On définit la dépression comme un trouble psychologique marquant une rupture avec l'état et le fonctionnement antérieurs du patient et caractérisé par une baisse de l'humeur. La prise en charge de patients souffrant de dépression est une réalité clinique quotidienne en médecine générale. Sa prévalence, en France, est de 5 à 10 %, représentant 3 à 6 millions de sujets dépressifs (1). Cette prévalence élevée et une évolution parfois spontanément favorable peuvent alimenter, dans l’inconscient collectif, les idées que tout le monde fait « sa » dépression, qu’une prise en charge médicale est superflue ou qu’il faut s’en sortir par soi-même.
Or les données de l’OMS (2) montrent que la dépression est la 3e cause d’années de vie perdues ajustées sur l’incapacité. Cet indicateur mesure les années de vie en bonne santé perdues en raison d’un décès et/ou d’une maladie. En effet, en plus du pronostic vital parfois engagé, la dépression est source d’un handicap personnel, social et professionnel majeur. Il est possible de souffrir d’une dépression à tous les âges de la vie.
Cependant trois périodes sont plus à risque que les autres : l’adolescence et le passage à l’âge adulte (16- 22 ans), la période 45-55 ans et la personne âgée. Elle touche, pour les formes unipolaires, deux fois plus les femmes que les hommes. La dépression est un trouble le plus souvent récidivant (50 % des patients récidivent dans les 2 ans et 75 % récidivent à plus long terme) et parfois chronique (durée supérieure à 2 ans pour 20 % des patients).
- On considère schématiquement deux aspects dans une dépression (3) : psychologique et biologique.
La composante psychologique repose sur l’environnement passé et actuel de l’individu. L’enfance, la qualité des interactions sociales, les succès et les échecs passés peuvent modifier la capacité de s’adapter à certaines situations. L’environnement actuel s’il est stable ou instable, conflictuel ou non, stressant ou non peut protéger ou fragiliser l’individu face à un « coup dur ». La composante biologique correspond aux modifications du fonctionnement du cerveau (4). Trois neuromédiateurs sont particulièrement importants pour l’équilibre psychique : la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine dont les concentrations cérébrales sont trop basses lors d’une dépression. L’efficacité de la grande majorité des traitements antidépresseurs s’explique en partie par leur action sur l’augmentation des taux cérébraux d’un ou de plusieurs de ces neuromédiateurs.
Des données récentes de neuro-imagerie, de neurophysiologie et de biologie ont permis de décrire d’autres phénomènes que la diminution des neuromédiateurs notamment une altération de la plasticité cérébrale (5).
Nous reviendrons sur la prise en charge étape par étape d’un épisode d’un épisode dépressif caractérisé.
Cet article s’intéresse uniquement aux dépressions unipolaires de l’adulte.
- une humeur dépressive présente pratiquement toute la journée signalée par le sujet ou observée par les autres : il convient de rechercher une tristesse malgré soi, une douleur morale lancinante, un pessimisme de soi et du monde, une dévalorisation. On retrouve également un sentiment de lassitude, de désintérêt, d'émoussement voire d’indifférence affective et/ou une absence de plaisir (anhédonie) pour les activités habituelles. Des symptômes anxieux sont souvent observés (tension intérieure, attaques de paniques). Les pensées de mort récurrentes et les tentatives de suicide doivent systématiquement être recherchées. À l'extrême, le patient peut présenter des idées mélancoliques d’indignité, d’incurabilité et/ou de culpabilité et des idées délirantes de persécution ;
- un ralentissement psychomoteur : diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer. Tout dans l'attitude du sujet paraît lent et dénué de vivacité : ton monocorde, rareté des mouvements. On peut observer un visage peu expressif, voire un faciès figé douloureux (« oméga mélancolique »). Lorsque les symptômes sont dominés par l’anxiété, on peut retrouver une agitation motrice reflet de la tension anxieuse psychique.
- des signes somatiques : une fatigue ou perte d’énergie tous les jours à prédominance matinale, des troubles du sommeil (insomnie d'endormissement, insomnie de deuxième partie de nuit ou plus rarement hypersommnie), une perte ou une augmentation de l’appétit associé ou non à une modification significative du poids (5 % en un mois), des troubles de la sexualité (baisse de la libido, impuissance, frigidité) et des plaintes somatiques diverses (douleurs, céphalées, troubles digestifs…).
La classification américaine (6), dans sa dernière version (DSM- 5) précise qu’au moins cinq des symptômes doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d'intérêt ou de plaisir.
