Nutrition

LES RÉGIMES RESTRICTIFS

Publié le 06/04/2018
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De plus en plus de patients se lancent dans des régimes restrictifs sans en connaître les conséquences. Nous faisons le point sur plusieurs d’entre eux.
Régime restictif

Régime restictif
Crédit photo : GARO/PHANIE

Les modes alimentaires se succèdent et se ressemblent par le fait qu’elles comportent le plus souvent la suppression d’une part plus ou moins importante de nutriments ou d’aliments. Ceci peut être apparemment justifié ou ne pas l’être.

Le médecin est là pour guider le patient sur le bien-fondé de ce régime en termes d’indication et de bénéfice attendu, mais aussi sur les risques encourus. Il pourra bien sûr l’accompagner sur le plan de l’équilibre nutritionnel éventuellement en lien avec les compétences d’un diététicien.

Nous envisagerons successivement la question lancinante des régimes amaigrissants puis les régimes à la mode sans lait, sans gluten, sans viande et la mode du jeûne.

LES RÉGIMES AMAIGRISSANTS

Tous aboutissent à une restriction imposée qui induit le trouble du comportement alimentaire le plus répandu chez les personnes en surpoids : la restriction cognitive. Celle-ci, en bafouant les lois de la régulation de la prise alimentaire, à savoir l’écoute des sensations et le plaisir, conduit à un désarroi alimentaire, avec une angoisse sur le choix des aliments, à une alternance entre frustration et culpabilité, et à une mésestime de soi.

► En cas de stress, le contrôle est mis en faillite, d'où une levée d’inhibition avec compulsions alimentaires. Dans la mesure où le poids est régulé par la boucle masse grasse-leptine-cerveau, le poids revient au niveau de base puis le dépasse. Le patient devient plus gros et plus gras car la perte de masse maigre accompagne toujours la perte de masse grasse, même avec des régimes hyperprotidiques, et la reprise de masse grasse est deux fois supérieure à celle de la masse maigre [1].

► Tous ces régimes peuvent mener à ces effets secondaires : diètes hyperprotidiques ou hypoglucidiques, chrononutrition, régime 5/7 et autres [2]. Le jeûne en fait partie. Il faut donc envisager d’autres stratégies, qui permettent au patient de retrouver une relation normale avec son alimentation, de travailler sur la gestion de ses émotions, de tenir compte de ses sensations alimentaires et de retrouver une estime de lui-même.

LES RÉGIMES SANS LAIT

Ils reposent sur des rumeurs alimentées par le mouvement anti-lait, lui-même nourri d’une idéologie anti-spéciste. Celle-ci prétend qu’il n’y a pas de raison que l’homme soit différent des autres espèces animales et soit la seule espèce animale à consommer le lait d’une autre espèce à l’âge adulte.

► Or, d’une part l’humain est omnivore, et les produits laitiers font partie de son environnement alimentaire depuis au moins 15 000 ans, et d’autre part il est différent des autres espèces animales par sa conscience et ses activités. Ce discours est aussi entretenu par des affirmations qui ne résistent pas à l’analyse scientifique et aux essais en double aveugle, comme ladite responsabilité des produits laitiers dans les otites et autres « encrassements » des voies aériennes dans l’autisme, les maladies neurologiques telles la sclérose en plaques ou encore dans les rhumatismes inflammatoires ou dégénératifs.

► Par contre, il existe des raisons de réduire ou de supprimer sa consommation de produits laitiers : la première est de ne pas les aimer ; la seconde est de ne pas les supporter. C’est le cas de la véritable intolérance au lactose, par déficit en lactase. Il ne s’agit pratiquement jamais d’une absence totale de lactase, mais d’un déficit partiel qui, contrairement aux idées reçues, ne s’accentue pas avec l’âge ni avec la suppression des produits laitiers.

