.
Les paumes des mains peuvent être également touchées. Dans ce cas, nous objectivons de petites zones hyperkératosiques, et des sillons de petite taille.
LE TRAITEMENT
› À titre préventif, les soins d’hygiène restent essentiels : bien sécher les pieds après la toilette ; éviter de garder les pieds en milieu confiné ; porter des chaussettes en coton et des chaussures ouvertes ; éviter les chaussures en plastique ou celles qui génèrent des frottements importants ; laver les chaussettes à 60° ; éviter de partager ses vêtements ; lutter contre l’hyperhidrose (sels d’aluminium, ou ionophorèse). Dans certaines situations, où l’hyperhidrose est très importante, il est possible de recourir à la toxine botulinique.
› Le traitement curatif de choix est basé sur l’application d’antibiotiques en topiques (l’érythromycine constitue le traitement de choix). Il est également possible d’administrer localement de la clindamycine, de l’acide fusidique ou de la mupirocine. Certains auteurs préconisent aussi en 2e intention un traitement à base d’imidazolés (le miconazole notamment). Ces traitements doivent être prescrits sur une durée d’un mois.
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