- Il existe plusieurs formes de dépressions en fonction de l’importance de certains symptômes ou de l’âge : dépression anxieuse (l’agitation remplace le ralentissement), dépression mélancolique (dépression sévère à haut risque suicidaire), dépressions masquées (plaintes somatiques au 1er plan), dépression atypique (l’hyperphagie remplace l’anorexie et une hypersomnie l’insomnie), dépression psychotique (forme délirante), dépression prénatale et post-natale, dépression saisonnière (liée à la diminution de la luminosité), dépression pseudodémentielle du sujet âgé (troubles cognitifs au 1er plan), dépression de l’enfant (troubles du comportement, chute des résultats scolaires) et de l’ado (troubles des conduites).
- Modérée : Les activités professionnelles, sociales simples, ou les relations avec les autres sont réalisées avec peine et au prix d’efforts.
- Sévère sans caractéristiques psychotiques : plusieurs symptômes supplémentaires par rapport au nombre nécessaire pour répondre au diagnostic sont présents.
Les symptômes perturbent nettement les activités professionnelles, les activités sociales courantes, ou les relations avec les autres.
- Sévère avec caractéristiques psychotiques : s’ajoutent aux symptômes typiques de l’épisode dépressif sévère des idées délirantes ou des hallucinations concordantes ou non avec le trouble de l’humeur.
- Le niveau de souffrance qui peut s’apprécier en fonction de l’intensité du désespoir, de la dévalorisation mais aussi avec l’importance du repli sur soi et de l’isolement relationnel.
- Le degré d’intentionnalité : recherche ou non d’aide, caractère plus ou moins envahissant des idées suicidaires, projet d’un passage d’un passage à l’acte (plan, scénario).
- L’attitude par rapport à des propositions de soins
- Les éléments d’impulsivité : tension psychique, instabilité comportementale, agitation motrice, état de panique, antécédents de passage à l’acte, de fugue ou d’actes violents.
- Un éventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte.
- La présence de moyens létaux à disposition : armes, médicaments…
- La qualité du soutien de l’entourage proche
Il existe deux grands aspects évolutifs des dépressions (9) : d’une part les dépressions que l’on appelle dépressions unipolaires (les plus fréquentes) ou les récidives sont uniquement dépressives (dépressions récurrentes) et d’autre part l’évolution dite bipolaire.
Le trouble bipolaire, nommé également maladie maniaco-dépressive, correspond à l’alternance de périodes dépressives (pôle dépressif) avec des périodes maniaques (pôle maniaque, voir encadré E2).
Cette distinction est primordiale avant de débuter un traitement antidépresseur car la prescription d’un traitement antidépresseur en monothérapie (sans couverture par un thymorégulateur) est proscrite dans le trouble bipolaire alors qu’il s’agit de la base du traitement des dépressions unipolaires modérées à sévères.
Outre les maladies somatiques associées à la dépression, il convient d’éliminer un trouble de l’humeur dû à une affection somatique, notamment les :
- Les affections endocriniennes : dysthyroïdie, diabète, maladie d’Addison ou de Cushing…
- Les affections neurologiques : maladie de Parkinson, démence…
- Les maladies auto-immunes comme le lupus
Certains traitements et toxiques : corticoïdes, bêta-bloquants, interféron, alcool, cannabis…
Un examen clinique et un bilan biologique standard comprenant la TSH sont incontournables.
- Pour les épisodes dépressifs caractérisés légers, une psychothérapie est proposée en 1re intention, en fonction de l’accessibilité de ce type de traitement et des préférences du patient (accord professionnel) ; sinon les antidépresseurs peuvent être proposés.
- Pour les épisodes dépressifs d’intensité modérée, les antidépresseurs sont proposés en 1re intention (accord professionnel) ; l’association antidépresseurs-psychothérapie peut être proposée en cas de difficultés psychosociales ayant un retentissement marqué sur la vie du patient (accord professionnel) ;
- Pour les épisodes dépressifs caractérisés d’intensité sévère, les antidépresseurs sont indispensables (grade A). L’association antidépresseurs-psychothérapie peut être proposée (grade C). Les antidépresseurs peuvent être associés aux antipsychotiques dans les formes avec caractéristiques psychotiques (accord professionnel).
Un avis spécialisé ou une hospitalisation sont envisagés en cas d’épisode dépressif caractérisé d’intensité sévère, de survenue ou de persistance d’idées suicidaires ou de l’existence de caractéristiques psychotiques associées.
