INTRODUCTION
Le calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales (1), publié chaque année, établit la liste des vaccinations applicables à toutes les personnes résidant en France en fonction de leur âge (recommandations vaccinales « générales ») et émet des recommandations vaccinales « particulières » propres à des conditions spéciales (risques accrus de complications, d’exposition ou de transmission) ou à des expositions professionnelles.
Au niveau de l’État, cette politique vaccinale repose sur trois niveaux décisionnels :
• elle est élaborée et publiée par le ministre chargé de la santé (article L. 3111-1 du code de la santé publique) ;
• les recommandations sont rédigées après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) ;
• les délibérations du collège de la HAS en matière de vaccination sont préalablement préparées par les experts de différentes disciplines (dont deux médecins généralistes) de la Commission technique des vaccinations (CTV), rattachée à la HAS depuis 2017.
Le calendrier vaccinal 2023 comporte principalement deux nouvelles recommandations vaccinales, un bref rappel sur les vaccinations contre le Covid-19 et le mpox (variole du singe ou monkeypox), un point sur les nouveautés réglementaires en matière de vaccination et la présentation de deux nouveaux vaccins.
POUR LES ENFANTS
Les enfants sont au cœur des deux nouvelles recommandations vaccinales.
Le retour d’une recommandation vaccinale contre les rotavirus
Les rotavirus sont les principaux responsables des gastro-entérites aiguës virales hivernales des nourrissons et des jeunes enfants de moins de 5 ans, chez qui elles peuvent entraîner des complications. En France métropolitaine, la gastro-entérite aiguë due aux rotavirus est responsable chaque hiver d’environ 57 000 consultations en médecine générale, 28 000 passages aux urgences et 20 000 hospitalisations (2).
La vaccination des nourrissons contre les rotavirus avait déjà été mise au calendrier vaccinal en 2013, puis retirée en 2015 du fait d’un possible risque d’invagination intestinale aiguë (IIA) avec évolution défavorable, principalement par défaut de prise en charge (retard notamment). Les autres pays européens ayant mis en place cette stratégie vaccinale n’avaient pas modifié leurs recommandations, considérant que la survenue de ces effets indésirables était déjà connue et prise en compte.
Aujourd’hui, la vaccination contre les infections à rotavirus est pratiquée dans 127 pays dans le monde, donnant accès à des données d’efficacité et de tolérance rassurantes. L’analyse de ces données a conduit la HAS à recommander à nouveau cette vaccination (2).
La vaccination contre le rotavirus est désormais recommandée chez l’ensemble des nourrissons âgés de 6 semaines à 6 mois, selon un schéma vaccinal à deux doses (à 2 et 3 mois de vie) pour Rotarix et trois doses (à 2, 3 et 4 mois de vie) pour RotaTeq.
Chez le nourrisson prématuré, le vaccin peut être administré à la même posologie et selon le même calendrier, à condition que la durée de grossesse soit de 25 semaines ou plus (pour RotaTeq) ou de 27 semaines de grossesse ou plus (pour Rotarix).
Les vaccins contre le rotavirus sont des vaccins vivants, administrés par voie orale. Ils sont contre-indiqués chez les nourrissons immunodéprimés, chez ceux ayant des antécédents d’IIA et chez ceux ayant une malformation congénitale de l’appareil gastro-intestinal pouvant prédisposer à une IIA.
La nouvelle recommandation insiste sur plusieurs autres points :
• l’importance du strict respect de ce calendrier vaccinal afin d’obtenir un schéma vaccinal complet avant l’âge limite (6 mois pour Rotarix et 8 mois pour RotaTeq) ;
• la nécessité d’informer systématiquement les parents sur le risque d’IIA dans les 7 jours suivant la première dose de vaccination, sur les signes cliniques évocateurs d’IIA et sur l’importance de consulter sans délai pour un diagnostic et une prise en charge médicale précoces ;
• le respect de l’hygiène suite à la vaccination : le portage digestif de la souche vaccinale peut perdurer pendant quelques semaines avec une possibilité de transmission à des sujets à risque, en particulier via les changes.
