Bien que le nombre d’études sur le sujet soit encore limité et que les méthodologies utilisées soient variées, la mélatonine semble pouvoir trouver une utilité chez les patients psychiatriques stabilisés ou en rémission afin de prévenir les rechutes lorsque des symptômes d’insomnie ou des troubles du sommeil persistent. Dans ce cas, la mélatonine pourrait améliorer la qualité du sommeil et stabiliser les rythmes circadiens, deux composantes essentielles de la physiopathologie de nombre de malades psychiatriques. En phase aiguë, la mélatonine pourrait être utilisée comme traitement adjuvant chez les patients présentant des troubles du sommeil associés à des troubles de l’humeur tels que la bipolarité, la dépression ou les pathologies affectives saisonnières voire, dans une moindre mesure, en cas de schizophrénie.
MÉLATONINE ET TROUBLES DU RYTHME CIRCADIEN
La mélatonine, hormone sécrétée par la glande pinéale essentiellement en période nocturne, est dotée de différentes activités physiopathologiques. En particulier, elle participe à la synchronisation des rythmes biologiques, principalement le rythme veille/sommeil. Dans la société actuelle, où du fait de contraintes sociales, il est parfois difficile de garder son rythme veille/sommeil physiologique (contraintes de travail, voyages, stress, hyperstimulation…), la mélatonine a été proposée pour améliorer la qualité de vie.
Effet chronobiotique dépendant de l’horaire de prescription
La prescription de mélatonine a été proposée dans un but “chronobiotique”, c'est-à-dire afin de modifier les rythmes biologiques (période, amplitude ou phases). Elle serait efficace sous sa forme à libération immédiate dès la dose de 0,125 mg et le dosage maximal suggéré est de moins de 1 mg.
Lorsque la mélatonine est prescrite dans l’après-midi (en début ou fin), elle permet d’avancer l’ensemble des rythmes biologiques et son effet est maximal lorsqu’elle est consommée 4 à 5 heures avant le début de la sécrétion endogène de cette hormone. Cet effet est utilisé pour avancer la période d’endormissement chez les personnes qui ne trouvent le sommeil que de façon tardive dans la soirée.
Parfois, la mélatonine est prescrite en cours de matinée afin de décaler l’ensemble des rythmes biologiques.
QUELLE MÉLATONINE EN FRANCE ?
• En 2011, la mélatonine a été classée comme substance dangereuse (liste 2). Depuis 2015, la mélatonine à faible dosage (1 mg) est vendue en France comme complément alimentaire sous de nombreuses formes (comprimés, gélules…). Une spécialité dosée à 2 mg a été commercialisée : Circadin® avec AMM. Elle est accessible sur ordonnance mais n’est pas remboursée. Circadin® est indiqué dans l’insomnie des personnes de plus de 55 ans. Cette spécialité pharmaceutique est aussi disponible en ATU (autorisation temporaire d’utilisation) chez les enfants de 6 à 18 ans à la dose de 2 à 4 mg dans certains troubles autistiques et dans des maladies neurogénétiques.
• Le rameltéon (agoniste de la mélatonine) n’est pas commercialisé en France ni en Europe.
Effet soporifique, dose dépendant
Utilisée à des doses de 2 à 5 mg, la mélatonine à libération immédiate ou retardée peut être prescrite 15 à 30 minutes avant l’heure souhaitée du sommeil afin d’aider à l’endormissement. Son effet soporifique est dose-dépendant et il pourrait être associé à un effet chronobiotique. Mais on ne peut pas tout attendre d’une simple prescription de mélatonine : des mesures d’accompagnement cognitivo-comportementales doivent aussi être préconisées (heures de mise au lit régulières, absence d’utilisation d’écrans, etc.). En outre, les patients doivent être informés que chez certains individus, les doses élevées s’associent à une somnolence matinale.
MÉLATONINE ET AFFECTIONS PSYCHIATRIQUES
En raison du lien entre rythmes chronobiologiques, qualité, quantité de sommeil et maladies psychiatriques, des études ont analysé l’impact d’une prescription de mélatonine dans différentes affections. Les experts de la SFRMS ont analysé l'ensemble de la littérature sur ce sujet afin de proposer des indications argumentées selon le type de pathologie.