L’intolérance au lactose, qui se manifeste par un inconfort digestif (car le lactose parvient non hydrolysé dans le côlon et est l’objet d’une fermentation colique produisant gaz et acides gras volatils, source de ballonnements, d’inconfort et de diarrhée), est produit laitier-dépendante, dose-dépendante et sujet-dépendante. Dans certains cas, quand les symptômes sont importants et que le diagnostic doit être affirmé, on réalise un breath-test au lactose.

Les intolérants peuvent supporter jusqu’à 12 g de lactose par jour (soit 250 ml de lait !). Les laits des autres mammifères terrestres contiennent aussi du lactose…

► La dernière raison de ne pas consommer de produits laitiers est l’allergie vraie aux protéines de lait de vache. Celle-ci est rare chez l’adulte, tandis qu’elle touche 2 % à 4 % des enfants. L’allergie est croisée avec le lait des autres ruminants.

La suppression des produits laitiers a de nombreux inconvénients. Elle diminue la probabilité de couvrir les apports nutritionnels conseillés pour de nombreux nutriments et micronutriments, car les produits laitiers contribuent pour une part importante aux apports en calcium, iode, phosphore, vitamines du groupe B, acide alphalinolénique, [3] [4].

D’autre part, elle prive le sujet des bénéfices liés à leur consommation en termes de santé : réduction du risque de syndrome métabolique et de diabète de type 2, d’ostéo-sarcopénie et de cancer colorectal.► Ainsi, chez les enfants et les adultes ayant supprimé les produits laitiers, une augmentation de la survenue de fractures a été observée [5] [6]. Chez les adultes intolérants au lactose et ayant supprimé ou réduit les produits laitiers, une plus grande prévalence d’hypertension artérielle et de diabète de type 2 a été observée [7].
 

Lactose et produits laitiers

Les yaourts, qui possèdent une bêta galactosidase présente au niveau des bactéries lactiques, sont bien tolérés, ce qui n’est pas le cas des laitages chauffés (desserts lactés, crèmes desserts…).

Les fromages fermentés ne contiennent que des traces de lactose puisque lors de leur fabrication, le lactosérum, formé après l’action de la présure responsable du caillage, n’est pas utilisé.

LES RÉGIMES SANS GLUTEN

Le gluten n’existe pas tel quel dans le blé et les céréales brutes. Il se constitue à partir des gliadines et des gluténines, protéines du blé, lors de l’hydratation et du pétrissage, formant alors un réseau qui confère à la pâte élasticité, viscosité, permettant la fabrication du pain avec ses propriétés technologiques.

► Contrairement aux idées reçues, nous ne mangeons pas de plus en plus de gluten, mais de moins en moins ; les blés modernes ne sont pas de plus en plus riches en gluten, et n’ont pas des épitopes de plus en plus allergéniques, c’est plutôt l’inverse.

► Alors pourquoi de plus en plus de personnes veulent l’éviter ?

Il peut d’abord s’agir d’une allergie vraie immuno-médiée IgE au blé. Cette pathologie survient souvent après un effort physique important, se manifeste par des symptômes allergiques classiques, cutanés, respiratoires… et nécessite le diagnostic d’un allergologue, puis l’éviction du blé, souvent seulement avant un effort.

La maladie cœliaque vraie est plus fréquente qu’on ne le pensait autrefois. En effet, il existe des formes atypiques, tardives ou silencieuses ! Elle toucherait une personne sur 200.

L’augmentation de la prévalence de la maladie cœliaque pourrait être due aux modifications des process de fabrication du pain qui rendent le gluten moins accessible aux enzymes protéolytiques, à l’ajout de « gluten vital » et de transglutaminases bactériennes [8].

Elle nécessite la suppression totale des aliments contenant les protéines à l’origine du gluten, donc à base de blé et apparentés (épeautre, hamut…), orge, avoine… La dose de gluten doit être inférieure à 50 mg/jour. Malheureusement, les symptômes ne sont pas toujours présents pour des apports supérieurs. Or, le non-suivi augmente le risque de lymphome du grêle. Il s’agit d’un régime difficile, contraignant et coûteux, même si de plus en plus de produits sont disponibles, à la suite de la mode du sans gluten.

