Nicole, 67 ans, consulte car depuis dix mois elle présente un prurit intense au niveau du dos, des jambes, et du thorax. Ces formations sont apparues suite au décès de sa fille. Plus ou moins consciente de cette corrélation, elle est allée consulter de son propre chef un psychiatre qui lui a prescrit un antidépresseur (escitalopram), sans réel succès.
Lors de l’examen clinique, nous sommes surpris par la présence de lésions diverses : certaines sont excoriées, alors que d’autres ont un aspect maculopapulaire (cliché 1). La patiente explique que ces formations cutanées empoisonnent sa vie, et qu’elle a décidé de ne plus voyager (elle aimait auparavant visiter certaines régions asiatiques) car elle a honte de montrer ces lésions peu esthétiques.
Une biopsie effectuée par un confrère est assez peu contributive au diagnostic, car elle met en lumière une dermatite aspécifique.
Compte tenu de ce contexte et de la description des lésions observées, le diagnostic de prurigo nodulaire chronique a été posé.
INTRODUCTION
Sur un plan épidémiologique, le prurigo nodulaire chronique est une pathologie qui concerne près de 5 000 patients en France, et 680 000 personnes au niveau mondial. Cette pathologie touche principalement les sujets entre 40 et 70 ans avec une légère prédominance chez les femmes. Ce diagnostic n’est posé qu’à la seule condition où les lésions sont observées durant plus de six semaines.
En fait, cette dermatose est une maladie inflammatoire chronique de la peau en relation avec des troubles de la régulation du système immunitaire. Dans un tiers des cas, on retrouve un terrain atopique. On objective dans la genèse de ce type de prurigo : une activation exacerbée des fibres nerveuses C, qui induisent le prurit, une majoration de la fibrose cutanée avec une production plus importante de collagène, une activation du système immunitaire avec une participation des lymphocytes T et des cytokines, une réaction entretenue de prurit-grattage qui devient rapidement un cercle vicieux.
Un contexte de stress est souvent retrouvé comme élément déclencheur ou aggravant.
CARACTERISTIQUES CLINIQUES
Le patient consulte le plus souvent du fait de différentes plaintes : démangeaisons (elles sont fréquemment sévères) aussi bien diurnes que nocturnes, sensation de picotements, ou de brûlures.
L’examen clinique met en évidence au départ quelques éléments maculopapuleux. Par la suite, on peut observer : des papules, des nodules, mais aussi des excoriations, qui témoignent d’un prurit féroce. Ces formations sont mises en évidence sur tout le corps, et il est possible de noter un chevauchement de différentes formes cliniques sur un même territoire cutané. Leur disposition peut être linéaire, en placards ou, comme chez notre patiente, ne pas répondre à une topographie bien définie.
Dans certains cas, il est possible d’objectiver le signe du papillon : absence de lésions entre les omoplates, qui est une zone non accessible par le patient.
DIAGNOSTIC
La clinique permet dans la majorité des cas de poser le diagnostic. Cependant, il est possible de recourir à l’étude histologique d’une lésion en cas de doute.
PRISE EN CHARGE
La prise en charge est un défi auquel tout clinicien doit s’attacher à répondre, car le retentissement psychologique de cette pathologie est majeur.
On administre le plus souvent des émollients, des dermocorticoïdes et des antihistaminiques. Cependant, ces traitements sont souvent décevants et certains spécialistes proposent, dans certains cas, un recours au tacrolimus, aux traitements immunosuppresseurs, à la photothérapie, ou plus récemment au dupilumab.
Bibliographie :
1. Prurigo nodulaire : le dupilumab (Dupixent®) apporte quelque chose. Revue Prescrire 2024 ; 44 (486) : 248-249.
2. Williams KA, Huang AH, Belzberg M, Kwatra SG. Prurigo nodularis : pathogenesis and management. Journal of the American Academy of Dermatology 2020, 83 (6) : 1567-1575.
3. Misery L, Patras de Campaigno C, Taieb C, et al. Impact of chronic prurigo nodularis on daily life and stigmatization. Journal of the European Academy of Dermatoloy and Venereology 2023 ; 37 (7) : e908-e909.
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