Durée de travail et évènements coronaires et cérébrovasculaires : revue systématique et méta-analyse des données publiées et non publiées de 603 838 sujets.
Kivimäki M, Jokela M, Nyberget ST et al. Long working hours and risk of coronary heart disease and stroke: a systematic review and meta-analysis of published and unpublished data for 603 838 in-dividuals, Lancet 2015;386:1739-46.
CONTEXTE
Deux précédentes méta-analyses avaient suggéré une corrélation statistique (risque relatif [RR] = 1,40) entre durée de travail excessive et évènements coronaires (1, 2). Cependant, ces travaux avaient des faiblesses liées au faible effectif (15 000 sujets), au biais de publication (études non publiées) et à l’absence de stratification sur le niveau socio-économique qui est lui-même un marqueur de risque (3). Par ailleurs, ils ne concernaient pas le risque d'AVC.
OBJECTIF
Évaluer la corrélation statistique entre durée excessive de travail et événements cardio-vasculaires, y compris les accidents vasculaires cérébraux.
MÉTHODE
Méta-analyse de toutes les études prospectives de cohortes de très bonne qualité incluant les non publiées jusqu’en 2014. Les sujets étaient indemnes de maladie coronaire ou cérébrovasculaire à l’inclusion. Le calcul du risque d’événement concernait le risque coronaire et celui d’AVC. Les facteurs de confusion inclus dans le modèle statistique comprenaient l’âge, le genre, le niveau socio-économique, l’IMC, le tabac, la consommation d’alcool, l’activité physique, l’hypertension, le diabète et le cholestérol. Les événements survenus dans les 3 premières années suivant l’inclusion ont été écartés de l’analyse.
Les strates de durée de travail hebdomadaire étaient 35-40h (référence), 41-48h, 49-54h et ≥ 55h. L’analyse statistique a été faite à l’aide d’un modèle de Cox proportionnel pour les études publiées et par régression logistique pour les études non publiées. Ces deux types de mesures ont été combinées dans la méta-analyse finale pour estimer le RR coronaire et cérébrovasculaire avec son intervalle de confiance à 95%.
RÉSULTATS
Pour les événements coronaires, 25 études de haute qualité correspondant aux d’inclusion ont été retenues sur les 13 447 répertoriées. Elles concernaient 603 838 sujets suivis en moyenne 8,5 ans et 4 768 événements. La méta-analyse ajustée sur l’âge, le genre et le statut socio-économique a montré une augmentation significative du risque pour une durée de travail ≥ 55h/semaine comparativement à 35- 40h : RR = 1,13 ; IC95% = 1,02-1,26, p = 0,02.
Pour les AVC, 17 études de haute qualité correspondant aux critères d’inclusion ont été retenues parmi les 11 700 répertoriées. Elles concernaient 528 908 sujets suivis en moyenne 7,2 ans et 1 722 événements. La méta-analyse a montré une augmentation significative du risque d’AVC pour une durée de travail ≥ 55h/semaine comparativement à 35-40h : RR = 1,33 ; IC95% = 1,11-1,61, p = 0,002. Il y avait un effet « dose réponse » : RR = 1,10 pour 41-48h (ns), et 1,27 (p = 0,03) pour 49-54h/semaine. Les résultats étaient inchangés en analyse multivariée ajustée sur les autres facteurs de risque cardiovasculaire.
COMMENTAIRES
La principale et inédite information fournie par cette méta-analyse de cohortes prospectives européennes (du nord), américaines et australiennes est l’augmentation du risque d’AVC quand la durée de travail hebdomadaire dépasse 48 heures. Pour les événe-ments coronaires, la borne inférieure de l’intervalle de confiance est trop petite (1,02) pour en tirer une conclusion robuste compte tenu de l’hétérogénéité habituelle des études de cohortes. En revanche, l’augmentation modeste (RR = 1,33) du risque d’accident vasculaire cérébral est tangible et solide.
La principale qualité de ce travail est d’avoir cherché et inclus les résultats des études non publiées afin d’augmenter la puissance statistique de la méta-analyse, et d’obtenir des résultats plus précis contournant le biais de publication. Sa principale faiblesse est le recueil des événements qui n’ont pas toujours été adjudiqués, l’absence de mesure des périodes pendant lesquels les sujets ont travaillé pendant 40, 49 ou 55 heures et la mesure des durées hebdomadaires de travail qui était rapportée par les sujets et non pas mesurée. Cette méta-analyse confirme qu’une durée de travail excessive est un marqueur (et non pas un facteur) de risque d’événement cardio-vasculaire.
En pratique, cette étude incite à mieux contrôler les classiques facteurs de risque cardiovasculaire (hypertension, diabète, LDL-cholestérol, tabac, sédentarité) chez les patients qui travaillent plus de 48 heures par semaine.
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