Ces principes sont fondés sur la meilleure tolérance et sur le risque létal moins important lors d’un surdosage. Le choix de la molécule va dépendre des propriétés sédatives ou stimulantes, des antécédents de réponse ou non à une molécule, des effets secondaires (prise de poids..) et des comorbidités psychiatriques (trouble anxiété généralisé, trouble panique, TOC, phobie sociale) pour lesquelles certains traitements ont une double indication. Les différentes phases du traitement médicamenteux sont présentées dans le Tableau T1 consultable sur legénéraliste.fr.
- En cas de réponse insuffisante, il est recommandé [7] de s’assurer de la bonne observance des traitements et soit d’augmenter la posologie de l’antidépresseur (dans les limites de l’AMM), soit de changer de traitement antidépresseur (intra-classe ou le plus souvent interclasse parmi les traitements de 1re ligne (IRS, IRSNA ou autre)).
- Si la réponse reste insuffisante, un avis spécialisé est souhaitable pour proposer un traitement adjuvant (hormones thyroïdiennes, lithium ou antipsychotique), une association de deux antidépresseurs de classes différentes, l’introduction des antidépresseurs tricycliques ou un traitement physique de la dépression en cas d’aggravation de la symptomatologie.
La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est un moyen thérapeutique non invasif et bien toléré de stimulation du système nerveux central. Les mécanismes d’action de la SMT sont liés à la dépolarisation neuronale provoquée dans les régions cérébrales traversées par le champ magnétique. Le sujet, non anesthésié, est assis dans un fauteuil, une bobine est placée au contact du cuir chevelu au niveau de la région préfrontale. À partir de différents paramètres de stimulation, la SMT peut exciter ou inhiber l’activité du cerveau. La stimulation s’effectue de manière répétée sur plusieurs séances (10 à 15) (10).
À l’inverse, certains nutriments sont indispensables au cerveau pour bien fonctionner. On citera le tryptophane (acide aminé), les vitamines B et le magnésium qui sont nécessaires pour produire la sérotonine. De même, les graisses oméga 3 et 6 entrent dans la composition des cellules cérébrales et participent à la bonne communication entre les neurones.
En effet, plusieurs études ont montré qu’une activité physique régulière de 20 à 30 min (marche rapide, course, natation, vélo…) permettait, en plus de se distraire, de contribuer à obtenir une rémission des symptômes et limiter le risque de rechute [12].
Le diagnostic, l’évaluation de la sévérité et la mise en route rapide des stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses sont des enjeux majeurs de la prise en charge.*
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Or les données de l’OMS (2) montrent que la dépression est la 3e cause d’années de vie perdues ajustées sur l’incapacité. Cet indicateur mesure les années de vie en bonne santé perdues en raison d’un décès et/ou d’une maladie. En effet, en plus du pronostic vital parfois engagé, la dépression est source d’un handicap personnel, social et professionnel majeur. Il est possible de souffrir d’une dépression à tous les âges de la vie.
Cependant trois périodes sont plus à risque que les autres : l’adolescence et le passage à l’âge adulte (16- 22 ans), la période 45-55 ans et la personne âgée. Elle touche, pour les formes unipolaires, deux fois plus les femmes que les hommes. La dépression est un trouble le plus souvent récidivant (50 % des patients récidivent dans les 2 ans et 75 % récidivent à plus long terme) et parfois chronique (durée supérieure à 2 ans pour 20 % des patients).
- On considère schématiquement deux aspects dans une dépression (3) : psychologique et biologique.
La composante psychologique repose sur l’environnement passé et actuel de l’individu. L’enfance, la qualité des interactions sociales, les succès et les échecs passés peuvent modifier la capacité de s’adapter à certaines situations. L’environnement actuel s’il est stable ou instable, conflictuel ou non, stressant ou non peut protéger ou fragiliser l’individu face à un « coup dur ». La composante biologique correspond aux modifications du fonctionnement du cerveau (4). Trois neuromédiateurs sont particulièrement importants pour l’équilibre psychique : la sérotonine, la noradrénaline et la dopamine dont les concentrations cérébrales sont trop basses lors d’une dépression. L’efficacité de la grande majorité des traitements antidépresseurs s’explique en partie par leur action sur l’augmentation des taux cérébraux d’un ou de plusieurs de ces neuromédiateurs.
Des données récentes de neuro-imagerie, de neurophysiologie et de biologie ont permis de décrire d’autres phénomènes que la diminution des neuromédiateurs notamment une altération de la plasticité cérébrale (5).