► L’hypersensibilité au gluten non cœliaque est une cause fréquente d’éviction du gluten. Les personnes qui déclarent avoir cette affection décrivent des symptômes digestifs à type de douleurs abdominales, ballonnements, diarrhée, constipation, mais aussi des symptômes extra-digestifs multiples (douleurs, asthénie, dépression, céphalées…) qui s’apparentent pour une part au syndrome du côlon irritable, et peuvent se recouper avec ceux de la fibromyalgie, maladie d’étiologie inconnue. Ils ont une amélioration de leurs symptômes en réduisant le blé, en particulier le pain, mais parfois aussi d’autres aliments sources de glucides fermentescibles.

En réalité, les études en double aveugle [9] [10] [11] montrent que seuls 7 à 8 % des personnes se disant hypersensibles au gluten le sont réellement, c’est-à-dire ressentent une amélioration de leurs symptômes lors de sa suppression et présentent une réapparition des symptômes lors de sa réintroduction dans les études en double aveugle.

► Qu’en est-il des autres ? Il existe indéniablement un effet nocebo, dont on connaît la puissance contagieuse ; mais une part non négligeable des symptômes sont vraisemblablement en rapport avec le syndrome du côlon irritable lié à la fermentation colique des prébiotiques, c’est-à-dire des glucides fermentescibles et des Fodmaps. Or, certains d’entre eux, les fructanes (appartenant aux fructo-oligosaccharides), sont présents dans le grain de blé et parviennent au côlon : là ils sont métabolisés par la flore colique et produisent gaz et acides gras volatils, expliquant l’intolérance des sujets prédisposés [12]. La simple réduction des fructanes et parfois d’autres Fodmaps peut améliorer les sujets.

► La suppression des aliments contenant du gluten est ainsi rarement utile en dehors de la maladie cœliaque ; elle est en outre difficile à appliquer. De plus, les données montrent clairement que les aliments sans gluten sont souvent plus riches en lipides, ont un index glycémique plus élevé, une moins bonne densité nutritionnelle. Les études montrent que le risque de diabète est plus élevé chez les sujets suivant ce type de régime. A également été observée une teneur accrue en arsenic, cadmium et mercure chez ces sujets, probablement en raison de la monotonie alimentaire, le riz étant un extracteur de ces métaux lourds [13] [14] [15]. 

LES RÉGIMES VÉGÉTARIENS

L’alimentation végétarienne exclut la viande et le poisson, alors que l’alimentation végétalienne élimine tous les produits animaux, y compris les œufs et les produits laitiers. Les vegan vont jusqu’à exclure le miel ou l’usage de sous-produits animaux, y compris non alimentaires (cuir, laine…). L’adoption d’une alimentation végétarienne ou végétalienne répond à des motivations variées. Le véganisme est également sous l’emprise de l’antispécisme.

L'alimentation sans viande

► Ce type de régime ne pose guère de problème chez l’adulte. Encore faut-il remplacer les principaux nutriments qu’elle fournit : protéines, fer, zinc, vitamine B. L’absence de poisson prive l’individu de la source très majoritaire d’acides gras polyinsaturés oméga 3 à longue chaîne (AGPI ω3 LC), ce qui est quand même dommage quand on connaît leur intérêt pour la santé cardiovasculaire, neuropsychique et rétinienne. Il convient de se les procurer du côté de certaines microalgues qui en sont riches.

► Si elle est bien équilibrée, l’alimentation ovo-lacto-végétarienne prend un peu le contre-pied de l’alimentation occidentale lorsque celle-ci est déséquilibrée, et apporte davantage de protéines végétales, fibres alimentaires, fruits et de légumes.

