Laurent B., 37 ans, pratique à un excellent niveau le cyclisme. En avril dernier, il a effectué un circuit sur un chemin de hallage entouré de végétaux. À 12 ans, il a présenté une rhinite (RA) et un asthme par allergie aux acariens et aux pollens pour lesquels il a bénéficié d’une immunothérapie spécifique (ITS) aux pollens. Il présente encore des symptômes de RA les jours de forte pollinisation des graminées ou en cas de pollution, mais accessibles aux anti-H1. Il pédale depuis 10 mn lorsqu’il ressent un prurit au niveau des jambes et des cuisses qu’il attribue à son cuissard neuf. Mais ses démangeaisons ne cessent d'augmenter, surtout au niveau de la paume des mains et de la plante des pieds. Le tableau se complète vite par une fatigue importante et, surtout, par une urticaire généralisée qui le forcent à rentrer chez lui, difficilement, en marchant... L’urticaire augmente avec conjonctivite, œdème des lèvres et du visage, quintes de toux.. Gêné pour respirer, il prend plusieurs bouffées d’un bêta2-mimétique d’action rapide (B2CA). Pensant soulager ses démangeaisons, il prend un bain, mais vu l’aggravation des symptômes (angio-œdème, urticaire, gêne respiratoire) il appelle le Samu. Il reçoit alors une injection IM d’adrénaline, des B2CA par inhalation, des corticoïdes IV, et est hospitalisé 24 heures.
LE DIAGNOSTIC
► Le patient a présenté une variété d’anaphylaxie d’effort qui est l’anaphylaxie induite par l’exercice physique et l’ingestion d’aliments (AIEPIA). En effet, quelques minutes avant de commencer sa course il a consommé quelques noix. Le Prick Test est positif aux noix (papule de 7 mm) pour un témoin au phosphate de codéine à 3 mm. Le dosage des IgE sériques spécifiques confirme cette positivité (34,16 kUA/l). L’interrogatoire ne montre pas d’allergie alimentaire isolée à la noix, ni à l’arachide ou aux autres fruits à coque.
L’AIEPIA
► Les anaphylaxies alimentaires d’effort (AIE) constituent un groupe très hétérogène au sein duquel il faut distinguer : - l'anaphylaxie uniquement induite par l'exercice physique (AIEP) ; - l'anaphylaxie induite par l'ingestion d'aliments et l’exercice physique (AIEPIA) ; - l’anaphylaxie post-prandiale; - les anaphylaxies dites idiopathiques où l’effort est parfois un facteur de risque, pas toujours reconnu, souvent associé à des facteurs hormonaux, cadre de transition souvent en attente d’un diagnostic.
L’AIEP isolée est la plus fréquente, avec sensibilisation alimentaire IgE-dépendante. Sa fréquence est probablement sous-estimée (0,31 p 1000 étudiants dans une étude japonaise) (1). Les aliments les plus souvent en cause sont la farine de céréales en particulier de blé (pain, pâtes alimentaires), les fruits de mer, le céleri, la tomate, la pomme, le raisin, les fruits secs (noix, noisette), l’orange, la pêche, le chou, l’escargot, le sarrasin, l’oignon, les escargots, etc. (6). Les individus atteints sont plus souvent de sexe masculin, adultes jeunes ou ados, plus rarement des enfants de moins de 10 ans. Si tous les efforts sont concernés, il s’agit surtout d’exercices prolongés en endurance (course, basket-ball, hand-ball, natation, marche, etc.).
► En dehors de l’effort, il faut rechercher la prise préalable d’un aliment. La séquence inverse – effort suivi de la prise d’un aliment – est rare au cours de l’AIEPIA. Le premier symptôme qui apparaît est le prurit des paumes des mains et des plantes des pieds qui doit entraîner la cessation immédiate de l’effort sous peine d’une évolution grave vers le choc anaphylactique comme dans notre observation.
Autre élément très important du diagnostic, l’exercice physique seul ou l’ingestion de l’aliment seul n’entraînent aucun symptôme : les deux facteurs déclenchants doivent être associés. L’ingestion de l’aliment précède l’effort 9 fois sur 10. Après la consommation de l’aliment, les symptômes surviennent le plus souvent dans les premières minutes, de 5 à 15 comme chez notre patient.
► Le tableau clinique, variable selon les individus, est presque toujours identique chez un même patient : urticaire généralisée, angio-œdème, asthme, diarrhée, collapsus, choc. Si le patient arrête l’exercice dès l’apparition des prodromes, l'évolution est en général régressive. Des formes très graves (9,11) et même mortelles (11) ont été décrites : l’escargot est impliqué dans ces 3 cas.
LE TRAITEMENT
► l’AIEPIA est basé sur l’injection IM d’adrénaline à la face antéro-externe de la cuisse : stylo auto-injecteur à la dose de 0,15ml (jusqu’à 20 kg) et de 0,30 ml (plus de 20 kg). Les B2CA sont indispensables en cas de bronchospasme. La pose d’une voie veineuse permet une corticothérapie (60 mg/jour de prednisone ou équivalent). L’hospitalisation avec surveillance de 24 h est indispensable en raison du risque de récurrence (anaphylaxie bi-phasique) dans 10 à 20 % des cas. Tout patient atteint d’AIEPIA (ou plus généralement d’anaphylaxie aiguë) doit avoir un rendez-vous précis pour une consultation spécialisée d’allergologie dans les semaines qui suivent (12).
Les mesures de prévention
Les principaux facteurs associés à l’AIEPIA sont l’atopie, la prise de médicaments (aspirine, anti-inflammatoires non-stéroïdiens, propranolol), la chaleur, l’alcool (etc.) (6). Dans tous les cas, la prévention repose sur des mesures simples :
- observer la « règle des 3 heures » entre les repas et l’exercice physique ;
- éviter les efforts pendant les fortes chaleurs ;
- faire attention aux aliments masqués dans les plats et les produits énergétiques pour sportif ;
- boire pendant l’effort.
Cas clinique
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