Nous reviendrons sur la prise en charge étape par étape d’un épisode d’un épisode dépressif caractérisé.
Cet article s’intéresse uniquement aux dépressions unipolaires de l’adulte.
PREMIÈRE ÉTAPE : DIAGNOSTIQUER UN ÉPISODE DÉPRESSIF
La sémiologie d’un syndrome dépressif franc et complet est caractérisée par une triade symptomatique(3) :- une humeur dépressive présente pratiquement toute la journée signalée par le sujet ou observée par les autres : il convient de rechercher une tristesse malgré soi, une douleur morale lancinante, un pessimisme de soi et du monde, une dévalorisation. On retrouve également un sentiment de lassitude, de désintérêt, d'émoussement voire d’indifférence affective et/ou une absence de plaisir (anhédonie) pour les activités habituelles. Des symptômes anxieux sont souvent observés (tension intérieure, attaques de paniques). Les pensées de mort récurrentes et les tentatives de suicide doivent systématiquement être recherchées. À l'extrême, le patient peut présenter des idées mélancoliques d’indignité, d’incurabilité et/ou de culpabilité et des idées délirantes de persécution ;
- un ralentissement psychomoteur : diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer. Tout dans l'attitude du sujet paraît lent et dénué de vivacité : ton monocorde, rareté des mouvements. On peut observer un visage peu expressif, voire un faciès figé douloureux (« oméga mélancolique »). Lorsque les symptômes sont dominés par l’anxiété, on peut retrouver une agitation motrice reflet de la tension anxieuse psychique.
- des signes somatiques : une fatigue ou perte d’énergie tous les jours à prédominance matinale, des troubles du sommeil (insomnie d'endormissement, insomnie de deuxième partie de nuit ou plus rarement hypersommnie), une perte ou une augmentation de l’appétit associé ou non à une modification significative du poids (5 % en un mois), des troubles de la sexualité (baisse de la libido, impuissance, frigidité) et des plaintes somatiques diverses (douleurs, céphalées, troubles digestifs…).
La classification américaine (6), dans sa dernière version (DSM- 5) précise qu’au moins cinq des symptômes doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de deux semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit une humeur dépressive, soit une perte d'intérêt ou de plaisir.
- Il existe plusieurs formes de dépressions en fonction de l’importance de certains symptômes ou de l’âge : dépression anxieuse (l’agitation remplace le ralentissement), dépression mélancolique (dépression sévère à haut risque suicidaire), dépressions masquées (plaintes somatiques au 1er plan), dépression atypique (l’hyperphagie remplace l’anorexie et une hypersomnie l’insomnie), dépression psychotique (forme délirante), dépression prénatale et post-natale, dépression saisonnière (liée à la diminution de la luminosité), dépression pseudodémentielle du sujet âgé (troubles cognitifs au 1er plan), dépression de l’enfant (troubles du comportement, chute des résultats scolaires) et de l’ado (troubles des conduites).
DEUXIÈME ÉTAPE : ÉVALUER LA SÉVÉRITÉ ET LE RISQUE SUICIDAIRE
Une fois le diagnostic d’épisode dépressif caractérisé posé, il est important d’apprécier le niveau de sévérité [7] et l’importance du risque suicidaire.Sévérité
- Légère : Les activités professionnelles, sociales simples, ou les relations avec les autres sont entravées de façon mineure.- Modérée : Les activités professionnelles, sociales simples, ou les relations avec les autres sont réalisées avec peine et au prix d’efforts.
- Sévère sans caractéristiques psychotiques : plusieurs symptômes supplémentaires par rapport au nombre nécessaire pour répondre au diagnostic sont présents.
Les symptômes perturbent nettement les activités professionnelles, les activités sociales courantes, ou les relations avec les autres.
- Sévère avec caractéristiques psychotiques : s’ajoutent aux symptômes typiques de l’épisode dépressif sévère des idées délirantes ou des hallucinations concordantes ou non avec le trouble de l’humeur.
Le risque suicidaire.
L’HAS recommande dans sa conférence de consensus [8] d’explorer six champs :- Le niveau de souffrance qui peut s’apprécier en fonction de l’intensité du désespoir, de la dévalorisation mais aussi avec l’importance du repli sur soi et de l’isolement relationnel.
- Le degré d’intentionnalité : recherche ou non d’aide, caractère plus ou moins envahissant des idées suicidaires, projet d’un passage d’un passage à l’acte (plan, scénario).
