Jeanne, 78 ans, consulte pour le suivi d’une chute avec traumatisme crânien et perte de connaissance (elle n’a pas vu la marche d’entrée d’un magasin) deux semaines auparavant. Au décours immédiat, elle a été hospitalisée et un scanner cérébral a été réalisé. L’urgentiste l’a rassurée en lui expliquant ne pas avoir objectivé de lésions traumatiques. Par contre, il lui a conseillé de consulter en raison de la découverte fortuite d’une lésion osseuse bien limitée et dense au niveau du sinus frontal droit (photo ci-dessus, flèche verte). Cette formation arrondie serait un ostéome du sinus frontal.
INTRODUCTION
→ Les ostéomes sont des tumeurs osseuses bénignes que l’on rencontre le plus souvent au niveau des os plats du crâne et de la face (dans près de 50 % des cas). Ils représentent les tumeurs sinusiennes les plus fréquentes (entre 38 et 47 % des cas).
Le siège sinusien de ces tumeurs est le plus souvent frontal (50 % des cas), ethmoïdal (40 % des cas), maxillaire (moins de 10 % des cas). La localisation au niveau des sinus sphénoïdaux est exceptionnelle (moins de 1,5 % des cas).
Ces formations sont objectivées le plus souvent chez les hommes (1,5 à 2 fois plus fréquentes). Cette prédominance masculine peut s’expliquer par deux raisons : le fait que les hommes aient des cavités sinusiennes plus importantes, et surtout par le fait que les traumatismes de la face sont plus fréquents chez ces derniers. Leur découverte est le plus souvent effectuée chez des patients ayant entre 50 et 60 ans.
→ Son origine reste actuellement discutée. Trois théories sont proposées :
– Une théorie embryologique. L’ostéome se développerait aux dépens de cellules cartilagineuses embryonnaires (au niveau de la jonction entre l’os frontal membraneux et l’os ethmoïdal enchondral).
– Une théorie traumatique. Une réaction ostéogénique serait favorisée par un décollement périosté, lequel serait secondaire à l’hématome provoqué par le traumatisme.
– Une théorie infectieuse. Dans ce cas de figure, une inflammation chronique ou des infections répétitives au niveau des sinus seraient responsables de cette symptomatologie.
Le syndrome de Gardner, dont la transmission est de type autosomique dominante, est parfois associé au développement de ces formations.
→ Le syndrome de Gardner d’origine génétique associe des ostéomes multiples, une polypose colique, un épaississement de la corticale des os longs et une fibromatose diffuse.
CARACTÉRISTIQUES CLINIQUES
→ Le plus souvent, ces formations restent asymptomatiques (elles sont le plus souvent découvertes de manière fortuite comme chez Jeanne) car ces tumeurs se développent très lentement.
→ La céphalée ou les algies cranio-faciales sont les manifestations les plus fréquentes (60 % des formes symptomatiques). En ce qui concerne les algies faciales, ces dernières sont uni ou bilatérales, permanentes ou intermittentes, rétro ou sus-orbitaires.
→ La déformation faciale est parfois le signe révélateur de l’existence d’un ostéome (dans près de 30 % des cas).
→ Trois tableaux cliniques peuvent être objectivés en cas d’extension tumorale :
– Dans le cas d’une extension vers le canal frontonasal, on observe une sinusite chronique et parfois une déformation de la face.
– Dans le cas d’une extension au niveau orbitaire, on objective souvent une exophtalmie, une diplopie, un œdème papillaire, une atrophie du nerf optique, et dans certains cas une amaurose.
– Dans le cas d’une extension au niveau de la paroi postérieure ou de la lame criblée, il peut être mis en évidence une rhinorrhée de LCR, un abcès cérébral ou une méningite.
LES ÉLÉMENTS DU DIAGNOSTIC
→ La radiographie du crâne montre le plus souvent une opacité très dense, homogène, polylobée en cible ou cloisonnée, dont la taille est le plus souvent inférieure à 2 mm.
→ Le scanner reste l’examen de choix. Il objective une masse unique hyperdense dont la densité est superposable à celle de l’os adjacent (le plus souvent), mais qui peut être hyperdense en cas d’une forme “ivoire” ou mixte (hypodense au niveau central, et hyperdense en périphérie). Il permet d’appréhender de manière précise l’extension du processus tumoral.
→ L’histologie retrouve un os lamellaire dense et mature. Dans la forme spongieuse, de nombreuses travées osseuses sont retrouvées. Elles sont séparées par des lacunes de moelle osseuse.
LE TRAITEMENT
• Ostéomes de petite taille : une abstention thérapeutique est recommandée, avec surveillance radiologique annuelle.
• Formes symptomatiques, ou en cas de déformation de la face : traitement chirurgical. La voie endoscopique est privilégiée en raison de sa morbidité réduite.
• Un suivi clinique et radiologique des ostéomes opérés est nécessaire.
Bibliographie
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