Pneumo-pédiatrie

LE SAOS DE L’ENFANT

Publié le 21/06/2021
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Entre 1 et 4 % des enfants ont un syndrome d’apnées obstructives du sommeil, le plus souvent secondaire à une hypertrophie adéno-amygdalienne. L’examen du sommeil diagnostique n’est pas toujours nécessaire à la prise en charge, qui est pluridisciplinaire.

Crédit photo : BURGER/PHANIE

INTRODUCTION
Les troubles respiratoires obstructifs du sommeil (TROS) regroupent différentes entités cliniques, formant un continuum allant des ronflements simples ou primaires (10 % de la population pédiatrique) au syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS). L’hypertrophie des tissus lymphoïdes adéno-amygdaliens en est la cause principale. Les ronflements primaires sont isolés, donc non accompagnés d’apnées, de réveils nocturnes, d’anomalies des échanges gazeux et n’ont pas de conséquences diurnes (1). Défini par la survenue durant le sommeil d’épisodes répétés d’obstruction, complète ou partielle, des voies aériennes, le pic de prévalence du SAOS se situe entre 3 et 8 ans, correspondant à la période de la croissance adéno-amygdalienne sans croissance osseuse concomitante (2). On note un second pic de fréquence à l’adolescence.
La polysomnographie (PSG) reste l’examen de référence pour diagnostiquer un trouble respiratoire du sommeil et apprécier sa sévérité. Toutefois, le nombre restreint de centres pédiatriques spécialisés, le coût en termes humains et économiques ainsi que les contraintes de réalisation chez l’enfant expliquent que les équipes tentent de réduire le nombre d’examens réalisés en précisant au mieux leurs indications. La prise en charge du SAOS repose sur une équipe pluridisciplinaire, travaillant main dans la main afin de proposer un traitement individualisé.


SYMPTOMATOLOGIE ET DIAGNOSTIC
Parmi les enfants concernés par un SAOS, on distingue trois populations pédiatriques différentes :
 • les enfants jeunes, non obèses, sans comorbidité associée, présentant une hypertrophie lymphoïde,
 • les enfants souvent plus âgés ou les adolescents, parfois obèses, généralement sans hypertrophie adénoïdo-amygdalienne importante,
 • les enfants atteints d’une pathologie malformative cranio-faciale (trisomie 21, achondroplasie, syndrome de Pierre Robin…), d’une maladie neuro-musculaire, d’une maladie respiratoire chronique, etc.
Les récentes recommandations de la Société française de recherche et médecine du sommeil (SFRMS) ont cherché à simplifier la prise en charge du SAOS. Celles-ci indiquent que le dépistage repose sur des éléments d’interrogatoire (enfant, parents, fratrie) et des éléments cliniques d’orientation. Il convient de rechercher les symptômes et les signes cliniques en rapport avec l’obstruction des voies aériennes supérieures (VAS) ou avec la mauvaise qualité de sommeil (2). En sus des critères établis par la Haute Autorité de santé (3), les experts ont regroupé (et hiérarchisé en majeurs et mineurs) les différents critères anamnestiques et signes cliniques en faveur d’un SAOS chez l’enfant (tableau 1) (4).
Parmi les signes majeurs, la triade évocatrice recherchée en priorité est composée durant le sommeil des ronflements, d’une respiration laborieuse et d’irrégularités respiratoires ou d’apnées. Les enregistrements vidéo des enfants pendant leur sommeil (au mieux torse nu), réalisés par les parents et facilités par le recours aux smartphones, doivent être encouragés.
Par ailleurs, le retentissement neurocognitif et les troubles du comportement doivent être évalués. Le signe d’obstruction des voies aériennes supérieures le plus fréquent et le plus évident est l’obstruction nasale chronique, l’enfant respirant alors par la bouche. Cette obstruction, dont la cause peut être multiple, est essentiellement due à l’hypertrophie des végétations adénoïdes observée en naso-fibroscopie, acte indispensable réalisé par le spécialiste ORL. L’hypertrophie des amygdales est systématiquement recherchée. On peut s’aider du score de Friedman, qui évalue le volume amygdalien lors de l’ouverture de la bouche, la langue étant en position neutre, et du score de Mallampati modifié, qui permet une estimation de la perméabilité oro-pharyngée (5). L’examen attentif de la face et de l’articulé dentaire apporte une aide au dépistage : respiration buccale, face longue, faciès adénoïdien, palais ogival, malposition linguale, rétrognathie mandibulaire, modification de l’articulé dentaire (6). Enfin, la morphologie faciale est évaluée avec appréciation de la symétrie, de l’équilibre au niveau des trois étages (massif facial supérieur, moyen et inférieur), de l’harmonie générale et de la forme du profil. Quant à l’intensité de la somnolence diurne, elle peut être évaluée par un questionnaire de type Epworth adapté à l’enfant (7).