- L’attitude par rapport à des propositions de soins
- Les éléments d’impulsivité : tension psychique, instabilité comportementale, agitation motrice, état de panique, antécédents de passage à l’acte, de fugue ou d’actes violents.
- Un éventuel élément précipitant : conflit, échec, rupture, perte.
- La présence de moyens létaux à disposition : armes, médicaments…
- La qualité du soutien de l’entourage proche
Trois questions permettent d’aborder directement les intentions suicidaires :
« Pensez-vous au suicide ? Est-ce que vous souffrez au point de vouloir vous tuer ? »
« Avez-vous pensé à la manière dont vous pourriez vous suicider »
« Avez-vous pensé quand le faire ? »
TROISIÈME ÉTAPE : DISTINGUER UN TROUBLE UNIPOLAIRE (DÉPRESSIF) ET UN TROUBLE BIPOLAIRE
Il existe deux grands aspects évolutifs des dépressions (9) : d’une part les dépressions que l’on appelle dépressions unipolaires (les plus fréquentes) ou les récidives sont uniquement dépressives (dépressions récurrentes) et d’autre part l’évolution dite bipolaire.
Le trouble bipolaire, nommé également maladie maniaco-dépressive, correspond à l’alternance de périodes dépressives (pôle dépressif) avec des périodes maniaques (pôle maniaque, voir encadré E2).
Cette distinction est primordiale avant de débuter un traitement antidépresseur car la prescription d’un traitement antidépresseur en monothérapie (sans couverture par un thymorégulateur) est proscrite dans le trouble bipolaire alors qu’il s’agit de la base du traitement des dépressions unipolaires modérées à sévères.
QUATRIÈME ÉTAPE : ÉLIMINER UNE AFFECTION MÉDICALE GÉNÉRALE
Outre les maladies somatiques associées à la dépression, il convient d’éliminer un trouble de l’humeur dû à une affection somatique, notamment les :
- Les affections endocriniennes : dysthyroïdie, diabète, maladie d’Addison ou de Cushing…
- Les affections neurologiques : maladie de Parkinson, démence…
- Les maladies auto-immunes comme le lupus
Certains traitements et toxiques : corticoïdes, bêta-bloquants, interféron, alcool, cannabis…
Un examen clinique et un bilan biologique standard comprenant la TSH sont incontournables.
CINQUIÈME ÉTAPE : INITIER LE TRAITEMENT
Dans l’épisode dépressif léger à modéré, les antidépresseurs et les psychothérapies sont efficaces (grade A pour les antidépresseurs, B pour les psychothérapies cognitivo-comportementales, C pour les autres psychothérapies, accord professionnel pour la psychanalyse) (8).- Pour les épisodes dépressifs caractérisés légers, une psychothérapie est proposée en 1re intention, en fonction de l’accessibilité de ce type de traitement et des préférences du patient (accord professionnel) ; sinon les antidépresseurs peuvent être proposés.
- Pour les épisodes dépressifs d’intensité modérée, les antidépresseurs sont proposés en 1re intention (accord professionnel) ; l’association antidépresseurs-psychothérapie peut être proposée en cas de difficultés psychosociales ayant un retentissement marqué sur la vie du patient (accord professionnel) ;
- Pour les épisodes dépressifs caractérisés d’intensité sévère, les antidépresseurs sont indispensables (grade A). L’association antidépresseurs-psychothérapie peut être proposée (grade C). Les antidépresseurs peuvent être associés aux antipsychotiques dans les formes avec caractéristiques psychotiques (accord professionnel).
Un avis spécialisé ou une hospitalisation sont envisagés en cas d’épisode dépressif caractérisé d’intensité sévère, de survenue ou de persistance d’idées suicidaires ou de l’existence de caractéristiques psychotiques associées.
Choix du traitement antidépresseur
Le délai d’action des antidépresseurs est compris entre 2 et 4 semaines quelle que soit la classe ou le mode d’administration mais l’amélioration de certains symptômes peut être plus précoce (après quelques jours de traitement pour l’anxiété et le sommeil, par exemple). Aucun antidépresseur n’a démontré une supériorité d’efficacité clinique par rapport à un autre (7). Il est recommandé en 1re intention de prescrire un inhibiteur de la recapture de la sérotonine (IRS), un inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSNa) ou, éventuellement, un antidépresseur appartenant à la classe des « autres antidépresseurs ».Ces principes sont fondés sur la meilleure tolérance et sur le risque létal moins important lors d’un surdosage. Le choix de la molécule va dépendre des propriétés sédatives ou stimulantes, des antécédents de réponse ou non à une molécule, des effets secondaires (prise de poids..) et des comorbidités psychiatriques (trouble anxiété généralisé, trouble panique, TOC, phobie sociale) pour lesquelles certains traitements ont une double indication. Les différentes phases du traitement médicamenteux sont présentées dans le Tableau T1 consultable sur legénéraliste.fr.
