Laurent, 28 ans, SDF, présente plusieurs lésions maculo-papuleuses et érythémateuses circulaires au niveau du cou (cliché 1). D'après lui, son voisin de chambrée du centre pour sans-abris présente les mêmes symptômes. Il se plaint également d’un prurit important, exacerbé le matin. Craignant la gale, Laurent est rapidement venu nous consulter. L’aspect des lésions et la contamination de son voisin de chambre évoquent des lésions secondaires à des piqûres par des punaises de lit.
ÉPIDÉMIOLOGIE
Les punaises de lit (cimex lectarius) avaient quasiment disparu dans les années cinquante. Une lutte avec le dichlorodiphényltrichloroéthane (DDT) avait permis une éradication de ces parasites. Or, l’interdiction de l’utilisation du DDT et la plus grande mobilité des populations ont favorisé la multiplication de cette parasitose. En France, on note depuis 2005 une très nette augmentation (3 fois plus de patients qu'il y a 10 ans) de la prise en charge des lésions causées par ces punaises. Le plus souvent, la contamination est observée à la suite d’une fréquentation de certains lieux publics (maisons de retraite, hôtels, trains couchettes, navires de croisière), mais aussi au sein de logements privatifs.
LE PARASITE
La taille de la punaise de lit varie de 5 à 7 mm. Elle est de couleur brune, de forme aplatie et se trouve dépourvue d’ailes. Elle ne se déplace qu’en marchant.
Les mâles et femelles sont hématophages, le repas sanguin s’effectue tous les trois ou cinq jours. Cet insecte peut jeûner sur une longue période (entre 12 et 18 mois). La femelle pond entre 200 et 500 œufs durant sa vie. Regroupés en grappes de 5 à 10, ils sont de couleur blanche, et leur taille est de 1 mm.
De ces œufs, des larves vont sortir et évoluer sur une période de 50 à 70 jours.
Cet insecte fuit la lumière, et se cache en journée dans les matelas, les plinthes ou les papiers peints décollés. La punaise est attirée par l’odeur, la chaleur et le dégagement en gaz carbonique du patient. À la suite du repas sanguin, elle se faufile dans les ourlets des pantalons, le linge à proximité, etc.
LA CLINIQUE
La punaise de lit pique le patient la nuit. Généralement, le sujet atteint ne ressent aucune douleur car un anesthésique est administré simultanément à la piqûre. Les lésions observées se manifestent parfois de façon tardive, jusqu’à 10 jours après la piqûre : des lésions érythémateuses maculo-papuleuses (de 5 mm le plus fréquemment), avec au centre une lésion de petite taille hémorragique (le point de la piqûre) (cliché 1). Les lésions dermatologiques sont souvent disposées en courbe ou en ligne sur les parties découvertes du corps (visage, pieds, mains). Le prurit engendré par ces piqûres est maximal le matin, cependant il reste très inconstant.
Souvent, les patients sont très inquiets, stressés, parfois même dépressifs car l’impact psychique engendré par cet insecte hématophage est souvent majeur.
LE DIAGNOSTIC
Il est avant tout clinique. On observe les lésions caractéristiques qui font évoquer une éventuelle infestation. Les éléments de l’interrogatoire du patient sont également fondamentaux : notion d’une contamination collective, apparition à la suite d'un voyage ou d'une location d’un gîte…
LE TRAITEMENT
► À titre symptomatique, il est possible de prescrire des dermocorticoïdes et des antihistaminiques oraux. Il est parfois nécessaire d’associer, en cas d’impétiginisation des lésions, un antibiotique local (mupirocine ou acide fusidique).
► En parallèle, la lutte antiparasitaire est fondamentale. Il est important de demander le concours d’un professionnel de la désinsectisation en cas d’un nombre important de punaises de lit. Dans ce cas, il faut que ce professionnel intervienne deux fois à deux semaines d’intervalle.
► En cas d’une contamination plus modérée, ou lorsque les finances ne permettent pas au patient le concours d’un professionnel, il est nécessaire :
– D’effectuer un nettoyage des lits, des canapés, des plinthes, des meubles.
– De laver le linge à 60 °C ou de l'entreposer dans un lieu où la température est de -20 °C durant trois jours.
– De décoller les papiers peints disjoints où les punaises se dissimulent, et siliconer les plinthes.
– Envoyer autant que possible l'ameublement (lit, matelas) à la décharge.
Attention, la fumigation au centre de la pièce n’est pas efficace.
► L’efficacité du traitement est évaluée cliniquement un mois plus tard. Si le patient n’est plus piqué, cela signifie que l’éradication du parasite a été complète.
Bibliographie
1- Mokini M, Dupin N, Del Giudice P. Dermatologie infectieuse. Ed. Elsevier Masson 2014.
2- Berenger JM, Delaunay P, Pagès F. Bedbugs (Heteroptera, Cimidae): biting again. Médecine Tropicale 2008; 68: 563-567.
3- Delaunay P. Human travel and travelling bedbugs. Journal of Travel Medicine 2012; 19: 373-379.
4- Cannet A, Akhoundi M, Berenger JM, Michel G, Marty P, Delaunay P. A review of data on laboratory colonies of bed bugs (Cimicidae), an insect of emerging medical relevance. Parasite 2015; 22: 21.
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