Bipolarité
Pour la SFRMS, « le niveau de preuves n’est pas suffisant pour prescrire systématiquement de la mélatonine dans un but antidépresseur ou anti-maniaque chez tous les patients atteints de bipolarité. Néanmoins, certaines indications peuvent être retenues, avec des doses variant de 3 à 10 mg ».
La mélatonine en forme à libération immédiate ou prolongée peut être utile dans le traitement de l’insomnie des bipolaires adultes qui présentent des signes majeurs de dépression ou un état maniaque.
– L’effet anti-maniaque allégué dans certaines études est remis en cause par les experts qui soulignent qu’il n’existe à ce jour aucune preuve ni d’un effet anti-maniaque ni d’un effet antidépresseur chez ces patients.
– La rameltéon (agoniste de la mélatonine) pourrait permettre de diminuer de moitié le risque de rechute après 24 semaines chez les patients bipolaires présentant des troubles du sommeil persistants.
– La mélatonine à libération prolongée pourrait être associée à une baisse de la pression artérielle diastolique et une moindre prise de poids chez les patients traités pour bipolarité.
Syndrome dépressif
à la dose de 3 à 10 mg, la mélatonine pourrait trouver une place dans le traitement des dépressions unipolaires, sans néanmoins que l’on puisse apprécier à ce jour son effet à long terme.
La mélatonine à libération immédiate ou prolongée pourrait être utile dans le traitement adjuvant des adultes présentant un syndrome dépressif.
Il n’existe pas de preuve formelle de l’effet de la mélatonine dans les états mélancoliques, sauf si elle est prescrite en association avec la buspirone (antidépresseur utilisé à la dose de 15 mg).
Dépression saisonnière
La mélatonine à libération immédiate pourrait être dotée d’un effet antidépresseur chez les personnes atteintes de dépression saisonnière à condition qu’elle soit administrée 2 à 6 h avant l’heure du coucher. Une minorité de patients répondent mieux si le traitement est prescrit en cours de matinée. Les doses utilisées doivent être non soporifiques (0,1 mg en moyenne) et une luminothérapie doit être proposée simultanément.
Anxiété généralisée
La mélatonine à libération immédiate à la dose unique de 5 à 12 mg avant le geste chirurgical a prouvé son efficacité sur l’anxiété pré-chirurgicale. Cet effet pourrait être indépendant de l’effet chronobiotique et soporifique de la molécule.
En l’absence d’études bien menées, les experts ne recommandent pas la mélatonine dans le traitement des états anxieux, à l’exception du rameltéon qui pourrait être utile dans les syndromes d'anxiété-insomnie.
Les déficits de l’attention chez les adultes
La mélatonine dans sa forme à libération immédiate pourrait trouver une place dans le traitement de l’insomnie chronique (en particulier en cas d’endormissement tardif) des patients atteints de déficit d’attention. En dehors de ce cas, les experts ne recommandent pas son utilisation.
La schizophrénie
La mélatonine peut être proposée dans le traitement des troubles du sommeil des schizophrènes, en particulier en cas d’endormissement tardif. Néanmoins, elle n’est pas recommandée dans le cadre du sevrage des benzodiazépines chez ces patients, ni dans la prise en charge des dyskinésies ou des syndromes métaboliques liés aux médicaments antipsychotiques.
Syndromes douloureux associés à des manifestations somatiques
La mélatonine à libération immédiate peut être utilisée dans le traitement des syndromes douloureux tels que la fibromyalgie ou le syndrome du côlon irritable. Elle pourrait aussi trouver une place dans la prise en charge du syndrome dyspeptique et dans les douleurs chroniques de l’articulation temporo mandibulaire. Des doses élevées pourraient être nécessaires et une prescription en deux prises par jour est possible.
Bibliographie
1- Geoffroy P, Micoulaud Franchi J, Lopez R et coll. The use of melatonin in adult psychiatric disorders : expert recommandations by the French Institute of medical research on sleep (SFRMS). L’encéphale 2019.
Liens d'intérêts
Aucun
Cas clinique
Le prurigo nodulaire
Étude et pratique
HTA : quelle PA cible chez les patients à haut risque cardiovasculaire ?
Mise au point
Troubles psychiatriques : quand évoquer une maladie neurodégénérative ?
Étude et pratique
Complications de FA, l’insuffisance cardiaque plus fréquente que l’AVC