- En cas de réponse insuffisante, il est recommandé [7] de s’assurer de la bonne observance des traitements et soit d’augmenter la posologie de l’antidépresseur (dans les limites de l’AMM), soit de changer de traitement antidépresseur (intra-classe ou le plus souvent interclasse parmi les traitements de 1re ligne (IRS, IRSNA ou autre)).
- Si la réponse reste insuffisante, un avis spécialisé est souhaitable pour proposer un traitement adjuvant (hormones thyroïdiennes, lithium ou antipsychotique), une association de deux antidépresseurs de classes différentes, l’introduction des antidépresseurs tricycliques ou un traitement physique de la dépression en cas d’aggravation de la symptomatologie.
Les psychothérapies
Plusieurs types de psychothérapies peuvent être utiles dans la prise en charge de patients souffrant de dépressions légères à modérées (8) : les psychothérapies cognitivo-comportementales (grade B), les psychothérapies d’inspiration analytique ou analytique (psychanalyse (accord professionnel) et les autres psychothérapies (groupe, soutien, familiale...) (grade C).Traitements physiques: réservés aux équipes spécialisées
L’electroconvulsivothérapie (ECT) ou sismothérapie représente le plus efficace des traitements antidépresseurs avec 80 à 85 % de rémission. La sismothérapie est indiquée en cas de résistance ou contre-indication au traitement médicamenteux, ou d’emblée en cas de mélancolie délirante ou stuporeuse. Elle consiste à déclencher une crise d’épilepsie généralisée d’au moins 30 secondes par la diffusion d’un faible courant électrique au niveau cérébral. Elle est réalisée sous anesthésie générale au rythme de 2 à 3 séances par semaine et la guérison est attendue en 8 à 12 séances.La stimulation magnétique transcrânienne (SMT) est un moyen thérapeutique non invasif et bien toléré de stimulation du système nerveux central. Les mécanismes d’action de la SMT sont liés à la dépolarisation neuronale provoquée dans les régions cérébrales traversées par le champ magnétique. Le sujet, non anesthésié, est assis dans un fauteuil, une bobine est placée au contact du cuir chevelu au niveau de la région préfrontale. À partir de différents paramètres de stimulation, la SMT peut exciter ou inhiber l’activité du cerveau. La stimulation s’effectue de manière répétée sur plusieurs séances (10 à 15) (10).
RÈGLES HIGIÉNO-DIÉTÉTIQUES
Alimentation et depression
Un arrêt des toxiques et une alimentation équilibrée (11) sont importants pour lutter contre les baisses de moral et les risques de rechute. Plusieurs études ont montré qu’un régime trop riche en graisse polysaturées (présentes dans les fritures, les menus de la restauration rapide et les plats industriels) et en sucres rapides augmentait le risque de dépression.À l’inverse, certains nutriments sont indispensables au cerveau pour bien fonctionner. On citera le tryptophane (acide aminé), les vitamines B et le magnésium qui sont nécessaires pour produire la sérotonine. De même, les graisses oméga 3 et 6 entrent dans la composition des cellules cérébrales et participent à la bonne communication entre les neurones.
Activité physique
Une activité physique régulière, respectant les limites qu’impose la maladie peut être très bénéfique.En effet, plusieurs études ont montré qu’une activité physique régulière de 20 à 30 min (marche rapide, course, natation, vélo…) permettait, en plus de se distraire, de contribuer à obtenir une rémission des symptômes et limiter le risque de rechute [12].
EN RÉSUMÉ
La dépression est une pathologie fréquente, invalidante et volontiers récidivante.Le diagnostic, l’évaluation de la sévérité et la mise en route rapide des stratégies médicamenteuses et non médicamenteuses sont des enjeux majeurs de la prise en charge.*
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Etude et Pratique
Appendicite aiguë de l’enfant : chirurgie ou antibiotiques ?
Cas clinique
Le kyste hydatique pulmonaire
Mise au point
Le suivi des patients immunodéprimés en soins primaires
Etude et pratique
Mesure de la PA, la position du patient est importante