Monsieur S., 49 ans, travaille en Esat comme « cuisinier », est sous tutelle, suivi par « le secteur » en CMP, vit chez et avec sa mère quasi aveugle. Il souffre d’une maladie périodique autrefois suivie dans un service hospitalier. Son MG essaie depuis dix ans de tempérer sa demande quasi toxicomaniaque d’antalgiques en gérant l’ordonnance avec le centre antidouleur, tente de l’adresser en consultation spécialisée et de l’empêcher de multiplier les examens inutilement redemandés car perdus. Il doit aussi « composer » avec ses troubles d’identité sexuelle et ses demandes d’être reçu n’importe quand mais surtout pas à l’heure de ses rendez-vous ! Il fait partie des patients dits « difficiles » !
COMMENT ANALYSER CETTE OBSERVATION ?
Ce cas clinique montre assez bien l’existence d’un certain nombre d’obstacles à une prise en charge optimale des patients en souffrance psychique. Ces obstacles tiennent aux patients, aux médecins et au système. Ce type de patient a du mal à prendre rendez-vous puis ne s’en souvient pas. Il poursuit l’idée qui l’intéresse même si pour les médecins (le psy ou le MG) les « priorités » sont ailleurs. Il disparaît pendant des mois, perd les lettres qu’on lui écrit pour les spécialistes. Du coup, les médecins sont usés, parfois excédés, sur le qui-vive. Entre deux consultations, il faut faire vite : pas le temps d’appeler le psy ou le service requis. De plus les médicaments indispensables ont des effets secondaires qui participent non seulement aux troubles de mémoire, à l’obnubilation, à la torpeur mais aussi à l’obésité, aux troubles cardio-vasculaires etc. Enfin, les obstacles sont liés au système : difficile de faire admettre en médecine interne un malade trop psy ou en hôpital psychiatrique un patient trop somatique.
COMMENT PRÉVENIR LES PROBLÈMES SOMATIQUES ?
En connaissant les effets indésirables des médicaments d’une part, les effets de la maladie elle-même (par exemple, les patients psychotiques grossissent en dehors même des prescriptions de neuroleptiques) d’autre part, et les caractéristiques somatiques des patients, on peut imaginer de veiller à ne pas aggraver un état préexistant ou prévoir activité physique et ou diététique dès les premiers traitements avec un suivi biologique régulier par exemple.
QUELLE SURVEILLANCE POUR QUELS PATIENTS ?
Pour chaque patient, il serait utile de lister les risques encourus dus à la maladie, les risques liés aux traitements et les risques du malade lui-même qui peut être par ailleurs diabétique, coronarien, hypothyroïdien ou asthmatique. Dans l’observation ci-dessus, la pathologie psychiatrique n’est pas définie mais le patient a un recours pathologique à des antalgiques et souffre d’une maladie périodique dont il conviendrait d’abord d’effectuer le bilan à partir duquel un contrat pourrait être établi avec le patient en connaissance de cause. Dans cette situation, anxiogène pour tout le monde, le bénéfice risque du traitement est mal jaugé.
COMMENT AMÉLIORER LA PRISE EN CHARGE ?
C’est le moment ou jamais d’imaginer un projet de soins personnalisé. Convenir avec le patient des objectifs d’une surveillance à la fois souple mais « opératoire ». Peut-être accepter de s’occuper d’abord de ses dents parce que se nourrir mieux peut être le préalable d’une prévention ou d’une amélioration d’un surpoids et ou d’un diabète et ou d’une dyslipidémie. Donner la priorité à une préoccupation majeure du patient peut aider à l’observance et plus généralement à une relation médecin malade plus solide. De plus, l’image sociale ou l’image tout court du patient peut être améliorée par une prothèse dentaire qu’il est pourtant si difficile d’obtenir. Reste ensuite à négocier la régularité des prises de sang, des rendez-vous spécialisés après avoir soigneusement listé pour chaque patient leur rythme et leur contenu fonction de leurs pathologiques psychiatriques et somatiques et des traitements entrepris.
QU’ATTENDRE DE LA MULTIDISCIPLINARITÉ ?
Il semble que plus encore qu’avec les malades apparemment « non-psy » les patients souffrant de problèmes psychiques ont besoin de nous voir utiliser une arme très efficace : le téléphone (avec leur accord bien sûr). Montrer concrètement aux patients que leur cas nous intéresse, qu’on en parle d’eux devant eux à l’infirmière (psychiatrique ou pas), au psychiatre, à l’auxiliaire de vie, etc., leur permet de réentendre le projet thérapeutique et les freins à sa réalisation. La famille, l’entourage les voisins peuvent être des ressources essentielles. Les Groupes d’entraide mutuelle (GEM) devraient être mieux connus
En résumé, les obstacles à la prise en charge des malades « psy » sont nombreux, mais une fois listés comme relevant du patient, du médecin ou du système, il n’est pas impossible de les réduire et d’améliorer ainsi dans un projet de soin personnalisé le suivi de chaque patient , le médecin pouvant du même coup éviter le burn out !
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