► En termes de santé, elle est associée à une réduction du risque de diabète de type 2 [16] [17], de cardiopathies ischémiques [18] [19]. Les études sont très contradictoires sur le risque de cancer du côlon [20] [21] [22] [23]. Mais il n’y a pas d’impact sur la mortalité totale ou par cancer [19] [20] [23] [24]. 

L'alimentation végétalienne

► Elle pose beaucoup plus de problèmes car elle est intrinsèquement déséquilibrée :

déficitaire en calcium, fer, zinc, AGPIω3 LC et surtout en vitamine B12 [25] [26] [27] [28] [29].

► Le statut martial des végétaliens est souvent négatif et les carences en vitamine B12 concernent la majorité d'entre eux, sauf s’ils se supplémentent car cette vitamine est exclusivement animale. La biodisponibilité de la vitamine B12 de la spiruline est discutée. Or, son déficit induit des troubles neuropsychiques et des micro-altérations cérébrales structurelles [30] [31]. 

► En termes de santé, les végétaliens s’exposent à un risque accru d’ostéoporose et de fractures [32].

La supplémentation en calcium s’impose, mais elle n’a pas les mêmes bénéfices que l’apport de produits laitiers en raison de l’effet matrice généré par des aliments aussi complexes. De plus, plusieurs études ont montré un effet négatif des compléments alimentaires à base de calcium sur le risque cardiovasculaire. Le recours à des aliments non laitiers contenant du calcium est indispensable. Il faut privilégier les jus de soja enrichis en calcium. Les eaux riches en calcium (Contrex, Hépar, Courmayeur, St Antonin…) sont également intéressantes, ainsi que les arêtes de poisson (sardine !). Quant aux aliments végétaux qui en contiennent (pois chiches, amandes, choux…), il faut en consommer de telles quantités que cela déséquilibre l’alimentation.

► Chez les personnes âgées, il est extrêmement difficile d’atteindre les apports conseillés en protéines avec un régime végétalien, en raison du volume d’aliments nécessaire pour y parvenir.

► Le régime végétalien est totalement déconseillé chez les femmes enceintes ou susceptibles de l’être, en raison des déficits en AGPI ω3 LC, calcium, fer et vitamine B12.

LE JEÛNE

On ne peut qu’approuver l’idée du jeûne intermittent. S’inscrivant dans la tradition de toutes les religions et croyances, il est auréolé d’une certaine sagesse. Apprentissage d’une certaine ascèse, il a les apparences d’une des vertus de la diététique : la modération.

Mais s’il est à la mode aujourd’hui, c’est parce qu’on lui prête des vertus sanitaires. Il est vrai qu’apprendre à manger moins peut apprendre à manger mieux.

Il est vrai aussi que les changements qu’il induit sur le plan physiologique conduisent les personnes à se sentir mieux, plus « léger ». Effectivement, le microbiote change, les fermentations coliques disparaissent, l’inflammation post-prandiale physiologique disparaît. Pour autant, dans un rapport datant de 4 ans, l’Inserm n’a mis en évidence aucune preuve d’un bénéfice objectif et durable sur des pathologies [33].

De plus, prolongé au-delà de 24 heures, il entraîne une réduction de la masse maigre, donc une sarcopénie, irrémédiable chez le sujet âgé et aggravé par la pratique de l’exercice physique dans ces conditions : l’état de santé et l’état immunitaire se dégradent.

► Au cours du traitement du cancer, des travaux chez l’animal suggèrent que la chrononutrition et le jeûne contrôlé pourraient améliorer l’effet du traitement et la tolérance aux traitements [34] [35]. Chez l’homme, les données ne sont pas disponibles. Mais contrairement aux discours erronés de certains adeptes, la nourriture n’entretient pas la cellule cancéreuse, mais entretient les défenses immunitaires. Ce n’est qu’au stade terminal que nourrir l’organisme ne « profite » qu’à la tumeur.

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Source : lequotidiendumedecin.fr