Angiologie

LE SYNDROME DU MARTEAU HYPOTHENAR

Publié le 03/02/2017
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Rare, ce syndrome est secondaire à des traumatismes itératifs sur une main dominante responsables d’une thrombose de l’artère ulnaire. Outre sa reconnaissance au titre de maladie professionnelle, son diagnostic est essentiel pour un traitement précoce afin d'éviter l'amputation.
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Crédit photo : Dr Pierre Frances

Marc, 27 ans, travaille en tant que boulanger au sein d’une chaine industrielle. Depuis quelques semaines, il ressent une gêne au niveau de son poignet droit avec des paresthésies paroxystiques au niveau de ses doigts. Il dort très bien et, au réveil, il n’éprouve aucune difficulté à mobiliser sa main et ses troubles sensitifs n’ont pas de caractère nocturne.

L’examen clinique de ce patient se révèle très pauvre. Le traitement antalgique initial n’a eu aucun effet. Nous avons effectué une recherche étiologique de cette douleur mal systématisée. L’électromyographie s’est révélée normale. L’échographie Doppler artériel du poignet a permis de découvrir l’existence d’une sténose de l’artère ulnaire. Une confirmation de cette thrombose a été obtenue au décours d’une artériographie qui confirme l’obstruction sur 2 cm de cette artère (cf. photo 1).
 

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Ce syndrome est une pathologie décrite dans les années 1930 par Van Rosen et Guttani. Très rapidement, la dénomination de HHS (Hypothénar Hammer Syndrome : syndrome du marteau hypothénar) a prévalue en 1970 suite à la mise en évidence de la thrombose de l’artère ulnaire grâce à Conn. En fait cette dénomination fait suite aux mécanismes physiopathologiques responsables de cette sténose. Des traumatismes itératifs qui agissent comme des marteaux peuvent être responsables d’une altération endothéliale au niveau du passage de l’artère cubitale dans la région de l’éminence hypothénar. Le délai moyen entre les premiers symptômes et la prise en charge est de 2,5 mois ; élément qui permet de comprendre une possible sous-évaluation de cette symptomatologie.

Une étude effectuée chez des mécaniciens a permis de voir que, chez ces patients, près de 14% d’entre eux présentaient un début d’atteinte (objectivée grâce à un  Doppler) et cela en l’absence de manifestations cliniques.

épidémiologiquement, ce syndrome touche les patients jeunes (moins de 40 ans), de sexe masculin. Certaines professions sont concernées en priorité : les maçons, les bouchers, les charpentiers, les mécaniciens, les boulangers... En ce qui concerne les boulangers, le fait de pétrir et de frapper la pâte avec le poignet peut induire ce syndrome. à côté de ces professions, certaines pratiques sportives peuvent également générer ce syndrome : karaté, handball, hockey, tennis, golf, badminton...

UNE EXPLICATION ANATOMIQUE

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Anatomiquement, cette problématique s’explique par le cheminement de l’artère ulnaire au niveau du poignet.

La branche superficielle de l’artère ulnaire traverse la surface des muscles hypothénars (sur 2 cm) avant d’arriver au niveau de l’aponévrose palmaire. Ce segment est plus sensible aux chocs ; lesquels peuvent conduire à une thrombose (figure 1).
Les traumatismes répétés induisent des vasospames artériels qui concernent l’intima et une agrégation plaquettaire survient à la suite. En cas d’atteinte de la média, il est possible d’observer le développement d’un anévrisme.

Les micro-embols générés par l’agrégation favorisent une thrombose des artères digitales, et conduisent, dans certains cas, à une ischémie digitale.
 
CARACTERISTIQUES CLINIQUES

Ce syndrome touche la main dominante du patient. Les manifestations cliniques sensitives sont centrées sur les trois derniers doigts de la main (le plus souvent le 3e). Le patient allègue souvent des paresthésies, une hypersensibilité au froid. L’examen peut retrouver une ischémie distale se traduisant par une couleur blanche des phalanges distales.
Il est possible d’observer une rigidité de l’éminence hypothénar, mais aussi une masse pulsatile de cette même région qui correspond à l’existence d’un anévrisme.
En cas de doute, il est possible d’effectuer le test d’Allen (voir encadré E1) qui, dans le cas d’un syndrome du marteau hypothénar, est positif.

 

E1. Le test d’Allen en trois phases

1- On effectue une compression de l’artère radiale et ulnaire pour obtenir une ischémie de la main.

2- On relâche l’artère ulnaire, mais on maintient la compression radiale

3- On observe lors de cette manipulation le temps de coloration de la main. Cette recoloration doit être obtenue au bout de 10 secondes.


 
EXPLORATIONS COMPLEMENTAIRES

Elles sont indispensables, et permettent de rechercher l’importance de la sténose.
Il est, dans un premier temps, utile d’effectuer un écho-Doppler des artères du poignet. De cette façon il est possible d’évaluer le degré de l’obstruction.
Une confirmation est apportée par la réalisation d’une angio-IRM. Cet examen confirme l’importance de la sténose et peut individualiser le thrombus endoluminal.
Cependant nombreux sont les auteurs qui préconisent la réalisation d’une artériographie. Cette dernière objective l’importance de l’occlusion, les dommages vasculaires induits par cette sténose, mais aussi le type d’atteinte artérielle (vasospasme, ou anévrisme).
De plus cet examen permet de préparer une éventuelle intervention chirurgicale qui vise à revasculariser la portion atteinte.
 
LE TRAITEMENT

Actuellement, compte tenu de la rareté de cette affection, il n’existe aucun consensus thérapeutique.

Un traitement chirurgical est possible. Dans cette optique, trois possibilités sont offertes : séquestre du fragment atteint (proposition pour notre patient), anastomose directe entre les portions indemnes d’atteinte, reconstruction de la portion thrombosée par une veine. Ces traitements chirurgicaux sont complétés par l’administration d’une anticoagulation.
Il est également possible d’effectuer une thrombolyse soit en traitement initiateur, soit en association avec un traitement chirurgical.

Dans les cas évolués ou pris en charge tardivement, nous pouvons administrer des prostaglandines ou effectuer une sympathectomie.

Enfin, dans certaines situations où l’atteinte est très importante, l’amputation reste inévitable.

à titre préventif, il est important de recommander un arrêt du tabac car une association entre ce syndrome et le tabagisme a été démontrée.

Enfin, il est impératif d’effectuer une reconnaissance de maladie professionnelle des patients ayant des métiers qui exposent à ce risque.
 

BIBLIOGRAPHIE

1- Swanson KE, Bartholomew JR, Paulson R. Hypothenar Hammer Syndrome: A Case and Brief Review. Vascular Medicine 2011; 17 (2): 108-115.

2- Ablett CT, Hackett LA. Hypothenar Hammer Syndrome: Case Reports and Brief Review. Clinical Medicine and Research 2008; 6 (1): 3-8.

3- Rodoni D, Gallino A, Menafoglio A, Tutta P, Lepori M. “Hypothenar- Hammer-Syndrome”. Une cause rare d’ischémie des membres supérieurs. Forum Médical Suisse 2002 ; 28 : 688-690.

 

Pierre Frances (médecin généraliste, Banyuls sur mer), Martin Sansiquier (interne en médecine générale, Montpellier), Victor Ramon-Llin Mas (médecin généraliste, Programme Hippokrates, Lleida, Espagne), Chloé Chancel (externe,Montpellier).

Source : lequotidiendumedecin.fr