Une recommandation de vaccination annuelle contre la grippe pour les enfants de 2 à 17 ans
Chaque année en France, en moyenne, la grippe saisonnière touche deux à six millions de personnes et est responsable d’environ 10 000 décès, principalement chez des personnes âgées (3). Ce constat fait souvent considérer la grippe comme une problématique concernant les seuls seniors. Pourtant, les données de surveillance montrent que 25 % à 50 % des consultations en médecine de ville générées par la grippe concernent des enfants de moins de 15 ans. Si la mortalité est relativement faible dans la population pédiatrique, le risque d’hospitalisation est d’autant plus élevé que l’enfant est jeune.
De nombreux pays (douze pays européens notamment) ont déjà fait le choix de proposer la vaccination contre la grippe saisonnière des enfants sans comorbidité, afin de protéger les enfants, de limiter leur contribution dans la transmission de la grippe (notamment auprès des plus fragiles) et de diminuer l’impact des nombreux cas de grippe sur le système de santé.
C’est dans ce contexte que la HAS a réévalué l’intérêt de cette vaccination, en s’appuyant sur les données d’efficacité, de tolérance et d’adhésion mesurées dans les autres pays.
La vaccination contre la grippe saisonnière peut donc désormais être proposée chaque année à tous les enfants âgés de 2 à 17 ans révolus.
Dans cette tranche d’âge, il est recommandé d’utiliser préférentiellement le vaccin administré par voie intranasale Fluenz Tetra compte tenu de la meilleure acceptabilité de ce vaccin ne nécessitant pas d’injection. La tranche d’âge concernée et la facilité d’administration ont amené certains pays comme le Royaume-Uni à proposer cette vaccination à l’école.
Le vaccin Fluenz Tetra étant un vaccin vivant, il ne doit pas être utilisé chez les enfants et adolescents immunodéprimés et ne doit être administré qu’avec précaution chez les enfants et adolescents en contact étroit avec des personnes immunodéprimées.
Bémol à cette recommandation : le vaccin nasal n’est pas encore commercialisé en France et pourrait ne pas être disponible à l’automne. En cas d’indisponibilité de ce vaccin, la recommandation propose d’utiliser les quatre autres vaccins antigrippaux (Fluarix Tetra, Vaxigrip Tetra, Influvac Tetra, Flucelvax) qui disposent d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) chez l’enfant mais nécessitent une injection.
Pour tous ces vaccins, chez les enfants de moins de 9 ans n’ayant pas été auparavant vaccinés contre la grippe saisonnière, une seconde dose devra être administrée après un intervalle d’au moins 4 semaines.
COVID-19 ET MPOX
Vaccination contre le Covid-19
Peu d’information dans ce chapitre qui vise surtout à rappeler aux professionnels de santé les sources d’information utiles en ligne pour suivre les évolutions des recommandations vaccinales. Les recommandations actuellement en cours ont été transmises par d’autres voies. Pour rappel, les vaccins utilisés font l’objet d’un circuit de distribution particulier.
La vaccination contre le mpox fait son entrée dans le calendrier vaccinal
De la même façon que pour le Covid-19, ce chapitre rappelle la campagne de vaccination gratuite en cours depuis juin 2022 en direction des sujets contacts ou à très haut risque d’exposition, et les sources d’information utiles aux vaccinateurs. Là encore, les vaccins utilisés font l’objet d’un circuit de distribution particulier et ne sont disponibles que dans certains centres. La liste des lieux de vaccination est disponible sur les sites web des agences régionales de santé et sur le site sante.fr.
FOCUS SUR DEUX RECOMMANDATIONS ANCIENNES MAIS D’ACTUALITÉ
Difficile de parler de nouvelles recommandations chez les plus jeunes sans évoquer deux autres recommandations déjà incluses dans le calendrier mais dont l’application reste insuffisante, au détriment des patients.
La vaccination contre les infections invasives à méningocoque (IIM)
La recommandation de juin 2022 de vaccination contre les IIM B des enfants de moins de 2 ans semble bien acceptée, avec près d’un enfant sur deux ayant reçu au moins une dose à 8 mois fin 2022 (4).
