Toxicologie

L'INTOXICATION À L'ARUM

Publié le 16/05/2022
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Une intoxication ou un contact avec les arums peuvent provoquer des manifestations digestives ou de la muqueuse buccale, ou encore des dermites de contact peu importantes. Le traitement est symptomatique.

Nous accueillons en consultation le jeune Romuald, 5 ans, avec sa grand-mère. Cette dernière est inquiète car lors d’une promenade en milieu d’été, en forêt, la veille, cet enfant a cueilli des baies. Certaines d’entre elles (2 ou 3) ont été consommées et la grand-mère craint que cela engendre de gros problèmes de santé pour son petit-fils. Ce dernier ayant recraché un de ces fruits, la grand-mère s’est inquiétée de savoir ce que l’enfant a pu ingurgiter.

Depuis, aucun symptôme particulier n’est apparu et l’examen clinique de l’enfant se révèle tout à fait satisfaisant. En regardant sur la photo prise par la grand-mère, et correspondant à la plante incriminée et absorbée, nous pouvons lui dire que Romuald a consommé des baies provenant d’un Arum maculatum.

INTRODUCTION

Deux espèces d’arum sont communément décrites dans les forêts (le plus souvent dans les bois, taillis ou haies ombragées) : le gouet tacheté, que l’on trouve de manière ubiquitaire en France, et le gouet d’Italie, retrouvé dans le centre et l’ouest de la France.

En ce qui concerne notre cas, il s’agit du gouet tacheté ou Arum maculatum. Cette plante de 20 à 50 cm de hauteur présente des feuilles de couleur verte comportant des taches de couleur noire ou brune.

Les fruits sont ovoïdes et deviennent rouges en étant matures (au départ, ils sont de couleur verte, comme sur notre photo). Ils apparaissent à la suite de la floraison, c’est-à-dire entre les mois d’août et de septembre. La saveur de ce fruit est généralement agréable car elle est douce et légèrement sucrée.

TOXICITÉ POUR L’HOMME

La toxicité des feuilles et des rhizomes est secondaire à l’action d’irritants volatils qui sont possiblement des aroïnes, des saponosides et des conicéines. L’acide oxalique ou ses sels solubles sont aussi incriminés avec plus de certitude. Ces sels d’oxalate de calcium, en s’accumulant, donnent des raphides.

L’absorption de feuilles induit des brûlures ou inflammations locales touchant les lèvres, la langue (avec parfois un œdème), manifestations dues aux raphides.

Des douleurs abdominales et une importante asthénie sont également rapportées.

Ces problèmes ne sont pas mis en évidence chez les patients ayant absorbé ces plantes à la suite d’une longue préparation (décoction notamment) ou lorsque la plante est séchée.

La toxicité des fruits est à l’origine de la majeure partie des consultations et varie en fonction de la quantité des baies absorbées (le plus fréquemment par des enfants). Ces baies contiennent de l’oxalate de calcium soluble à raison de 0,4 % dans les fruits verts et 0,2 % dans les fruits rouges.

Cette substance est responsable d’une importante irritation des muqueuses (le plus souvent au niveau bucco-pharyngé) avec œdème, érythème et sensation de brûlure souvent intense et permanente.

Par ailleurs, des troubles digestifs sont parfois objectivés : douleurs abdominales, diarrhée, vomissements.

Lors d’une consommation massive (le plus souvent au-delà de 15 baies avalées, ce qui est rare), on peut observer : hypothermie, trouble du rythme cardiaque, mydriase, hypersalivation, convulsion (crise tonicoclonique), voire même le coma et la mort du patient.

La toxicité suite à un contact avec la plante peut également générer une réaction cutanée (dermite de contact) avec œdèmes, érythème au niveau de la zone en contact, sensations de brûlure (surtout au niveau des yeux).

TRAITEMENT

Il repose sur :

• le nettoyage et le rinçage de la bouche en cas d’atteinte buccale,

• dans le cas de troubles digestifs, il est nécessaire d’administrer un traitement symptomatique. Ce dernier peut comporter un antiémétique, un anti­spasmodique, ou un antidiarrhéique si les problèmes de transit deviennent prépondérants,

• lors d’une intoxication massive, il reste très important d’effectuer un suivi cardiovasculaire dans un centre hospitalier.

Concernant notre jeune patient, l’absorption est restée très peu importante et, compte tenu d’une prise en charge retardée (plus de 15 heures après cette absorption), nous avons rassuré la grand-mère sur la totale innocuité suite à cette absorption.

Dr Pierre Frances (médecin généraliste à Banyuls-sur-Mer), Dr Eric Baranauskas (médecin généraliste à Saleilles), Widad Gallaf (interne en médecine générale à Montpellier), Julien Planas (externe à Montpellier)

BIBLIOGRAPHIE
1. Bruneton J. Plantes toxiques. Végétaux toxiques pour l’homme et l’animal. Ed. Lavoisier 2005.
2. Frohne D, Pfänder HJ, Anton R. Plantes à risques. Ed. Lavoisier 2009.
3. Guenua JM, Hillson CJ. The occurrence, type and location of calcium oxalate crystals in the leaves of fourteen species of araceae. Annals of Botany 1985; 56: 351-361.


Source : lequotidiendumedecin.fr