→ L’examen clinique permet de rechercher des complications plus ou moins sévères du SAOS :
 • staturo-pondérales : un retard staturo-pondéral, plus fréquent chez le jeune enfant, est présent dans 25 à 50 % des cas, secondaire à un hypercatabolisme (travail respiratoire augmenté) et à une modification de la sécrétion de l’hormone de croissance,
métaboliques : syndrome métabolique associant hypertension artérielle, augmentation des triglycérides et du cholestérol, insulinorésistance voire diabète dont le risque est majoré chez l’enfant obèse,
 • cardio-vasculaires : hypertension artérielle systémique ou pulmonaire, troubles du rythme cardiaque,
 • cognitives : difficultés scolaires, troubles des apprentissages.
Pour aider au diagnostic positif de TROS, de nombreux questionnaires standardisés ont été élaborés. Une méta-analyse récente s’est intéressée à 24 publications (6). Aucun questionnaire, même associé à un examen physique rigoureux et à d’autres tests, n’atteint une spécificité de 100 % et ne peut donc diagnostiquer un SAOS avec certitude. Un questionnaire de six questions, élaboré en langue française, a récemment été validé (8). Ce questionnaire a une sensibilité de 82 %, une spécificité de 81 % mais surtout une valeur prédictive négative de 92 % pour déterminer un SAOS au minimum modéré (questionnaire de Nguyen, voir ci-dessus).
Pour évaluer la nécessité de faire un examen du sommeil chez l’enfant de 3 à 8 ans et suspect de SAOS sans comorbidité associée, la conduite à tenir proposée par les experts de la SFRMS est indiquée en figure 1 (4).


→ Polygraphie ventilatoire et polysomnographie Pour le diagnostic de SAOS, l’analyse des signaux de polygraphie ventilatoire (PV) est primordiale, mais seule la polysomnographie (PSG, qui ajoute à la PV l’analyse électro-encéphalographique du sommeil) permet une analyse complète et reste donc l’examen de référence. Il est maintenant admis que dans des centres ayant l’habitude des enregistrements pédiatriques et en cas d’impossibilité d’installer une PSG, on se contente d’une PV.
En l’absence de recommandations françaises pour l’interprétation des tracés de sommeil pédiatriques, la plupart des centres utilisent les recommandations américaines, mises à jour en 2012 (9). Les normes pédiatriques sont ainsi définies en se basant sur les index horaires d’apnées-hypopnées (IAH). Le tableau 2 décrit les classes de sévérité du SAOS – selon l’IAH – et l’âge. L’interprétation des index d’apnées-hypopnées est modulée par le médecin du sommeil en fonction d’autres informations telles que l’index de désaturations, l’index de ronflements, la présence de limitations du débit (sans réelles hypopnées) associées à des ronflements et à une respiration paradoxale, en faveur d’un syndrome de haute résistance, la désorganisation éventuelle de la structure du sommeil.
La PV rend la cotation des hypopnées non désaturantes difficiles, puisque les micro-éveils corticaux ne sont pas détectables en l’absence d’EEG, et les éveils seulement supposés. Dans certains cas, il peut être utile de compléter la PV par une PSG pour mieux évaluer l’IAH. Enfin, le temps de sommeil est moins précisément évalué par la PV (surveillance d’un tiers indispensable) et selon l’importance de l’erreur faite, les index peuvent s’en trouver plus ou moins mal évalués.

PRISE EN CHARGE
→ La prise en charge chirurgicale
La chirurgie est dominée par l’adénoïdectomie et/ou l’amygdalectomie, qui est le traitement de référence du SAOS, même si l’hypertrophie adéno-amygdalienne est modérée. Cette chirurgie est efficace dans plus de 80 % des cas chez l’enfant de poids normal sans comorbidité associée (10). On assiste toutefois à une diminution globale des actes chirurgicaux du fait de l’élaboration de consensus ou recommandations de sociétés savantes (11) et en vue de diminuer les complications post-opératoires. Récemment, la CHAT-Study a montré que la seule surveillance des enfants présentant un SAOS non sévère pouvait être une option thérapeutique. Cette notion implique toutefois un meilleur accès aux examens du sommeil et surtout de pouvoir facilement répéter ces examens (12). Depuis quelques années en France, le traitement chirurgical repose sur une amygdalectomie partielle. Tout en diminuant le risque de complications post-opératoires, notamment hémorragiques, elle aurait une bonne efficacité à court et moyen termes sur les symptômes cliniques de SAOS. Il s’agit donc d’une option thérapeutique en attendant la croissance spontanée du massif facial et la diminution de volume des tissus lymphoïdes (13). La chirurgie ORL est moins efficace chez un enfant obèse, en raison de l’infiltration des tissus mous par le tissu adipeux ; par ailleurs, la chirurgie bariatrique est d’indication limitée.
D’autres gestes chirurgicaux peuvent être proposés en fonction de l’étiologie de l’obstruction des voies aériennes supérieures, repérables soit spontanément lors de l’examen clinique, soit lors d’une endoscopie de sommeil induit (réalisé au bloc opératoire sous sédation par un ORL entraîné qui recherchera le ou les obstacles responsables de l’obstruction des VAS et pourra éventuellement dans le même temps adapter le traitement chirurgical) (14).