En revanche, les couvertures vaccinales contre le méningocoque C, bien qu’à la hausse, restent insuffisantes, allant de 92,7 % chez les enfants de 2 ans (vaccination obligatoire dans cette tranche d’âge, avec un objectif de 95 %) à seulement 43,8 % chez les 15 à 19 ans.
Dans le même temps, une recrudescence des IIM a été observée au cours de la saison 2022-2023 (5). L’apparition sur le territoire de cas de méningite à méningocoque W ou Y fait envisager une probable évolution de la recommandation vers les vaccins ACWY. En attendant, protégeons les plus petits contre les IIM B et les plus grands, jusqu’à 24 ans révolus, contre les IIM C.
La vaccination contre les IIM B chez les moins de 2 ans et celle contre les IIM C chez les moins de 25 ans sont prises en charge à 65 %, les 35 % restants étant couverts par les mutuelles ou la CMU.
La vaccination contre les infections à papillomavirus humains (HPV)
Là encore, on peut et on doit mieux faire, sans attendre que la campagne annoncée de vaccination gratuite en milieu scolaire soit mise en place dans les classes de 5e.
Depuis 2021, cette vaccination est recommandée pour les filles et les garçons âgés de 11 à 14 ans révolus, avec un rattrapage possible jusqu’à 19 ans.
Fin 2022, les couvertures restent très insuffisantes pour le schéma complet à 16 ans : 41,5 % chez les filles (objectif de couverture vaccinale de 60 % à l’horizon 2023 et de 80 % à l’horizon 2030) et 8,5 % chez les garçons (4).
LES NOUVEAUTÉS RÉGLEMENTAIRES ET LES NOUVEAUX VACCINS
L’extension des compétences des professionnels de santé non médecins en matière de vaccination
Dans son rapport 2022 sur les couvertures vaccinales (4), Santé publique France note un effet positif de l’entrée en vigueur de la loi sur l’extension de l’obligation vaccinale pour les enfants (2018) et des campagnes de vaccination contre le Covid-19 : poursuite de l’augmentation des couvertures vaccinales de tous les enfants, tant pour les vaccins obligatoires que recommandés, mais aussi augmentation de l’adhésion à la vaccination en population générale en France métropolitaine, adhésion qui atteint 84,6 % en 2022.
Pour autant, les couvertures vaccinales restent encore insuffisantes pour beaucoup de valences et, après la mise en place active des vaccinations antigrippale et Covid-19 à l’officine, la HAS s’est prononcée pour une extension des compétences des professionnels de santé non médecins en matière de vaccination (6), avis entériné dans la récente loi de financement de la Sécurité sociale pour 2023.
Cette extension concerne :
• les pharmaciens, les infirmiers, les laboratoires de biologie médicale, qui pourront prescrire et administrer certains vaccins ; dans un premier temps, un décret du 21 avril 2022 les autorise à administrer 15 vaccinations hors-Covid-19 (grippe saisonnière, diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche, papillomavirus humains, pneumocoque, hépatites A et B, méningocoques A, B, C, W, Y, rage) chez les personnes de 16 ans et plus. Les textes complémentaires régissant les conditions d’application de la nouvelle compétence de prescription (formation nécessaire, traçabilité, populations cibles et vaccins concernés) devraient être publiés sous peu. Mais ces professionnels peuvent déjà administrer la majorité des vaccins que vous prescrivez chez les 16 ans et plus (hors vaccins vivants), sans imposer au patient un nouveau passage chez le médecin ;
• les étudiants en 3e cycle de médecine et de pharmacie, qui pourront uniquement administrer ces mêmes vaccins ;
• les sages-femmes, qui peuvent, depuis un arrêté du 12 août 2022, prescrire et administrer à l’ensemble de la population 18 vaccinations : les 15 mêmes que les professionnels précédents, auxquelles s’ajoutent, pour les non-immunodéprimés, trois vaccins vivants (varicelle, zona, fièvre jaune). Quatre autres vaccinations sont également autorisées pour les mineurs (rougeole, oreillons, rubéole, haemophilus influenza).
Deux nouveaux vaccins commercialisés
MenQuadfi : vaccin anti-méningococcique tétravalent contre les sérogroupes ACWY. Il est indiqué chez l’enfant à partir de 1 an et remboursé à 65 % dans les populations éligibles définies dans le calendrier vaccinal.
