Aide à la décision incluant des informations sur le surdiagnostic pour favoriser le choix éclairé des femmes sur le dépistage du cancer du sein : essai comparatif randomisé.
CONTEXTE
Depuis la loi Kouchner, les médecins doivent donner aux patients des informations complètes, loyales, valides et compréhensibles pour les aider à prendre une « décision éclairée », qu’elle soit préventive, diagnostique ou thérapeutique. Cette démarche de décision partagée est familière dans les pays anglo-saxons, mais il y a peu de preuves scientifiques qu’elle influence la décision finale.
OBJECTIF
Mesurer l’effet d’une intervention informative incluant les bénéfices, les risques et les conséquences du surdiagnostic (cancers qui n’auraient jamais évolué) du dépistage (1) du cancer du sein, sur la décision éclairée des femmes et leur intention d’y participer.
MÉTHODE
Essai randomisé comparatif en double insu. Après revue de la littérature, les auteurs ont conçu un document d’information écrit et illustré sur les bénéfices du dépistage du cancer du sein et les risques du surdiagnostic. Ensuite, ils ont tiré au sort des femmes âgées de 48 à 50 ans qui n’avaient pas eu de mammographie depuis 2 ans. Celles randomisées dans le groupe témoin ont reçu un petit document standard sur le bénéfice du dépistage en termes de mortalité et sur les risques de faux positifs. Celles du groupe intervention ont reçu le même document avec en plus le taux de surdiagnostics et ses conséquences. Les femmes étaient en insu du groupe alloué. Trois semaines après l’envoi du document, un questionnaire téléphonique leur a été administré par un interviewer, lui-même en insu de la randomisation. Le critère principal était la « décision éclairée » définie par la cohérence entre les connaissances acquises, les attitudes et l’intention de dépistage. Le critère secondaire était l’intention de dépistage. L’analyse a porté sur toutes les femmes randomisées ayant complété le questionnaire.
RÉSULTATS
879 femmes ont été randomisées et 62 n’ont pas ou partiellement répondu au questionnaire final pour diverses raisons. L’analyse a porté sur 409/440 femmes du groupe intervention et 408/439 du groupe témoin. Leurs caractéristiques médicales, personnelles et socioprofessionnelles étaient comparables à l’inclusion. Elles étaient âgées en moyenne de 49,7 ans, et au moins 97 % ont déclaré avoir lu le document reçu, ce qui leur a pris entre 12,5 et 15,4 minutes. Dans le groupe intervention, 24 % des femmes avaient pris une décision éclairée (selon la définition du critère principal) vs 15 % dans le groupe témoin, p = 0,0017. Elles avaient aussi de meilleures connaissances : 29 % vs 17 %, p < 0,0001. Enfin, elles étaient moins favorables au dépistage (69 % vs 83 %, p < 0,001) et avaient significativement moins l’intention d’y participer (74 % vs 87 %, p < 0,001).
COMMENTAIRES
› Le dépistage mammographique du cancer du sein réduirait la mortalité spécifique de 15 %, mais augmente le risque de surdiagnostics et de traitements inutiles de 30 %. Pour 2 000 femmes dépistées pendant 10 ans, un décès par cancer du sein est évité, mais 10 femmes sont inutilement traitées par chirurgie ou radiothérapie (2). La majorité des documents informatifs sur ce dépistage ne mentionne pas ce sur-risque (3).
› Cet essai est très original, méthodologiquement solide et très sophistiqué. Mené par une équipe de médecins de santé publique et de psychologues australiens, il conclut qu’une information objective, honnête et complète, fournie aux femmes, augmente leur taux de décisions éclairées sur le dépistage et réduit significativement leur intention d’y participer. Seul reproche : il n’est pas allé au bout de sa démarche. Dans le système de soins australien, il était facile de comptabiliser le nombre de femmes qui sont passées de l’intention à l’action en faisant une mammographie « pour de vrai » dans l’année.
› En termes de réduction de la mortalité spécifique, l’efficacité du dépistage organisé dépend de la participation de la population cible. En France (3), il était de 51,6 % en 2013, loin des 70 % requis par l’OMS. Si l’objectif de l’étude australienne était d’augmenter la participation à l’aide d’une information la plus objective et honnête possible, ses résultats sont une mauvaise nouvelle.
› Entre le marteau de la loi et l’enclume de la science, le clinicien est dans une posture inconfortable. La relation « médecin-client » a évolué du registre sachant-profane : « c’est vous l’docteur ! » à une relation moins arbitraire liée à l’accessibilité du savoir (plus ou moins validé et compris) à l’aide d’un simple clic sur Google. Dans cette situation délicate, et à l’aune des controverses sur le dépistage du cancer du sein (2), le professionnel doit honnêtement informer et la femme décider.
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