→ La prise en charge médicale
Un traitement par un anti-histaminique local et/ou per os, un corticoïde nasal ou un antileucotriène, d’efficacité relative, a pu être proposé pour le traitement des SAOS légers (15, 16). Dans ce cas, la disparition du SAOS doit être vérifiée par un contrôle de l’examen du sommeil. La lutte contre le surpoids et l’obésité est indispensable car il a été franchement démontré que la réduction pondérale entraînait une réduction de l’index horaires d’apnées-hypopnées (17, 18). Chez l’adulte, la réduction de 10 % de l’indice de masse corporelle s’accompagne de la réduction de 25 % de l’IAH (19).
→ La prise en charge orthodontique
Les anomalies du massif facial (petit palais ogival, rétromandibulie, endognathie) ou de l’articulé dentaire doivent être l’objet d’une prise en charge orthodontique (disjonction du maxillaire supérieur par exemple) et maxillo-faciale d’interception avant la fin de la croissance du massif facial (20). Les orthèses d’avancée mandibulaire ne sont pas proposées actuellement, elles commencent tout juste à être évaluées chez l’enfant (21).
La rééducation myofonctionnelle peut être associée au traitement orthodontique d’interception. Il s’agit de corriger un dysfonctionnement de la musculature maxillaire et faciale et d’éliminer de mauvaises habitudes de déglutition (22).
→ La pression positive continue (PPC)
Elle est le traitement de choix des SAOS sans hypertrophie des amygdales ou des végétations et des SAOS persistants après le traitement chirurgical par adéno-amygdalectomie. Son efficacité repose sur la diminution des résistances des VAS en faisant une attelle pneumatique, augmentant ainsi le calibre des voies aériennes supérieures. Les interfaces sont dorénavant nombreuses et variées, permettant de proposer à tout enfant (même nourrisson) une PPC. Un décret publié au Journal officiel le 16 décembre 2017 a validé, pour une prise en charge de la PPC par les organismes de Sécurité sociale chez l’enfant de moins de 16 ans, la nécessité d’une symptomatologie clinique associée à un IAO > 5 ou IAHO > 10. Par ailleurs, ce décret insiste sur la nécessité d’une prise en charge multidisciplinaire dans un centre de référence afin de réfléchir aux différentes options thérapeutiques autres que la PPC.
On utilise généralement une pression fixe par opposition au mode autopiloté (le ventilateur adapte la pression délivrée aux phénomènes obstructifs détectés). Ce dernier permet toutefois de réaliser chez certains enfants une titration, c’est-à-dire de trouver la pression fixe efficace pour éliminer la majeure partie des évènements obstructifs. Afin d’améliorer le confort et la tolérance de la PPC, on utilise un humidificateur généralement intégré. On note sous PPC une amélioration rapide de la qualité du sommeil et de la qualité de vie diurne, mais sur le plan neuro-cognitif, l’amélioration est généralement différée, parfois peu importante.
Il n’existe pas de recommandations sur la mise en place d’une PPC chez l’enfant. Elle doit être réalisée dans une équipe multi-disciplinaire entraînée, au cours d’une hospitalisation de quelques jours afin de prendre le temps de l’adaptation, voire d’une hospitalisation d’une journée permettant un temps indispensable d’éducation thérapeutique (23). La famille joue un rôle primordial : elle doit être active, impliquée et formée. L’adaptation à la PPC est généralement assez rapide, de quelques jours. Une utilisation continue d’au moins 6 heures est nécessaire.
La surveillance initiale se fait par le prestataire de santé à domicile, avec un personnel technique et paramédical formé à la pédiatrie. Il sera généralement le pivot central entre la famille et l’équipe médicale. La surveillance au long cours assurée par le pneumo-pédiatre s’attache à surveiller la tolérance et l’efficacité de la PPC.
Le rythme de la surveillance, au moins semestriel, est adapté à la pathologie et à l’âge de l’enfant. On peut voir apparaître des effets secondaires liés à l’interface, comme une intolérance cutanée allant de l’érythème transitoire à l’escarre sur les points d’appui du masque, une rétro-maxillie secondaire à la pression positive exercée sur le massif facial qui entraîne un défaut de croissance du massif facial (24). Dans ce cas, il faut savoir changer l’interface ou alterner différentes interfaces pour faire varier les points d’appui. Il faut également rechercher des effets secondaires liés à la ventilation : présence de fuites non intentionnelles (cause la plus fréquente d’inefficacité), sécheresse nasale par défaut d’humidification, ballonnements digestifs, claustrophobie, insomnie. Il est indispensable de surveiller régulièrement l’évolution clinique car, chez l’enfant en croissance, on cherche constamment la possibilité de mettre fin au traitement par PPC.

Dr Guillaume Aubertin (service de pneumologie pédiatrique, centre de référence des maladies respiratoires rares, hôpital Armand-Trousseau, AP-HP, Paris ; centre de pneumologie de l’enfant, 108, avenue Victor-Hugo, 92100 Boulogne-Billancourt. guillaume.aubertin@aphp.fr. Tel. : 01 44 73 54 49)

BIBLIOGRAPHIE
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Source : Le Généraliste