Dengvaxia : vaccin vivant atténué tétravalent indiqué en prévention de la dengue due aux sérotypes 1, 2, 3 et 4, chez les sujets âgés de 6 à 45 ans ayant un antécédent d’infection par le virus de la dengue et vivant dans des zones d’endémie.
Améliorer la couverture vaccinale des patients : y penser, motiver, vacciner et, désormais, s’appuyer sur les autres professionnels vaccinateurs.
Le médecin traitant joue un rôle majeur dans la promotion de la vaccination et le maintien de la bonne couverture vaccinale de ses patients. Mais, après la mise en place de la vaccination antigrippale à l’officine et la campagne de vaccination Covid-19, les lignes ont bougé et il est important d’en tenir compte dans notre pratique. Reste que, en tant que médecin traitant, il est important de pouvoir suivre la couverture vaccinale de chacun de ses patients. Pour cela, la traçabilité de chaque vaccination doit être correctement assurée et accessible pour le patient, le vaccinateur et le médecin traitant s’il n’est pas le vaccinateur. Pour être réellement opérationnelle, cette étape doit nécessairement pouvoir s’appuyer sur un carnet de vaccination électronique efficient, partagé et stocké dans l’espace numérique en santé du patient (Mon espace santé). Les outils existent, à condition que le patient en donne l’accès aux professionnels de santé concernés et que chacun des acteurs participe au remplissage de ce dossier.
RECOMMANDATIONS CONTRE LE COVID-19
Si le calendrier des vaccinations est peu loquace sur ce sujet, le DGS-Urgent du 25 avril dernier, qui fixe les règles des campagnes vaccinales Covid-19 pour 2023, permet d’y voir plus clair :
• une campagne de rappel actuellement en cours (du 27 avril 2023 au 16 juin 2023), destinée à protéger les plus fragiles et notamment les personnes de plus de 80 ans et les personnes fragiles ;
• une campagne de rappel à l’automne, articulée avec la campagne de vaccination antigrippale. Cette « double » campagne, déjà annoncée par la HAS fin février, concernera les personnes à risque de forme grave de la maladie (personnes atteintes de certaines comorbidités quel que soit leur âge, personnes âgées de 65 ans et plus, femmes enceintes) ainsi que les personnes de leur entourage ou en contact régulier avec elles (dont les professionnels des secteurs sanitaire et médicosocial). L’alignement de la recommandation sur l’âge de 65 ans pour les deux vaccinations devrait simplifier la tâche des vaccinateurs.
Ce document fait aussi le point sur les évolutions diverses des modalités de vaccination contre le Covid-19, comme :
• utiliser préférentiellement les vaccins bivalents adaptés à Omicron, quel que soit le vaccin administré précédemment ;
• pour les personnes qui ne souhaitent pas et celles qui ne peuvent pas en bénéficier, possibilité d’utiliser en rappel un des deux vaccins non ARNm ;
• respecter un délai de 6 mois minimum après la dernière injection ou infection, quelle que soit la situation du patient ;
• enfin, pour les non-vaccinés, plus de recommandation de primovaccination contre le Covid-19 en population générale, à l’exception des personnes à risque de forme grave.
Dr Anne Mosnier (médecin généraliste et épidémiologiste), Open Rome, 57, rue d’Amsterdam, 75008 Paris, 06 61 17 36 83, amos@openrome.org
BIBLIOGRAPHIE
1. Ministère de la Santé et de la Prévention. Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2023.
2. HAS. Recommandation vaccinale contre les infections à rotavirus - Révision de la stratégie vaccinale et détermination de la place des vaccins Rotarix et RotaTeq. Juillet 2022.
3. Révision de la stratégie de vaccination contre la grippe saisonnière. Évaluation de la pertinence de l’extension de la vaccination chez les enfants sans comorbidité. Février 2023.
4. Santé publique France. Bulletin de santé publique. Vaccination. Avril 2023.
5. Santé publique France. Situation épidémiologique des infections invasives à méningocoque en France. Point au 31 mars 2023.
6. HAS. Elargissement des compétences en matière de vaccination des infirmiers, des pharmaciens et des sages-femmes. Juin 2022.
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