Michel, 47 ans, consulte car il se plaint depuis quelques mois d’une gêne pharyngée avec des troubles de la déglutition, et l’impression de ne plus avoir de salive. Ce patient divorcé achète beaucoup de viennoiseries et de pain, et fréquente les buffets espagnols de proximité, avec pour finalité une importante prise de poids (IMC à 48). Il a connu des problèmes dans son travail du fait d’une alcoolisation importante. Un bilan biologique effectué par un confrère montre une élévation des γGT à 259 UI/l (N entre 8 et 35) et une glycémie à 1,22 g/l. Son examen clinique retrouve une augmentation de volume bilatérale de ses parotides (cliché 1) et une hépatomégalie. Cette description clinique correspond à une sialadénose d’origine nutritionnelle.
Les sialoses et sialadénoses correspondent à des pathologies chroniques non infectieuses ni tumorales des glandes salivaires, généralement touchées de manière bilatérale. La palpation des glandes salivaires, le plus souvent fermes et élastiques, est indolore.
Des modifications sécrétoires du fait d’une hyperplasie au niveau glandulaire conduisent à un œdème rétentionnel au niveau des acinis, et par voie de conséquence à une hyposialie.
Plusieurs types sont classiquement décrits :
• les sialadénoses d’origine nutritionnelle, hormonale ou carentielle,
• les sialadénoses iatrogènes secondaires à des traitements anti-adrénergiques ou anti-cholinergiques. L’atteinte parotidienne est parfois associée à une atteinte des autres glandes salivaires,
• les sialoses systémiques, qui se caractérisent le plus souvent par une infiltration lymphoïde au niveau du tissu glandulaire.
LES SIALADÉNOSES OU DYSTROPHIES SALIVAIRES
Ces pathologies sont les plus fréquentes de toutes les sialoses, et touchent essentiellement la glande parotidienne. Elles sont principalement dues à une consommation importante d’aliments riches en amidon (pomme de terre, pain). On les rencontre également chez les patients ayant une hyperlipidémie, une consommation excessive d’alcool ou une hyperlipoprotéinémie de type IV, une boulimie, voire une hyperuricémie.
Mais il est également possible d’observer ces sialadénoses au sein de populations dénutries donnant alors différents tableaux : le kwashiorkor (carence protéique sévère), le marasme (forme grave de dénutrition), la pellagre (carence en vitamine PP).
Dans ces différents cas de figure, il est important d’effectuer un rééquilibrage alimentaire permettant souvent une amélioration clinique :
• Chez les patients ayant une consommation accrue en amidon, ou souffrant d’alcoolisme, une prise en charge adaptée est nécessaire pour mieux équilibrer les repas ou réduire les addictions.
• Chez les patients dénutris, il faut enrichir l’alimentation en vitamines et protides.
Par ailleurs un soutien psychologique peut être nécessaire pour les patients souffrant de troubles du comportement alimentaire ou d’addiction.
D’autres origines endocriniennes sont retrouvées parfois : un diabète de type 2 (surtout chez les patients de plus de 50 ans), et une hypothyroïdie.
LES SIALOSES SYSTÉMIQUES
→ Le syndrome de Gougerot-Sjögren Il s’agit d’un syndrome sec avec cliniquement une xérophtalmie (yeux secs) et une xérostomie (bouche sèche). Il survient le plus souvent chez les patientes de plus de 50 ans. Cliniquement, on observe une parotidomégalie indolore.
Le diagnostic de xérophtalmie est posé grâce au test de Schirmer (papier-filtre posé au niveau du cul-de-sac conjonctival qui atteste du syndrome sec). La confirmation diagnostique est obtenue suite à une biopsie des glandes salivaires qui permet d’établir l’importance de la sclérose collagène (score de Chisholm et Mason). Le traitement repose sur des médications sialagogues et le recours aux larmes artificielles. Lorsqu’il existe une association avec une connectivite, il est possible de prescrire des immunosuppresseurs.
→ La sarcoïdose On parle dans ce cas du syndrome de Heerfordt, associant une hypertrophie parotidienne bilatérale, une uvéite, une hyperthermie et une paralysie faciale. Le diagnostic est posé en réalisant une biopsie. Le traitement repose souvent sur la corticothérapie, voire les immunosuppresseurs.
→ L’infection VIH Plusieurs cas de figures sont possibles : phase aiguë (contamination récente), et phase chronique avec des tuméfactions parotidiennes. Il existe le plus souvent une hyperplasie lymphoïde kystique. Cependant, il faut éliminer un éventuel lymphome qui peut être associé à une infection VIH. La prise en charge peut être chirurgicale (cas d’adénopathies nécrosées) ou repose sur le traitement du VIH.
Bibliographie
1 - Legent F, Narcy P. Abrégé d’ORL : pathologie cervico-faciale. Ed. Masson 2003.
2 - Carlson EM, Ord RA. Salivary gland pathology : diagnosis and management. Ed. John Wiley and Sons 2015.
3 - Myers EN, Ferris RL. Salivary gland disorders. Ed. Springer 2007.
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC
Cas clinique
L’ictus amnésique idiopathique
Recommandations
Antibiothérapies dans les infections pédiatriques courantes (2/2)